Pourquoi rester assis trop longtemps tue

Avec les différents progrès en termes de transports, de technologies ou encore d’alimentation, la sédentarité est devenue la norme. Pourtant, l’être humain n’est pas fait pour rester assis toute la journée.

De Morgane Joulin
Publication 29 mars 2024, 09:45 CET
En France, les adultes restent assis en moyenne douze heures par jour travaillé, et neuf heures ...

En France, les adultes restent assis en moyenne douze heures par jour travaillé, et neuf heures par jour non travaillé.

PHOTOGRAPHIE DE ADDICTIVE STOCK CREATIVES / Alamy Banque D'Images

Rester assis trop longtemps nous tue, littéralement. « Passer trop de temps assis est associé à une augmentation du risque de développer un cancer, une forme d’obésité, des maladies cardio-vasculaires voire des démences. Ce sont des maladies chroniques qui peuvent conduire à une mortalité précoce », explique en ce sens Martine Duclos, chef du service de médecine du sport au CHU de Clermont-Ferrand et présidente de l’Observatoire National de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps). Les artères sont aussi impactées par le manque de mouvement : « la pression et le diamètre des artères diminuent, ça favorise aussi l'hypertension artérielle ».

« D'un point de vue biologique, notre corps a évolué pour s'attendre à une activité physique. L'activité physique était obligatoire tout au long de notre évolution, principalement pour obtenir la nourriture nécessaire à notre survie. Nous n'avions pas le choix, nous devions être actifs. […] en passant de longues périodes assis et en ne pratiquant pas suffisamment d'activité physique, nous ne fournissons pas à nos systèmes physiologiques ce qu'ils "attendent" de millions d'années d'évolution », indique Dylan Thompson, professeur de physiologie humaine à l'université de Bath, Royaume-Uni. 

On estime que 21 millions de personnes seraient ainsi touchées de près ou de loin par une maladie chronique en France, ce qui représenterait 61 % des dépenses de santé de l’Assurance-maladie. Selon une expertise de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) datant de novembre 2021, 95 % de la population seraient exposés au risque de détérioration de la santé par manque d’activité physique et le temps prolongé passé assis. Ces chiffres sont issus de la littérature scientifique et des données de l’étude individuelle et nationale sur les consommations alimentaires (INCA3) recueillies en 2014 et en 2015, auprès de 1 305 adultes de 18 ans à 64 ans en France. C’était il y a plusieurs années, mais le constat est toujours le même aujourd’hui. « Les effets négatifs, on les observe déjà au bout de trois à quatre heures assis. Et en moyenne, on reste douze heures assis les jours travaillés et neuf-heures les jours non travaillés », alerte Martine Duclos.

En 2024, la promotion de l’activité physique a été déclarée Grande Cause Nationale par Emmanuel Macron dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. L’objectif est d’inciter les 21 % de Français n'ayant pratiqué aucune activité physique et sportive en 2023 à se dépenser davantage. Pour l’instant, aucun projet concret n’a été annoncé, si ce n’est une enveloppe de 3,5 millions d’euros prévue notamment pour « financer des projets structurants visant à favoriser l’accès au sport pour tous, promouvoir les trente minutes d’activité sportive par jour ou encore de s’adresser aux publics éloignés de la pratique sportive ».  

 

« L’EFFET COVID »

Les différents confinements liés à la crise sanitaire de l’épidémie de Covid-19, auraient largement influé sur la réduction de l’activité physique des enfants et des adolescents, avec une augmentation en parallèle de leur temps d’écran. C’est ce que révèle un rapport de l’Onaps, sur l’évolution des comportements des Français pendant le confinement. Ainsi, chez les enfants et les adolescents qui passaient moins de six heures par jour assis avant le confinement, 72 % ont augmenté leur temps total passé assis, contre 25 % des adultes.

En parallèle, 41 % des adultes ont déclaré avoir augmenté leur temps passé devant des écrans, un chiffre qui passe à 60,4 % chez les enfants de moins de six ans. Il y a donc un réel effet de causalité. « La sédentarité a augmenté avec le Covid et quelques années après, il en reste des reliquats. Nous ne sommes pas revenus au niveau d’avant Covid », déplore Martine Duclos. 

Le télétravail, autre facteur aggravant, a fait augmenter de 30 % le temps passé assis selon elle. « Quand on est en télétravail, on bouge peu. On ne se déplace pas pour aller au travail. […] Sur site, il y a souvent des petits déplacements à faire d'un bureau à l'autre etc... Alors que quand on est chez soi, l'espace est beaucoup plus restreint. Donc les gens bougent moins et restent beaucoup plus assis. »

Dylan Thompson, qui lui aussi « s’inquiète beaucoup à ce sujet », explique que les aller-retours, parfois considérés comme « accessoires » entre le domicile et le travail, peuvent représenter des « centaines de kilocalories de dépenses énergétiques par le mouvement perdues ». Il poursuit : « En dehors du travail, de nombreuses personnes, y compris les enfants, choisissent désormais l'interaction sociale et le divertissement via leur téléphone - ce qu'ils font généralement en position assise. Là encore, l'activité physique accessoire liée aux réunions et aux interactions physiques aura été perdue. »

 

ÊTRE ASSIS TUE VRAIMENT PLUS QUE LE TABAC ?

« Sitting is the new smoking », qui peut se traduire en « Rester assis est le nouveau tabagisme », est devenu le nouveau motto de certains spécialistes aux États-Unis. Fréquemment repris en France pour sa formule choc, il faut tout de même souligner que les deux ne sont pas comparables. Selon un article de la National Library of Medicine, intitulé « Évaluation des preuves concernant la position assise, le tabagisme et la santé : la position assise est-elle vraiment le nouveau tabagisme ? », il est important de faire la distinction entre un comportement addictif tel que le tabagisme, et une habitude, comme le fait de rester assis. Ainsi, la dépendance à la nicotine est une conséquence directe du fait de fumer, quand rester assis, comme c'est le cas pour d'autres comportements tels que se nourrir ou dormir, n'est pas une dépendance.

De plus, le tabac a des effets irréversibles. « Les dommages et les risques liés au tabagisme ne peuvent être compensés. En revanche, une personne qui fait beaucoup d'exercices structurés exigeants (comme la course à pied ou le sport) peut probablement passer beaucoup de temps assis sans risque accru en raison des effets positifs de l'exercice structuré sur des résultats similaires en matière de santé », élucide Dylan Thompson.

Si le mantra est parfois encore usité par certains spécialistes, c’est pour faire comprendre au plus grand nombre les dangers, encore trop méconnus, auxquels expose la sédentarité. « Actuellement, ce qui est en train de nous tuer, c'est l'excès de temps passé assis », alerte Martine Duclos.

Dans la ville de Strasbourg, l’Activité Physique Adaptée (APA), thérapeutique non médicamenteuse, reconnue bénéfique pour traiter certaines maladies chroniques, est financée. Ce n’est pas le cas à l’échelle de toute la France. Et si certains médecins peuvent prescrire une activité physique à leurs patients avec le dispositif Sport Santé Sur Ordonnance (SSSO), celle-ci n’est pas remboursée par la Sécurité sociale
 

LES BONNES HABITUDES À ADOPTER

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande d’effectuer 150 à 300 minutes (soit 1h30 à 5h) d’activité sportive d’intensité modérée à soutenue par semaine pour les adultes, et soixante minutes par jour pour les enfants et les adolescents. Il n’y a pas de distinction entre homme ou femme, et les personnes atteintes de maladies chroniques ou en situation de handicap sont également concernées. 

Pour y parvenir, il est important de ne pas faire des comportements sédentaires la norme. Idéalement, il faudrait éviter les temps prolongés continus, « toutes les heures, il faut se lever pendant une à trois minutes », conseille l’experte. Cela permettrait de « rompre les temps de sédentarité ». Rester debout dans les transports en commun, descendre une station plus tôt pour marcher plus, ou encore prendre les escaliers, ces gestes peuvent avoir un effet significatif sur notre santé à long terme. Certaines entreprises mettent aussi en place des bureaux actifs, qui permettent de travailler debout. 

Avoir une activité soutenue durant le week-end pourrait aussi sensiblement contrer les effets indésirables d’une grande sédentarité en semaine « Les exercices exigeants, même sporadiques, semblent contribuer à compenser les périodes prolongées de faible activité physique, ceux qu’on appelle "guerriers du week-end" étant protégés, même s'ils passent le reste de la semaine à être plutôt sédentaires », relate Dylan Thompson.

Dans le monde de plus en plus sédentaire dans lequel nous vivons, il peut être compliqué de mettre toutes ces recommandations en application. Mais chaque action compte. « Lorsqu’on passe de huit heures à neuf heures assis, il y a déjà des effets sur la mortalité, pouvant aller jusqu’à 30 %. […] Parfois, il ne faut pas grand-chose pour améliorer les effets délétères de la sédentarité ».

« L'avènement des technologies portables signifie que les gens peuvent suivre leur propre activité physique et obtenir une compréhension beaucoup plus claire de leur comportement, et éventuellement utiliser ces informations pour prendre des mesures positives. Je pense donc qu'il est possible d'inverser les tendances. Mais cela nécessitera des approches multi-agences et il n'y a pas de solution simple et rapide », reprend Dylan Thompson.

En définitive, rompre avec la sédentarité est un élément clé de la diminution des maladies chroniques, qui peut avoir une multitude d’effets bénéfiques pour notre santé. « Si l'on prend plus les vélos et que l'on marche davantage, on préserve l'environnement. On prend aussi moins de médicaments, cela passe moins dans les urines et donc dans l'eau. Pour résumer, on améliore la santé des animaux, de l'environnement et notre propre santé. Les conséquences d’une meilleure mobilité sont énormes » conclut Martine Duclos.

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