Bactéries mangeuses de plastique : une bonne nouvelle pour la planète ?

Un groupe de scientifiques suédois a découvert l'existence de dizaines de milliers d'enzymes destructrices de plastique.

De Margot Hinry
Publication 14 janv. 2022, 09:15 CET
Algues et emballages plastiques flottent à la surface de l'eau tandis qu'une tortue verte s'éloigne des ...
Algues et emballages plastiques flottent à la surface de l'eau tandis qu'une tortue verte s'éloigne des déchets plastiques.
PHOTOGRAPHIE DE Steve de Neef, National Geographic Creative

En 2016, des scientifiques japonais de l’Université de Kyoto ont découvert une bactérie capable de se nourrir de déchets plastiques. Nommée donellea skaiensis, elle s’attaque à l’un des plastiques les plus courants, le polyéthylène téréphtalate (PET) en sécrétant des enzymes destructrices. 

En 2018, une équipe de chercheurs américano-britannique avait tenté de comprendre l’évolution de cette bactérie et avait créé, par inadvertance, une enzyme d’autant plus performante pour détruire certains plastiques. Des « supers-enzymes » capables de décomposer six fois plus rapidement les déchets. 

En 2021, l’équipe de scientifiques de l'École polytechnique Chalmers, en Suède, a révélé la première évaluation mondiale à grande échelle du potentiel de dégradation du plastique par les bactéries

L’étude, publiée dans le journal scientifique American Society for Microbiology (ASM) indique que la quantité d’enzymes destructrices de plastique varie selon la pollution plastique du lieu. D’ailleurs, les scientifiques expliquent avoir constaté que « le taux d'enzymes augmente avec la profondeur, en réponse à la pollution plastique et pas seulement à la composition taxonomique ». 

En se basant sur les projets mondiaux d'échantillonnage de l'ADN environnemental, ils ont finalement analysé 200 millions de gènes prélevés aux quatre coins de la planète. « Nous avons cherché des ADN dans des zones les plus larges possibles » explique Aleksej Zelezniak, le coauteur de l’étude. L’objectif étant d’évaluer, à l’échelle de la planète, le potentiel des micro-organismes à dégrader les différents déchets plastiques. 

 

LA NATURE S’ADAPTE À LA POLLUTION

À première vue, des enzymes destructrices de déchets plastiques peuvent être une bonne nouvelle pour l’environnement. Mais Aleksej Zelezniak est plus prudent. « Je fais toujours attention quand je dis que c'est une bonne nouvelle. Les gens pourraient se dire que l’on peut polluer encore plus, puisque les bactéries peuvent gérer nos déchets. C'est vraiment dangereux de dire ça, aujourd’hui tout devient viral. C’est une bonne nouvelle, mais cela reste une nouvelle liée au fait que nous polluons. C’est une réponse de la planète ». 

Ces minuscules créatures marines se nourrissent de plastique

Il faut comprendre que les bactéries se sont adaptées à un environnement extrêmement pollué. « Depuis 2015, plus de 6,9 milliards de tonnes de déchets plastique ont été produites. Environ 9 % ont été recyclés, 12 % ont été incinérés et 79 % ont été accumulés dans des décharges ou dans la nature ». Certains plastiques sont difficiles à recycler, et d’après les chiffres les plus récents de PlasticsEurope, le taux de recyclage des déchets plastiques en Europe se situe entre 26 % et 52 %. La fourchette varie selon « des différences de collecte, les infrastructures disponibles et le comportement des consommateurs ». En moyenne, le recyclage de plastique a augmenté en 2020 par rapport à 2016, en se plaçant à 42 %. 

L’étude des chercheurs suédois compile plus de 30 000 homologues d’enzymes « non-redondants » avec un potentiel de dégradation d’au moins dix plastiques différents. Les bactéries ont développé certaines enzymes capables de dégrader certains plastiques en petites molécules. « Le plastique est une molécule organique. Il est essentiellement composé de carbone, d'hydrogène et d'oxygène », rappelle Aleksej Zelezniak.

Les supers enzymes pourraient être une solution de recyclage. Mais, la question économique reste l’enjeu principal : « une manière efficace de lutter contre les déchets plastiques, c’est de recycler ce plastique pour en faire un autre. Mais c’est toujours plus cher à faire que de l'obtenir simplement du pétrole. Les usines ne se soucient pas d'où il vient, il doit juste être bon marché. Les forces économiques sont vraiment puissantes, mais [...] je pense que c'est un scénario possible ». 

Aujourd’hui, Aleksej Zelezniak et son équipe souhaitent examiner les différentes enzymes pour comprendre comment elles agissent réellement. « Maintenant que nous avons identifié leur potentiel, nous allons synthétiser cet ADN [...] et vérifier si ça fonctionne ou non en laboratoire ». À l'avenir, les enzymes les plus performantes pourraient devenir des pistes pour s’attaquer aux plastiques les plus coriaces. 

Les estimations actuelles indiquent qu’en 2050, soit d’ici moins de trente ans, la production mondiale de plastique sera d’environ 6,5 milliards de tonnes, contre 1,7 milliards de tonnes en 2015.

En France, d’ici 2040, les plastiques à usage unique seront interdits. Bien que les bactéries puissent devenir un espoir pour aider à lutter contre la crise planétaire de la pollution plastique, le premier enjeu reste la diminution de la production plastique. 

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