De la vidéo 24 heures sur 24 pour étudier les manchots

Dans l’Antarctique, des chercheurs filment le rassemblement des manchots empereurs lorsque les températures chutent. Ils surveillent ainsi l’état de santé de cette espèce-clé dans un habitat bouleversé.

De Julie Lacaze
Publication 10 déc. 2018, 10:11 CET
L’observatoire SPOT, situé dans la baie d’Atka, en Antarctique, permet de filmer toute l’année les colonies ...
L’observatoire SPOT, situé dans la baie d’Atka, en Antarctique, permet de filmer toute l’année les colonies de manchots sur 25 km2.
PHOTOGRAPHIE DE Céline Le Bohec

Si les manchots empereurs vivent en colonie, c’est en partie pour se réchauffer mutuellement quand les températures chutent dans l’Antarctique. En hiver, ils se rassemblent en formations serrées que les scientifiques appellent « tortues ». Ce comportement leur permet d’économiser leurs réserves d’énergie lorsqu’ils sont confrontés à des températures tombant jusqu’à -50 °C. Problème : il est particulièrement difficile à observer dans ce milieu très isolé, aux températures hivernales extrêmes.

Des chercheurs développent donc des outils utilisant les nouvelles technologies pour étudier ce comportement. Une équipe franco-allemande est à l’origine d’un observatoire innovant : SPOT (pour Single Penguin Observation and Tracking). « Il s’agit d’un système de caméras automatisées et autonomes, précise Céline Le Bohec, chargée de recherche au CNRS à l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien et au Centre scientifique de Monaco. Il comporte dix-sept caméras grand-angle et à haute définition, braquées sur la baie d’Akta (terre de la Reine-Maud), qui fonctionnent toute l’année, sept jours sur sept et en toute autonomie, grâce à des panneaux solaires couplés à des éoliennes. » L’observatoire peut se piloter à distance grâce à son système wi-fi, relié à la station de recherche Neumayer III, située à 7 km de la colonie.

 

DÉCRYPTAGE DES IMAGES

Les images recueillies sont fusionnées et assemblées, puis traitées en laboratoire par des algorithmes. « On peut ainsi, comme dans la vidéo ci-dessous, suivre les trajectoires des manchots, en les corrélant aux conditions environnementales : température, humidité, vitesse du vent ou rayonnement solaire, précise le biophysicien Daniel Zitterbart, chercheur à l’université d’Erlangen (Allemagne) et à l’Institut océanographique de Woods Hole (États-Unis). En se fondant sur ces critères, SPOT nous permet de déterminer la température ressentie à partir de laquelle au moins 50 % de la colonie va se rassembler en tortue. »

Étude vidéo d'une population de manchots

Film en time-lapse du déplacement de manchots empereurs dans la baie d’Atka, réalisé grâce à l’observatoire SPOT et soutenu par l'Institut polaire allemand Alfred Wegener (cf : étude).

 

Comparer année après année la température de formation de la tortue aide à déterminer l’état de santé de la colonie. Lorsque les animaux sont gras, cela signifie que la ressource alimentaire (le krill) ne souffre pas du changement climatique ou de la pêche. Le rassemblement survient donc à une température plus basse. Inversement, ajoute Daniel Zitterbart, « si les animaux se rassemblent à une température plus élevée, cela signifie que le milieu du manchot est en danger et qu’il faut prendre des mesures d’urgence pour protéger la zone ».

Ces technologies permettront également d’améliorer le comptage automatisé de l’espèce. On dénombre aujourd’hui environ 520 000 individus autour de l’Antarctique. Mais ces évaluations, effectuées par satellite, demeurent imprécises. « Cette technique détecte les colonies de manchots durant la période de reproduction, grâce à la fiente laissée sur place. Une observation possible uniquement à la fin de l’hiver, quand le soleil commence à percer. En outre, elle ne permet pas de dénombrer les juvéniles et les oiseaux non-reproducteurs », souligne Céline Le Bohec.

Établir des chiffres plus précis est donc essentiel. La hausse des températures, le recul de la banquise, la surexploitation des ressources de krill et la pression exercée par le tourisme menacent les manchots. « Il s’agit d’une espèce parapluie, située au sommet du réseau alimentaire, rappelle la biologiste : en la maintenant en bonne santé, on protège au passage un nombre considérable d’espèces. »

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