Les bisons sont de retour dans les forêts européennes

Alors que les derniers bisons d’Europe en liberté s’étaient éteints dans les années 1920, un groupe de spécialistes tente de réimplanter l’espèce notamment en Suisse et en Pologne. Une tâche délicate.

De Taïna Cluzeau
Des bisons européens réintroduits dans une forêt polonaise.
Des bisons européens réintroduits dans une forêt polonaise.
PHOTOGRAPHIE DE Ryszard Siemieniuk

Depuis novembre 2019, dans la forêt de Suchy, en Suisse, au détour d’un chemin, les promeneurs peuvent tomber nez à nez avec… des bisons d’Europe. Un troupeau de cinq individus, un mâle et quatre femelles, réintroduit dans un enclos de 50 hectares, par le groupe pour la préservation du bison européen (EBSG), basé à Varsovie (Pologne). Cet organisme œuvre à la protection de ces bovidés en collaboration avec l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Avec une population mondiale atteignant, en 2017, 7180 individus, le bison d’Europe est classé comme vulnérable sur la liste rouge des espèces en danger. (map http://www.bison-ebcc.eu/about-the-ebcc/lokalizacje-stad/ ).

Retour en arrière pendant le Pliocène, une période remontant entre 1,8 million et 5,5 millions d’années. L’ancêtre commun du bison d’Europe et du bison d’Amérique du Nord peuple alors le sud de l’Asie. Progressivement, il migre vers l’Europe et l’Amérique. Des restes de bison retrouvés en Suède, au Danemark et dans le Caucase attestent sa présence sur ces territoires durant la dernière glaciation, en – 10 000 av. J.-C. Las, à la fin de l’ère glaciaire, l’animal perd en masse et devient plus petit que son cousin américain. Des écrits rapportent que des individus ont gagné l’est de la France au viie siècle. Dans les Vosges et les Ardennes, ils survivent ainsi jusqu’au xive siècle. Mais, au fil du temps et de l’expansion humaine, les hardes se retrouvent isolées et repoussées toujours plus à l’est. Petit à petit, les populations disparaissent. Malgré les actions de réintroduction à l’état sauvage tentées dès le xviie siècle, les derniers bisons d’Europe en liberté dans le Caucase s’éteignent en 1926.

Pour que la réintroduction des bisons d'Europe soit efficace, il est nécessaire de trouver des milieux adaptés, composés d'un mélange de forêts et de prairies et dotés d'un accès à l’eau.
PHOTOGRAPHIE DE Ryszard Siemieniuk

Trois ans plus tôt, le naturaliste polonais Jan Sztolcman avait tiré la sonnette d’alarme lors du Congrès international pour la protection de la nature à Paris, créant dans la foulée la Société internationale pour la protection du bison d’Europe. Celle-ci réunit des représentants de seize pays, dont la Pologne, qui se révélera par la suite très active sur cette problématique. Lors du premier recensement, en 1924, l’organisme ne décompte que 66 animaux, tous en captivité. Aujourd’hui, notamment grâce aux actions entreprises par l’EBSG et ses partenaires, ils sont 1745 en captivité, 399 en semi-liberté (grands enclos) et 5036 en liberté (2017). Pour pérenniser l’espèce, il faudrait au moins 10 000 individus.

« Notre objectif est d’obtenir une population pérenne, mais, pour cela, nous avons besoin de territoires plus étendus, et ces derniers doivent être reliés les uns aux autres afin que les petites populations de bisons ne soient plus isolées et qu’elles puissent circuler librement d’une harde à l’autre », explique Wanda Olech-Piasecka, professeure à la faculté des sciences animales de l’université des sciences de la vie de Varsovie et présidente de l’EBSG. LLa Pologne, qui abrite la forêt de Białowieza (140 000 ha), accueille la population la plus importante de bisons : 1873 individus, dont 1635 en liberté, et celle-ci augmente d’environ 15 % chaque année. En France, on ne compte que 132 bisons d’Europe, en captivité ou en semi-liberté.

« Outre des réintroductions en Suisse, en Russie et en Pologne, l’initiative la plus importante de l’EBSG consiste aujourd’hui à établir une nouvelle population de bisons dans les Carpates », annonce Wanda Olech-Piasecka. Pourquoi avoir choisi cette zone ? D’abord, parce qu’elle est suffisamment étendue : elle couvre 210 000 km2 se répartissant sur six pays (Roumanie, Ukraine, Slovaquie, Pologne, Hongrie, République tchèque). Elle comporte par ailleurs 16 % de parcs protégés, à l’abri des activités économiques, qui ne posent donc pas de problèmes de cohabitation entre l’homme et l’animal. Depuis 2014, des bisons sont régulièrement réintroduits côté roumain, en collaboration avec le Fonds mondial pour la nature (WWF). Ils sont aujourd’hui une trentaine, dont sept qui ont rejoint la région tout récemment, en décembre 2019. Le choix des individus importés fait l’objet d’une attention particulière : ils doivent provenir de différents centres d'élevage en Europe afin d’assurer la diversité des profils génétiques.

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    Le bison d’Europe est classé comme vulnérable sur la liste rouge des espèces en danger.
    PHOTOGRAPHIE DE Ryszard Siemieniuk

    « Il est important de transférer dans les populations en liberté toute la variété de gènes existant dans les populations captives de bisons, car un matériel génétique trop peu différencié a comme conséquence une plus grande vulnérabilité aux maladies et donc un risque de mortalité plus important », pointe Wanda Olech-Piasecka. Pour faciliter ce travail de diversification génétique et décider quels bisons inclure au sein d'une même harde, l'EBSG a créé une banque de gènes contenant, à ce jour, des informations sur le matériel génétique de 3500 individus. De plus, en 2019, pour la première fois, des chercheurs de l'université de Varsovie ont tenté la transplantation, chez des vaches, de trois embryons de bisons d’Europe (des ovules de bison fertilisés en laboratoire par du sperme de bison et cultivés in vitro). La gestation a échoué après quatre mois. Mais Wanda Olech-Piasecka l’assure, l’expérience sera reconduite, avec l’espoir d’ouvrir une nouvelle voie pour sauvegarder l'espèce.

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