Quand les morts parlent : les exhumations les plus célèbres

Certaines questions peuvent trouver des réponses jusque dans la mort...

De Erika Engelhaupt
Publication 15 juin 2020, 10:22 CEST
Le peintre surréaliste Salvador Dalí pose en décembre 1964.

Le peintre surréaliste Salvador Dalí pose en décembre 1964.

PHOTOGRAPHIE DE Terry Fincher, DAILY EXPRESS, HULTON ARCHIVE, GETTY IMAGES

Le peintre surréaliste Salvador Dalí ne repose pas « en paix ». Son corps a été exhumé en 2017 pour un test de paternité. Longue est la liste des personnes déterrées au nom de la science.

Certains sont accusés d’avoir commis un crime. D’autres ont eux-mêmes été victimes d’un meurtre. Pour d’autres encore, on recherche des preuves de filiation. Parfois, les autorités veulent simplement savoir si la personne est réellement morte.

Il est désormais possible de dissiper le flou, des années voire des siècles après la mort, grâce aux progrès récents des techniques d’analyse de l’ADN.

Dans le cas de Dalí, une Espagnole prétendait être sa fille. En juin 2017, un juge a ordonné l’exhumation du corps pour faire une comparaison d’ADN. Le 20 juillet, le corps du peintre a été déterré. Sa moustache célèbre était intacte. Selon les experts, il restait suffisamment d’ADN pour dissiper les doutes, si les bons prélèvements étaient faits.  

Le patrimoine génétique commence à se dégrader immédiatement après la mort. Les chercheurs ont prélevé des fragments de cheveux, de molaires et d’os pétreux contenus dans le conduit auditif. C’est grâce à ces éléments que les médecins légistes ont pu confirmer que Pilar Abel n'était pas la fille naturelle du célèbre peintre.

Outre Dalí, on compte quelques autres illustres exhumations.

 

MAIS OÙ EST LA TOMBE ?

Même les corps des personnes célèbres peuvent se perdre.

L’astronome Nicolas Copernic est mort en 1542, peu de temps après avoir écrit un livre où il expose sa théorie héliocentrique qui place le Soleil au centre de l’univers. Sa dépouille a été déposée dans une tombe sans inscription, sous le sol de la cathédrale de Frombork en Pologne.

Pendant deux siècles environ, les archéologues ont remué ciel et terre pour essayer de retrouver sa tombe. Ce n’est qu’en 2005 qu’un crâne et quelques ossements ont enfin été découverts lors de fouilles menées dans l’enceinte de la cathédrale. Il y a de fortes chances qu’ils appartiennent à Copernic. Le crâne a été transféré au laboratoire judiciaire de la police qui a procédé à des techniques de reconstruction virtuelles pour reconstituer le visage de l'homme. Celui-ci ressemble étrangement à l’autoportrait de l’astronome.

Les chercheurs ont également prélevé des échantillons d’ADN sur les restes mais ne pouvaient pas établir de comparaisons pour confirmer son identité. Aucun descendant direct de Copernic n’a pu être identifié.

L’équipe refuse de baisser les bras. Un libraire trouve plusieurs cheveux dans un livre ayant appartenu à l’astronome. Leur code ADN s’avère identique à celui des restes trouvés à Frombork. Copernic est à nouveau enfoui sous le sol de la cathédrale, au pied d’une tombe neuve.

 

QUESTION DE VIE OU DE MORT

Les autorités ont parfois déterré de sinistres personnages pour s’assurer qu’ils n’essayaient pas de se soustraire à la loi en simulant leur propre mort.

D’après les récits historiques, John Wilkes Booth, l’assassin du président américain Abraham Lincoln, aurait été abattu dans une grange. Au cours des quatre années qui ont suivi sa mort, son corps a été exhumé à deux reprises. Par deux fois, les analyses ADN ont confirmé son identité.

Cependant, en 1907, un avocat du nom de Finis Bates prétend qu’on a tué la mauvaise personne. Selon lui, le vrai Booth se faisait appeler John St. Helens et aurait avoué sa véritable identité à Bates avant de se suicider en 1903. Le corps momifié, présenté comme « L’homme qui a tué Lincoln », a même fait le tour du pays.

Pour en avoir le cœur net, les membres de la famille de Booth ont obtenu l’autorisation d’exhumer le corps de son frère Edwin dans l’espoir de comparer son code ADN à celui des vertèbres prélevées lors de l’autopsie de 1865 et conservés au National Museum of Health and Medicine du Maryland.

Le musée a refusé de remettre les os à la science, craignant qu’ils soient endommagés par les analyses. Les tribunaux ont également rejeté les demandes d’exhumer Booth une troisième fois.

 

ÉTAIT-CE DU POISON ?

Certains médecins ont cru qu’il avait succombé au choléra alors que d’autres ont attribué sa mort à un coup de chaleur. Cependant, l’historienne Clara Rising est fermement convaincue que Zachary Taylor est le premier président américain à avoir été assassiné. Elle émet l’hypothèse d’un empoisonnement à l’arsenic, conséquence de son opposition à l’expansion de l’esclavage vers l’Ouest.

Rising a obtenu une autorisation d’exhumation en 1991 et c’est au Oak Ridge National Laboratory que l’analyse par activation des neutrons a été faite. Bien que des traces d’arsenic aient été retrouvées, les chercheurs estiment qu’elles n’auraient pas pu être mortelles.

Le médecin légiste du Kentucky a également analysé les restes de Taylor. Selon lui, le président est mort d’une gastro-entérite, une infection souvent causée par des bactéries ou des virus contenus dans des boissons ou des aliments contaminés. D’après les récits historiques, le président se serait gavé de cerises fraîches et de lait frais. Un dernier repas qui lui aurait été fatal.

 

CE N’EST PAS LUI LE COUPABLE

Dans les années 1950, une affaire de meurtre réussit à hypnotiser le grand public. Sam Sheppard, un médecin très apprécié, est accusé d’avoir tué sa femme.

Sheppard passe dix ans de sa vie en prison. Pendant tout ce temps, il prétend s’être battu avec un « homme aux cheveux hirsutes » la nuit du crime. Très médiatisée, l’affaire a inspiré la série télévisée et le film « Le fugitif ».

L’affaire a suscité un tel battage médiatique que la Cour suprême des États-Unis a ordonné un nouveau procès. Sheppard a finalement été acquitté. À l’époque, les tests d’ADN n’étaient pas disponibles. On ne pouvait révéler l’identité du suspect à partir d’échantillons de sang prélevés sur les lieux du crime.

Sheppard meurt en 1970. En 1997, son fils demande l’autorisation d’exhumer le corps pour connaître la vérité. Les tests d’ADN montrent que les gouttes de sang recueillies dans la maison n’appartiennent pas à Sheppard. Richard Eberling, un ancien laveur de vitres, est pointé du doigt. Il n’avait pas les cheveux hirsutes mais se coiffait souvent de perruques.

Cette affaire revêt une grande importance. Plusieurs meurtres peuvent désormais être élucidés grâce aux échantillons d’ADN conservés.

 

EVITA PERON : MYSTÈRE AUTOUR DE SA DÉPOUILLE

Certaines personnes célèbres font encore plus parler d’elles après leur décès. C’est le cas d’Eva Peron, une figure emblématique de l’Argentine. La première dame meurt du cancer en 1952. Elle n’a que 33 ans.

La dépouille, soigneusement embaumée, est radiographiée, puis longtemps cachée et trimballée au gré de dictatures militaires. Pendant 20 ans, elle a fait l’objet d’enjeux politiques. Après de nombreuses années en Italie, son corps est enfin exhumé et transporté en Argentine. Elle repose désormais en paix à Buenos Aires.

L’enterrement n’a cependant pas résolu toutes les énigmes. En 2012, un neurochirurgien et d’autres chercheurs publient un rapport après avoir consulté les rayons X. Eva Peron aurait été lobotomisée peu de temps avant sa mort.

La lobotomie est une opération chirurgicale qui consiste à détruire de façon partielle la région préfrontale du cerveau. Les connexions entre le cortex préfrontal et le reste du cerveau sont coupées. Cette pratique était utilisée à l’époque pour traiter les maladies mentales ou apaiser les souffrances des mourants. La seule façon de savoir si Peron a été lobotomisée est de l’exhumer. Maintenant qu’elle repose en paix après un si long périple, cette solution est peu envisageable.

 

LES GORILLES DE FOSSEY

Les analyses médico-légales ne permettent pas seulement d’élucider des crimes. Ces outils scientifiques sont également utilisés pour en savoir plus sur le milieu naturel.

Les gorilles étudiés par l’exploratrice National Geographic Dian Fossey dans les années 1970 ont été exhumés à cette fin. Fossey a analysé le comportement des gorilles pendant 18 ans au Rwanda. Elle défendait même la région contre les braconniers. Cette démarche lui a coûté la vie : elle y a été assassinée en 1985.

Certains gorilles ont été déterrés pour une étude plus approfondie. Doublés des données de Fossey et des comptes rendus détaillés d’autres chercheurs, les ossements montrent comment les changements au niveau de l’environnement ou des groupes sociaux ont une incidence sur la santé et le développement des gorilles.

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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