Comme l'Homme, les vampires communs tissent des liens d'amitié

Ce mammifère qui se nourrit de sang établit des relations amicales qui évoluent avec le temps. Des relations potentiellement vitales, selon une nouvelle étude.

De Mary Bates
Publication 20 mars 2020, 14:05 CET
Des chauves-souris vampires, de l'espèce Desmodus rotundus, s'abritent dans une cave au Costa Rica.
Des chauves-souris vampires, de l'espèce Desmodus rotundus, s'abritent dans une cave au Costa Rica.
PHOTOGRAPHIE DE Nick Hawkins, Minden Pictures

Une nouvelle étude suggère que la chauve-souris vampire, de l’espèce Desmodus rotundus, peut, tout comme l’Homme, établir des liens d’amitié qui se renforcent au fil des jours.

Les chercheurs savent déjà que ces animaux extrêmement sociaux, originaires d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, entretiennent des relations durables, parfois même longues d’une décennie. L’origine de ces liens leur était néanmoins toujours inconnue.

Une nouvelle étude, publiée dans la revue Current Biology le 19 mars, montre que les seuls mammifères hématophages tissent des liens de confiance avec des inconnus, d’abord en se toilettant mutuellement puis en régurgitant du sang pour le partager. Il s’agit là d’une belle preuve d’altruisme de la part de ces animaux qui ont besoin de se nourrir tous les trois jours. De plus, la réciprocité semble être le maître mot, puisque la chauve-souris vampire a plus tendance à rendre la pareille à un congénère qui a partagé son repas par le passé. 

« L’environnement social et les interactions au fil du temps jouent un rôle très important pour forger les relations entre chauves-souris vampires », explique Gerry Carter, auteur principal de l’étude et spécialiste en éthologie à l’université d’État de l’Ohio.

Pour évaluer ce comportement animal, l’étude se base sur une théorie écologique plutôt récente : « laugmentation des enjeux ». Celle-ci soutient que les animaux qui n’ont aucun lien de parenté « tâtent le terrain » à coups de petites attentions au début, comme se nettoyer mutuellement le pelage. Ensuite, les attentions deviennent plus importantes et évoluent vers le partage de nourriture. 

Cette théorie a été avancée pour la première fois en 1998. Elle peut s’appliquer à d’autres animaux sociaux, l’Homme compris.

Étudier le comportement de ces petits siroteurs de sang pourrait lever le voile sur la complexité des relations amicales entre les Hommes, ajoute-t-il.

 

LIENS DE SANG

Pour observer comment ces liens ont été établis, Carter et ses collègues ont capturé vingt-sept chauves-souris vampires appartenant à une des trois espèces connues (Desmodus rotundus), et provenant de deux colonies différentes du Panama. Celles-ci sont actives la nuit et longent le sol, s’approchant de leurs proies à quatre pattes. Affûtées comme des rasoirs, leurs dents percent la peau de leur victime, généralement un bovin ou autre grand animal. Ensuite, le Desmodus rotundus se sert de sa langue pour laper le sang qui coule. 

En laboratoire, les chercheurs ont placé les chauves-souris par deux, chacune provenant d’une des deux colonies, ou en petits groupes mixtes. Ensuite, ils ont retenu la nourriture d’une chauve-souris pour analyser son comportement avec ses compagnons.

Au bout de quinze mois, certaines tendances sont nées. De nombreuses chauves-souris ont tissé des liens de toilettage mais beaucoup moins ont partagé des collations de sang par régurgitation.

Les étrangers ont toujours eu recours au toilettage avant le partage de nourriture. Pour ceux qui ont régurgité du sang pour nourrir les autres, les chercheurs ont remarqué que la quantité de soins mutuels a fortement augmenté dans les jours qui ont précédé le premier partage de nourriture, avant de plafonner par la suite.

Qui plus est, les relations avaient plus tendance à se former entre les étrangers en l’absence de visages familiers. Lorsque les chauves-souris se retrouvaient à deux, elles tissaient des liens plus vite et plus fréquemment que lorsqu’elles étaient en groupe.

 

AUGMENTATION DES ENJEUX

Le modèle de « l’augmentation des enjeux » est simple et intuitif. « Vous ne donnerez pas tout pour quelqu’un qui ne vous rend pas la pareille », affirme Tom Sherratt, cocréateur du modèle et biologiste à l’université Carleton d’Ottawa au Canada.

« Vous mettez la loyauté de votre partenaire potentiel à l’épreuve en commençant par une petite attention pour voir si c’est réciproque », poursuit Sherratt. Si ce n’est pas le cas, aucune relation ne s’établit et ce n’est pas bien grave.

« C’est une stratégie efficace parce qu’elle signifie qu’un lien de confiance peut se construire au fil du temps. En même temps, vous ne perdez pas grand-chose si l’autre se montre peu coopératif. »

Chez les animaux, il est plutôt difficile de mettre en évidence cette théorie. Pour déceler ce genre de comportement, il faut mettre des étrangers ensemble et observer leurs comportements sur une période assez longue. C’est exactement ce que Carter et son équipe ont réussi à faire, dit Sherratt qui n’a pas pris part à l’étude. 

 

DONNANT-DONNANT

Même si certaines personnes ont du mal à l’admettre, la réciprocité fait également partie intégrante des relations humaines, souligne Carter.

« Les relations amicales entre humains sont empreintes d’attentes subtiles mais il n’est dans l’intérêt de personne de les exposer au grand jour », renchérit-il.

Et Carter de s’interroger : « Qu’adviendrait-il si vous ne pouviez plus du tout compter sur un ami ? »

« Si vous vous investissez corps et âme mais ne recevez rien en contrepartie, à quel moment laisserez-vous tomber cette amitié pour en tisser d’autres ? »

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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