Les standards de beauté sont-ils devenus obsolètes ?

Les associations et militant.e.s questionnent le caractère obsolète des critères de beauté mis en avant notamment par des concours de beauté.

De Margot Hinry
Publication 3 janv. 2022, 13:47 CET
La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli

La Naissance de Vénus, de Sandro Botticelli

PHOTOGRAPHIE DE Pixabay

Marilyn Monroe n’aurait pas fait l’unanimité à toutes les époques. La vénus d’hier n’étant plus celle d’aujourd’hui, l’association Osez le féminisme ! a récemment saisi la justice pour s'attaquer au concours Miss France, déplorant une sélection « discriminatoire », un concours « rétrograde », « sexiste » qui ne respecterait pas le droit du travail. 

Le corps humain a toujours été plus ou moins critiqué ou encadré par des normes et des standards de beauté. Les standards de beauté féminine traversent les époques, oscillant entre idéaux de pâleur, puis de bronzage, de minceur, puis de mise en valeur de tous les corps, de coupes de cheveux courtes, puis longues.  

Dictés par la culture, la religion, l’époque, chaque période a des critères de beauté qui lui sont propres. Au temps de la préhistoire, la femme était essentiellement perçue à travers son physique et sa fécondité. Peu d’autres points importaient alors, la femme était avant tout une mère. Les seins, le ventre, les cuisses et les fesses étaient valorisés. 

La beauté éternelle, notion de beauté toujours présente de nos jours, est apparue à l’Antiquité. La représentation de la femme était assimilée à un corps de déesse, élancé, musclé et très mince. Les statues de corps de femmes de la Grèce antique représentent, elles, des corps encore relativement dénué de courbes féminines, plutôt proches de l’homme, avec une carrure musclée comme la Vénus de Milo. 

Le Moyen Âge répond à des standards tirés du christianisme et valorise un corps de femme pure, à la peau très pale, semblable à la vierge Marie. Le maquillage n’est alors pas de mise, le naturel et la taille fine priment. Puis vient la Renaissance, qui laisse apparaître une femme de plus en plus charnue, au caractère plus divin qu’humain.  

Progressivement, la forme du corps se sculpte un idéal plus ou moins mince, parfois galbé, parfois plus rond. La mode est alors au maquillage, à la coiffe au naturel, aux cheveux longs, faussement décoiffés. La beauté de la femme évolue vers une sensualité libérée, le désir, la liberté.  

« Le corps, comme le vêtement, est un élément de la culture, il est inséré dans une histoire, dans des pratiques, des techniques et des représentations qui empêchent qu'on le considère comme naturel » explique Ariane Fennetaux, historienne spécialisée dans l'histoire des pratiques vestimentaires et Maîtresse de Conférences à l’Université de Paris. 

Le corps lui-même n'est plus considéré comme naturel et les standards de beauté sont omniprésents dans l’histoire culturelle. « Une des techniques du corps est justement le vêtement, qui fait office d'interface entre corps individuel et corps social. Les pratiques vestimentaires accompagnent et médiatisent la manière dont le corps est compris, vu, interprété, vécu. Ce qu'on appelle les standards de beauté participent à cette histoire du corps qui va bien au delà de la question esthétique ou du désir et de l'attirance, car elle englobe aussi celle des représentations sociales, genrées, parfois spirituelles d'une société » relève l’historienne.  

 

LES FEMMES VUES PAR LE PRISME DE L’APPARENCE 

Le concours Miss France est vivement critiqué et boycotté par plusieurs associations féministes depuis de nombreuses années. Selon les conditions d’inscription, les candidates au concours doivent être célibataires, sans enfant et mesurer au moins 1,70 mètre sans talons et ne porter ni piercings ni tatouages visibles. Pour plaire aux différents jurys, les candidates ne doivent pas présenter de talents ou de prestations, mais défiler et répondre à plusieurs questions de culture générale.  

Osez le féminisme ! dénonce un concours qui aurait pour objectif d’élire la plus jolie Française et donc de réduire les Françaises à un seul physique, avec des critères de beauté peu représentatifs de la société. « Non seulement ces critères sont discriminants mais ils continuent à véhiculer une idée très restreinte et sexiste de ce que doit être la femme française modèle : une poupée jeune, disponible, jolie et sexualisable à merci » souligne Elsa Labouret du collectif Osez le féminisme !. « Le principe-même d'un concours de beauté est misogyne : il combine le culte de l'apparence des femmes et le fait de nous mettre en compétition les unes contre les autres. Le concours Miss France, en demandant au pays entier de comparer et juger des femmes selon le temps et l'énergie qu'elles ont passé à cultiver leur corps pour se conformer à des normes sexistes, est tout ce que nous combattons » poursuit-elle.

Au mois d’octobre 2021, après l’annonce de l’attaque en justice, la nouvelle présidente de la société Miss France, Alexia Laroche-Joubert, a réagi au micro de nos confrères de France Info, se disant lasse « de cette culpabilisation de ces jeunes femmes, qui par choix participent au programme ». Elle estime que de continuer à lutter contre les concours de beauté et en particulier Miss France, « c’est ça qui est archaïque : ne pas considérer que des femmes puissent décider de ce qu’elles vont faire de leur vie. »  

Le problème soulevé par l’association féministe est celui de la pression sociale et physique perpétuée et encouragée, selon elles, par le concours Miss France. « La pression mise sur notre apparence selon des critères précis a des conséquences réelles sur nos vies. De nombreuses femmes et filles, de plus en plus jeunes, souffrent de troubles psychiques liés au corps, comme les troubles alimentaires.[…] Notre vision est celle d'une société égalitaire, qui reconnaitrait la juste valeur des femmes en tant qu'êtres humains à part entière, et qui ne chercherait plus à nous mettre en compétition selon notre apparence » insiste Elsa Labouret. 

Après les nombreuses critiques qualifiant les règles de « dépassées et discriminantes », notamment par Elisabeth Moreno, la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Alexia Laroche-Joubert a exprimé son souhait de voir évoluer les critères de sélection : « Il y a des critères à faire évoluer pour s’adapter à l’époque […]. Je pense que sûrement, le statut de célibataire est obsolète ». 

Diane Leyre, Miss France 2022, explique s’être sentie plus féministe que jamais en étant sur scène, par choix. Lors d’une interview accordée à BFMTV au lendemain du concours 2022, la nouvelle Miss France a affirmé que « quand on a entre 18 et 24 ans, qu’on prend le micro, qu’on défile en maillot de bain devant des millions de téléspectateurs et qu’on décide de prendre le pouvoir de notre vie, c’est ça être féministe. »

Du côté des associations féministes, la justification ne passe pas - et ne passera sans doute jamais. « On n'en fera jamais assez et le patriarcat ne sera jamais content, on nous en demandera toujours plus. Et si la beauté ne consiste qu'à se voir dans les yeux des autres, on finit par ne plus vivre pour nous-mêmes. Nos corps nous servent à exister et à interagir avec le monde, pas à le décorer » déplore Elsa Labouret.  

Le conseil des prud’hommes de Bobigny se penchera le 21 juin prochain sur la procédure lancée contre la société Miss France pour violation du droit du travail.  

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