Ce béluga aperçu au large de San Diego intrigue les scientifiques

L’animal se trouve à des milliers de kilomètres de son habitat d’origine. Personne ne sait d’où il vient ni pourquoi il se trouve dans les eaux californiennes.

De Jason G. Goldman
Publication 16 juil. 2020, 09:49 CEST
Les images capturées par un drone montrent un béluga (Delphinapterus leucas) au large de la côte ...

Les images capturées par un drone montrent un béluga (Delphinapterus leucas) au large de la côte de San Diego, à des milliers de kilomètres de son aire de répartition naturelle.

PHOTOGRAPHIE DE Domenic Biagini

Par une douce journée de juin, Domenic Biagini, capitaine d’excursions pour l’observation des baleines et photographe animalier, guide son bateau de huit mètres environ hors de Mission Bay, à San Diego. À bord de celui-ci, six clients enthousiastes à l’idée d’aller à la rencontre des baleines et pourquoi pas -s'ils sont chanceux- d'une baleine bleue. Il appelle Lisa LaPointe, une collègue guide pour voir si elle a réussi à en voir ce jour-là.

« Dom, on vient d’apercevoir un animal de plus de 4,5 mètres. Il est d’un blanc nacré et ne possède pas d’aileron dorsal », lui dit-elle. « Je n’ai jamais vu une peau d’une telle couleur. »

Ce n’était ni une baleine bleue (Balaenoptera musculus) ni une baleine à bosse (Megaptera novaeangliae) ni même une orque (Orcinus orca). D’ailleurs, ce n’était aucune des espèces habituellement présentes lors d’une excursion d’observation des baleines. On aurait dit un béluga mais on n’en trouvait pas dans les eaux californiennes.

Une heure plus tard, LaPointe rappelle Biagini, insistant qu’elle avait bel et bien vu un béluga. « Personne ne nous croira sur parole », lui assure-t-elle, le priant de l’aider à documenter cette découverte. Il décide donc de la rejoindre en mer pour pouvoir filmer l’animal à l’aide de son drone.

Biagini devra attendre 45 minutes avant que la baleine ne réapparaisse à la surface de l’eau. « Il n’y a aucun doute. C’est un béluga que j’avais devant moi », s’exclame-t-il. « Ce moment était si époustouflant que le photographe se transforme en citoyen scientifique et, les mains tremblantes, pilote son drone pour capturer ce moment. »

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    Généralement, on ne trouve les bélugas que dans les eaux arctiques et subarctiques au large des côtes du Canada, du Groenland, de la Russie, de la Scandinavie et de l’Alaska. Ce sont des animaux très sociaux qui se déplacent souvent en groupe. Cependant, le béluga filmé le 26 juin dernier se trouvait à plus de 4 000 kilomètres de la population de bélugas la plus proche en Alaska. D’ailleurs, il était tout seul. Jamais auparavant on n’a vu de bélugas à l’extrême sud. D’où vient-il ? Pourquoi se trouve-t-il en ce lieu bien précis ? Ces questions laissent les chercheurs perplexes.

     

    LE VISITEUR SOLITAIRE

    Bien que rare, il n’est pas impossible que les bélugas s’éloignent de leur habitat polaire. Au printemps de l’an 1940, un béluga avait été aperçu au large de la côte de Washington. Dans l’océan Atlantique, ils ont été repérés dans le Massachusetts et le New Jersey, alors que les bélugas des régions russes ont été vus au Japon. En 2018, Benny le béluga s’est retrouvé dans l’estuaire de la Tamise, près de Londres.

    Il est cependant surprenant qu’un béluga se retrouve en Californie du Sud. Ces dernières années, de nombreuses espèces inattendues ont été repérées dans ces eaux, mais elles proviennent généralement des tropiques plus chauds comme les Hydrophis platurus et les Sphyrnidae poussés vers le nord par le duo réchauffement climatique-El Niño.

    On ne sait toujours pas ce qui a poussé l’animal à faire ce périple inattendu. Peut-être que « curieux de nature, il a décidé d’aller à l’aventure, ou alors il est malade et déboussolé », affirme Alisa Schulman-Janiger, chercheuse adjointe au Musée d’histoire naturelle de Los Angeles.

    Selon les images capturées par le drone de Biagini, Schulman-Janiger et d’autres experts pensent que l’animal est en bonne condition physique. Prédateur généraliste, l’animal ne devrait pas avoir du mal à se nourrir même si les « mets californiens » sont différents de ce qu’il a l’habitude de manger. « J’ai envie de croire qu’il a le goût de l’aventure », dit-elle.

     

    UN PÉRIPLE DES PLUS SURPRENANTS

    Sans informations génétiques ou photos comparatives des bélugas de Russie et d’Alaska, « il est impossible de savoir d’où vient ce béluga. Il peut provenir de plusieurs endroits », explique Kristin Laidre, chercheuse au Polar Science Center de l’université de Washington.

    La population de bélugas la plus proche réside toute l’année dans le golfe de l’Alaska. Il y a 300 animaux dans le golfe de Cook et 20 autres dans la baie Yakutat. Les bélugas ne sont pas considérés comme une espèce en voie de disparition à l’échelle mondiale mais la population du golfe de Cook qui comprend les baleines de Yakutat fait partie des espèces menacées en vertu de l’Endangered Species Act des États-Unis avec un déclin annuel de 2,3 % environ.

    Plus encore, l’animal était tout seul. « Les bélugas sont grégaires, ils se déplacent généralement en groupe. Je ne peux même pas imaginer pourquoi cette baleine a atteint la Californie », s’étonne Laidre.

    Quelques jours après que LaPointe et Biagini ont vu la baleine, celle-ci a été aperçue plus au nord, à proximité des Channel Islands au large de la côte de Los Angeles, selon des informations non confirmées. S’il s’agit vraiment dudit béluga, cela signifie qu’il a rebroussé chemin et qu’il retourne lentement vers le cocon familial.

    Schulman-Janiger, qui s’occupe du recensement annuel des baleines grises dans la région et participe à la remise en liberté des baleines empêtrées dans des filets de pêche dispose de ce qu’elle appelle un « réseau d’observation informel » le long de la côte du Pacifique. Elle a demandé à des experts de rester alertes au cas où la baleine solitaire refaisait surface. Si on ne repère plus la baleine, on ne saura jamais d’où elle vient ni pourquoi elle s’est retrouvée ici.

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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