Les carcasses de gnous nourrissent les plaines du Serengeti

Les milliers de gnous qui périssent au cours de leur migration annuelle sont une ressource essentielle pour l'écosystème.

De Shaena Montanari
Publication 9 nov. 2017, 02:02 CET
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Chaque année, 1,2 million de gnous migrent dans le sens des aiguilles d'une montre autour des plaines du Serengeti. Des milliers d'entre eux ne ressortent pas vivants de la traversée de la rivière Mara.
PHOTOGRAPHIE DE Norbert Wu, Minden Pictures, National Geographic Creative

La migration annuelle à travers les plaines du Serengeti peut être synonyme de vie ou de mort pour les gnous.

Les prédateurs que sont les crocodiles et les grands félins sont à l'affût et attendent avidement que le troupeau de plus d'un million de gnous parcoure la boucle annuelle de 1 600 kilomètres autour des savanes de la Tanzanie et du Kenya.

La noyade constitue l'une des menaces les plus sérieuses (et les plus négligées) de cette migration terrestre. Avec la traversée de la rivière Mara par des milliers de gnous au même moment, des centaines d'antilopes sont balayées par le courant.

Pour la première fois, des scientifiques ont estimé le nombre de gnous qui mourraient chaque année : ils sont au nombre de 6 250 en moyenne, soit l'équivalent de la masse de 10 rorquals bleus.

Et ce n'est pas tout : Amanda Subalusky, chercheuse post-doctorante en écologie aquatique au Cary Institute of Ecosystem Studies de New York, et ses collègues ont découvert que ces corps en décomposition apportaient des nutriments essentiels aux cours d'eau de Serengeti.

« Dès qu'une noyade a lieu, nous nous empressons d'aller l'étudier », déclare Amanda Subalusky, dont l'étude a été publiée cette semaine dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences.

La migration à hauts risques des gnous du Serengeti

LE CYCLE DE LA VIE

Expliquer comment près d'une tonne de gnous en décomposition peut contribuer à l'écosystème de la rivière n'est pas chose facile.

Pour les besoins de l'étude, la chercheuse et son équipe ont traîné hors de l'eau les animaux noyés afin de les disséquer et de déterminer leur composition exacte en nutriments.

Ils ont également mis différentes parties de gnous dans la rivière, protégées par des cages spéciales anti-crocodiles conçues pour leur décomposition, afin d'évaluer le temps nécessaire à chaque partie (la peau, la chair ou les os) pour se décomposer dans l'environnement.

Des analyses chimiques de l'eau et des poissons locaux ont été réalisées afin d'évaluer le degré d'intégration des substances nutritives du gnou dans l'environnement. L'équipe a découvert que seule une petite partie des cadavres était engloutie par les crocodiles ; ils seraient incapables d'en manger plus, explique Amanda Subalusky.

Des tas de gnous sans vie bordent les rives de la rivière Mara située dans les plaines du Serengeti. Lorsque les courants sont hauts et rapides, les animaux périssent par milliers.
PHOTOGRAPHIE DE Amanda Subalusky

L'HÉRITAGE DE LA MORT

Les carcasses des gnous noyés sont ce qui contribue le plus à l'écosystème. Sept ans sont nécessaires aux os des gnous pour se décomposer. Durant cette période, ils libèrent lentement du phosphore, une substance essentielle à la croissance des plantes et animaux. Une couche visqueuse de bactéries, que l'on appelle « biofilm », se développe sur les os et sert de nourriture aux poissons de la rivière.

« L'héritage de cette noyade transmis par les os des animaux pourrait contribuer à l'écosystème pendant des décennies », affirme Amanda Subalusky, dont la recherche a été financée par la National Geographic Society lors de ses études supérieures à l'université de Yale.

Avoir conscience de l'impact du gibier mort sur l'environnement tombe à point nommé et montre les pertes qu'engendrerait le déclin des migrations ou du nombre de gnous, souligne Kendra Chritz, géochimiste au musée national d'histoire naturelle de la Smithsonian Institution qui n'a pas participé à l'étude.

« De nombreux grands mammifères africains ne migrent plus ou ont écourté leurs migrations en raison de l'explosion démographique humaine et des modifications dans l'aménagement du territoire », explique Kendra Chritz.

Si la migration des gnous n'est plus sous la menace du projet d'autoroute du Serengeti, les migrations d'autres grands mammifères, tels que les springboks et les bisons, sont plus rares voire se sont complètement arrêtées.

 

DES COMPTES DÉSÉQUILIBRÉS

Si ces récents calculs dévoilent le sort réservé à la moitié des nutriments relâchés par les gnous, les comptes ne sont pas équilibrés. « Nous ne sommes pas en mesure d'expliquer où finit la moitié du carbone et de l'azote », explique Amanda Subalusky.

L'analyse chimique révèle que les poissons de la rivière mangent certains de ces nutriments, mais la quantité demeure inconnue.

Plus largement, le fait qu'une migration terrestre ait autant d'impact sur l'écosystème aquatique est d'une certaine manière un concept nouveau qui nécessite davantage de recherches.

« Alors que nous voyions le gnou sous l'aspect de monticules de carcasses qui apparaissaient pour un court laps de temps avant de se volatiliser, cette nouvelle étude a modifié l'idée que nous nous faisions de l'ampleur du problème », affirme Amanda Subalusky.

Retrouvez Shaena Montanari sur Twitter.

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