Une semaine dans un village de glace au Canada
Nos reporters sont parties au Québec pour rencontrer les adeptes de la pêche blanche.
Publication 10 mars 2022, 06:30 CET

L'Anse-à-Benjamin est l’un des plus gros sites de pêche blanche du fjord de Saguenay. Cette pratique consiste à pêcher dans un trou percé dans la glace. Chaque hiver, de janvier à mars, la saison est ouverte. Il faut attendre que la glace atteigne une épaisseur suffisante, 30 cm environ, pour pouvoir installer les cabanes de pêcheurs. Dès que le chiffre fatidique est enregistré, les journaux battent le rappel : se forment alors, un peu partout sur le fjord, de petits villages éphémères, dont les principaux sont, avec l'Anse-à-Benjamin, la Grande-Baie ou des extensions de villages permanents, comme l'Anse Saint-Jean et Sainte-Rose-du-Nord. En surface, on capture des éperlans. Pour la pêche dans les grandes profondeurs, à plus de 200 m, qui permet d'attraper des turbots, des morues franches et même exceptionnellement, des requins du Groenland, la ligne peut mettre cinq minutes pour atteindre le fond.
PHOTOGRAPHIE DE Emanuela AscoliRémi Aubin est une star de la pêche blanche à Saguenay. Il a créé la boutique "Accomodation des 21", où il vend sa propre gamme de cannes à pêche. L'homme nous accompagne, avec Maxim Trudel, un habitant des environs, vivre une expérience de pêche en extérieur, sur une partie isolée du fjord. Et les prises ne se font pas attendre : nous capturons des morues franches, des raies ou encore des "crabes des neiges". Nous relâcherons les deux derniers spécimens aussitôt, car ce sont des espèces protégées.
PHOTOGRAPHIE DE Emanuela AscoliLe pêcheur Mario Vaillancourt nous accueille dans sa cabane située à l'Anse-à-Benjamin. Il nous initie à la pêche blanche assistée par sonar. L'appareil lui permet de localiser les poissons sous la glace et d'ajuster la position de la ligne. Concentré, les yeux rivés sur son écran : on le croirait en pleine partie de jeu video !
PHOTOGRAPHIE DE Emanuela AscoliDaniel pratique la pêche en fauteuil : à ses pieds, il y a un trou dans la glace.
PHOTOGRAPHIE DE Emanuela AscoliLa nuit est tombée sur l'Anse Saint-Jean. Norman montre fièrement à son ami Richard les photos de ses dernières prises : des morues franches, des turbots et des sébastes. Tous les soirs, jusqu'à minuit, les deux amis suivent leur sonar, dans l'espoir de battre leur dernier record de pêche.
PHOTOGRAPHIE DE Emanuela AscoliÀ l'Anse de Saint-Jean, Mélanie attrape une beau sébaste à côté de sa fille Maëva. Les cabanes sont équipées de clic-clacs, d'une cuisine, d'un poêle à gaz, et, évidemment, de petites trappes qui donnent accès aux trous dans la glace. Tout est pensé pour pêcher confortablement. Généralement, les familles restent sur le fjord pour une courte période, mais les plus passionnées s'installent tout l'hiver.
PHOTOGRAPHIE DE Emanuela AscoliL'après-midi, chez Maryse à l'Anse Saint-Jean, on pêche entre femmes (exception faite pour son fils Jordan et son chien Max). Accompagnée de deux parentes, Marie-Christine et Marie-Josée (sur la photo), elle nous explique comment les pêcheurs du coin communiquent entre-eux. Sur Facebook, on se tient au courant de la vie du village : chacun raconte sa dernière prise ou invite ses voisins à partager une bière. C'est d'ailleurs de cette manière qu'elles ont eu vent de notre arrivée. Avec les réseaux sociaux, impossible de passer incognito !
PHOTOGRAPHIE DE Emanuela AscoliAprès la baie des Ha ! Ha !, nous rejoignons le village éphémère de la Grande-Baie. Nous sommes invitées par la famille Gauthier à nous réchauffer autour d'un verre de "sortilège", un alcool local à base de sirop d'érable. Le camping-car de la famille est équipé d'une cuisine, d'un salon et d'une chambre à l'étage. Michel y habite durant toute la saison de pêche. Sa soeur, son neveu et sa cousine le rejoignent de temps en temps pour passer le week-end. Au programme : patinage, kitesurf, fatbike (un vélo aux pneus surdimensionnés pour rouler sur la neige), sculptures sur glace et cuisine entre amis !
PHOTOGRAPHIE DE Emanuela AscoliJean Tremblay vient pêcher des éperlans, au petit matin, sur la Baie des Ha ! Ha !. Pour se protéger du froid (avec les rafales de vent à 50 km/h, la température ressentie est, au mieux, de -30° C ce matin !), il porte un chapeau fabriqué avec la fourrure d'un castor qu'il a lui-même chassé. C'est un puriste de la pêche, qui n'a pas peur de remonter les poissons à main nue dans l'eau glacée. La veille, ce québécois téméraires a fait une grosse prise : il a abattu un ours en l'appâtant avec du miel et des framboises.
PHOTOGRAPHIE DE Emanuela AscoliAprès une nuit passée dans l'auberge des Battures, qui donne sur la baie des Ha ! Ha !, à environ 12 km de l'Anse-à-Benjamin, nous voyons s'installer, dès l'aube, les pêcheurs dans de petites cabanes ou des tentes chauffées avec un poêle à gaz. Courageuses, nous sommes venues à pied, mais, pour se rendre sur le site, les pêcheurs empruntent généralement des motoneiges. Pour percer la glace, ils utilisent une foreuse à gaz ou, simplement, un grand pieu métallique.
PHOTOGRAPHIE DE Emanuela Ascoli