Viêt Nam : un trafiquant de tortues condamné à quatre ans de prison

Un Vietnamien a été condamné à plus de quatre ans de prison pour avoir participé au trafic illégal de tortues imbriquées, une espèce menacée d'extinction. Mais l'homme derrière l'opération est toujours en liberté.

De Jani Actman
Publication 12 juin 2018, 18:24 CEST
Fin 2014, les autorités avaient découvert des milliers de tortues imbriquées dans des entrepôts situés à ...
Fin 2014, les autorités avaient découvert des milliers de tortues imbriquées dans des entrepôts situés à Nha Trang au Viêt Nam.
PHOTOGRAPHIE DE of Education for Nature - Vietnam

Plus de trois après s'être rendu, un Vietnamien accusé d'avoir pris part au trafic de tortues de mer menacées d'extinction a été condamné à quatre ans et six mois de prison. D'après Bui Thi Ha, vice-directrice de l'organisation à but non lucratif Education for Nature-Vietnam (ENV) qui suit le cas depuis longtemps, cette peine est l'une des plus sévères énoncées ces dernières années conformément aux lois vietnamiennes sur la faune et la flore.

« Nous sommes plutôt satisfaits de la décision », a-t-elle déclaré. « Cela faisait très longtemps qu'une peine aussi lourde n'avait pas été rendue ».

La condamnation cette semaine de Hoang Tuan Hai survient après la découverte en 2014 de 7 000 tortues de mer complètement ou en partie empaillées dans des entrepôts et une ferme de la banlieue de Nha Trang, une ville balnéaire située à environ 400 km de Hô-Chi-Minh-Ville. D'après ENV, il s'agit de la saisie de tortues de mer la plus importante jusqu'à aujourd'hui. La police avait également saisi des bénitiers géants, une espèce aussi menacée d'extinction.

Les médias vietnamiens ont rapporté qu'au cours du procès, Hoang Tuan Hai avait confié qu'il n'avait pas acheté les tortues, mais les avait échangées contre de l'alcool, de la bière et des cigarettes. Il ignorait aussi que ce qu'il faisait était illégal. Alors qu'il affirmait ne pas vouloir vendre les tortues, des preuves ont démontré le contraire. Un des enquêteurs principaux d'ENV avait précédemment confié à Wildlife Watch que ces tortues allaient sûrement être envoyées vers la Chine, où elles auraient été vendues comme trophées.

Hoang Tuan Hai encourait une peine de prison maximale de sept ans. La décision rendue par la Cour populaire de Nha Trang est conforme à la condamnation de quatre à cinq ans de prison réclamée par l'accusation.

La grande majorité des tortues mortes retrouvées par la police étaient des tortues imbriquées. Ces animaux vivent dans les eaux tropicales des océans Atlantique, Pacifique et Indien et sont déjà menacés d'extinction. Par conséquent, le prélèvement de milliers d'individus aura sûrement eu des effets particulièrement dévastateurs sur la population, confie Bui Thi Ha. Le développement humain et le changement climatique menacent ces tortues, entraînant respectivement la réduction de leur habitat naturel sur les côtes et la disparition des récifs coralliens. Elles sont aussi massacrées en masse pour leurs écailles. Au Viêt Nam, il est interdit de tuer, de vendre ou d'exporter des tortues imbriquées.

« Hoang Tuan Hai a commencé ce trafic en 2010. Nous ignorons combien de tortues ont déjà été capturées et vendues en Chine, mais il ne fait aucun doute que cette activité a eu un impact énorme sur la biodiversité », a déclaré Bui Thi Ha.

En 2011, un bateau transportant 200 tortues mortes a été intercepté dans les eaux des Philippines, ce qui avait interpellé ENV. Par la suite, d'autres bateaux, tous vietnamiens, ont aussi été arrêtés, transportant à leur bord des carcasses de tortues. Ils provenaient du port de Sa Ky, dans la province de Quang Ngai. L'ENV a alors suspecté l'œuvre d'un réseau criminel organisé.

Pour protéger l'espèce de tortues, des membres de l'organisation se sont donc rendus à Quang Ngai. Prétendant être des acheteurs, des vendeurs ou des étudiants qui menaient des recherches, ils ont découvert qu'un groupe de plongeurs capturaient les tortues et ont discuté avec des vendeurs du marché noir qui achètent les animaux. Ce travail d'enquête a finalement conduit ENV aux entrepôts de Nha Trang. Un enquêteur principal avait confié à Wildflife Watch que le bâtiment sentait la mort et les produits chimiques et que les tortues étaient empilées les unes sur les autres, du sol au plafond.

« Cette condamnation est une grande victoire pour la protection des tortues de mer au Viêt Nam et dans la région. Nous remercions toutes les personnes qui ont travaillé sans relâche à nos côtés pour y parvenir », a indiqué Earl Possardt, directeur du Fonds de conservation des tortues marines du U.S. Fish and Wildlife Service, dont le soutien financier a permis à ENV de réaliser son travail d'enquête.

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    Les tortues imbriquées, menacées d'extinction, sont très demandées en Asie pour les écailles de leur carapace.
    PHOTOGRAPHIE DE of Education for Nature - Vietnam

    La condamnation de Hoang Tuan Hai survient deux ans après la parution d'un article sur le sujet par Wildlife Watch, dans lequel il était précisé que les autorités n'avaient pas encore arrêté les suspects, et ce malgré l'aveu de Hoang Tuan Hai à la suite du coup de filet de 2014. L'article avançait aussi qu'ENV suspectait un riche homme d'affaires local d'être derrière ce trafic, mais que les autorités n'étaient pas parvenues à remonter jusqu'à lui. Selon l'organisation, Hoang Tuan Hai ne serait qu'un subordonnée qui s'est rendu pour protéger le vrai cerveau de l'opération, toujours libre à l'heure actuelle.

     

    LE RESPONSABLE TOUJOURS LIBRE

    Pour les défenseurs de l'environnement, ce procès a permis de tester la volonté du Viêt Nam à s'attaquer au commerce illégal d'animaux sauvages.

    Chaque année, le marché noir d'animaux sauvages génère plusieurs milliards d'euros de bénéfices, tout en exterminant animaux et plantes et en tuant ceux qui se mettent sur le chemin des trafiquants. Le Viêt Nam est un des acteurs principaux de ce marché : il est à la fois fournisseur, acheteur et pays de transit pour les produits animaux en provenance de l'Asie du Sud et à destination de la Chine. Début 2014, Nguyen Tan Dung, premier ministre du Viêt Nam, avait déclaré publiquement qu'il voulait mettre un terme au trafic criminel organisé d'animaux protégés. Si pour les défenseurs des animaux, l'échec de l'enquête conduite sur le principal suspect toujours en liberté témoigne est un manque de volonté de la part du gouvernement, la condamnation sévère de Hoang Tuan Hai donne de l'espoir à Bui Thi Ha : « Ce verdict montre que la justice et l'accusation en particulier sont déterminées à sanctionner les crimes envers les animaux sauvages. Au moins, cela veut dire qu'il y a aussi de bonnes personnes dans le gouvernement ».

    En 2016, plusieurs sources avaient confié à Wildlife Watch que l'implication de cet homme ne faisait aucun doute : les entrepôts lui appartenaient et il était connu pour acheter des tortues. En 2009, il avait dû payer une amende de plus de 400 € après la découverte d'environ 850 tortues vivantes dans une pisciculture près de Nha Trang par les autorités.

    Les responsables du trafic illégal d'animaux sauvages sont rarement poursuivis en justice car ce sont des personnes influentes. Ce sont plutôt les braconniers, les trafiquants et les intermédiaires qui sont arrêtés et condamnés, explique Bui Thi Ha. Les représentants des gouvernements environnementaux et agricoles vietnamiens n'ont pas répondu à nos demandes d'interview.

    « La police ne veut pas aller plus loin », explique Bui Thi Ha, qui estime qu'ils n'ont mené qu'une enquête superficielle sur le responsable suspecté de ce trafic. « Ils pensent que l'arrestation de Hoang Tuan Hai est suffisante, mais nous savons que ce n'est pas le cas ».

    Douglas Hendrie, directeur de la section enquêtes et crimes envers les animaux sauvages chez ENV précise tout de même que les saisies de 2014 ont effrayé les braconniers à Qaung Ngai : dans le port, un seul pêcheur continue de plonger à la recherche de tortues.

     

    Rachel Nuwer a participé à ce reportage.

    Wildlife Watch est un projet d'articles d'investigation entre la National Geographic Society et les partenaires National Geographic. Ce projet s'intéresse à l'exploitation et à la criminalité liées aux espèces sauvages. N'hésitez pas à nous envoyer vos conseils et vos idées d'articles et à faire part de vos impressions sur ngwildlife@natgeo.com.

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