Cette espèce de poisson-main est officiellement éteinte

Cette espèce de poisson-main de la famille des Brachionichthyidae, qui se déplacent à deux pattes et non à la nage, a été déclarée éteinte. Une première dans l'histoire moderne pour une espèce de poissons marins.

De Douglas Main
Les poissons-mains tachetés en danger critique d'extinction vivent dans l'estuaire de la rivière Derwent, près de ...

Les poissons-mains tachetés en danger critique d'extinction vivent dans l'estuaire de la rivière Derwent, près de Hobart, en Tasmanie, et sont menacés par le réchauffement des eaux et la pollution. Son parent, le poisson-main Sympterichthys unipennis, a été déclaré éteint en mai 2020.

PHOTOGRAPHIE DE Alex Mustard, Minden Pictures

Pour la première fois dans l'histoire moderne, une espèce de poisson marin a été déclarée éteinte. Le poisson-main Sympterichthys unipennis, un habitant des fonds marins peu profonds dotés de nageoires hérissées et d'une saillie en forme de barbillon, n'a pas été vu depuis 1802, lorsque le biologiste français François Péron en a localisé près de la côte de Tasmanie avant de les transférer au Muséum d'histoire naturelle de Paris.

Malgré des recherches approfondies pendant de nombreuses années, aucun poisson-main Sympterichthys unipennis n'a jamais été observé depuis. En mai dernier, l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), un consortium mondial de scientifiques qui définit les statuts de conservation des espèces, a officiellement classé l'espèce comme éteinte.

Treize autres espèces de poissons-mains - ainsi nommés parce qu'ils se déplacent sur le plancher océanique sur des nageoires qui ressemblent à de petites mains - peuplent probablement les fonds marins, bien que sept de ces espèces n'aient pas été observées depuis 2000, voire même avant. Toutes les espèces sauf une sont considérées comme en danger d'extinction, en danger critique d'extinction ou sont difficiles à classer en raison d'un nombre « insuffisant de données », ce qui signifie qu'il n'y a pas suffisamment d'informations disponibles à leur sujet pour déterminer leur statut de conservation.

La disparition du poisson-main Sympterichthys unipennis met en évidence la sensibilité de cette famille de poissons aux perturbations environnementales telles que le changement climatique, la destruction de leur habitat et la pollution, car Sympterichthys unipennis était presque certainement commun lorsque les scientifiques l'ont documenté pour la première -et la dernière- fois, il y a plus de 200 ans. Pour les scientifiques, cette étape doit servir d'avertissement pour ce qui pourrait arriver à d'autres espèces de poissons-mains et d'autres espèces vulnérables localisées dans des régions semblables à la Tasmanie.

« C'est le canari dans la mine de charbon », explique Neville Barrett, ichtyologiste à l'Institut des études marines et antarctiques de Tasmanie.

Comme les autres poissons-mains, le poisson-main tacheté a des nageoires pectorales qui lui permettent de « marcher » sur le fond marin. Il ne reste que deux petites populations de cette espèce.

PHOTOGRAPHIE DE Fred Bavendam, Minden Pictures

UN CASANIER AUX COULEURS VIVES

« Si vous n'avez jamais vu de poisson-main, imaginez tremper un crapaud un peu déprimé dans de la peinture vive et lui enfiler des gants deux tailles trop grands », lit-on dans la description du poisson par le projet de conversation Handfish, dirigé par un groupe de chercheurs du gouvernement australien et d'institutions académiques consacrées à la conservation des animaux.

L'auteur de la description ci-dessus reste inconnu, mais celle-ci est passée d'une génération de chercheurs à l'autre, dit Jemina Stuart-Smith, écologiste marine à l'Institut d'études marines et antarctiques de l'Université de Tasmanie et à l'Organisation de recherche scientifique et industrielle du Commonwealth.

D'une longueur avoisinant les 15 centimètres, la plupart des poissons-mains sont endémiques des eaux qui entourent la Tasmanie. Même dans ces eaux, chaque espèce ne peut être trouvée que sur un petit nombre de sites.

Ce sont des casaniers. Les poissons-mains ne se dispersent généralement pas sur de longues distances et les juvéniles ne passent pas par une phase mobile et étendue comme beaucoup d'autres types de poissons. « Ils ont une stratégie qui fonctionne à merveille dans un environnement stable », déclare Barrett.

 

UN REDOUTABLE COCKTAIL DE MENACES

On ne sait pas exactement quelle combinaison de facteurs a conduit à l'extinction du poisson-main Sympterichthys unipennis, mais les habitudes de vie des poissons-mains, leurs aires de répartition géographique limitées et leur préférence pour les eaux froides l'ont rendu particulièrement vulnérables aux perturbations environnementales.

Près de Hobart, en Tasmanie, par exemple, le ruissellement et la pollution par les métaux lourds provenant de diverses industries ont dégradé la qualité de l'eau dans les estuaires le long de la côte, l'habitat prédominant du poisson-main tacheté et d'autres espèces de poissons-mains, explique Graham Edgar, biologiste marin qui travaille lui aussi à l'Institut d'études marines et antarctiques de l'Université de Tasmanie. Cela inquiète les chercheurs car, dit Edgar, « s'ils disparaissent d'une zone, ils ne reviendront probablement pas ».

Le dragage historique des pétoncles, la destruction des récifs ostréicoles et l'introduction d'espèces non-indigènes dans les eaux de Tasmanie ont probablement également eu des effets notables sur les populations de poissons-mains.

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    Seul spécimen connu de poisson-main (Sympterichthys unipennis), collecté en 1802 et ramené en France par le biologiste François Péron.

    PHOTOGRAPHIE DE CSIRO Australian National Fish Collection

    Ceci étant, la plus grande menace est probablement le réchauffement des eaux. Le poisson-main occupait autrefois une aire de répartition beaucoup plus étendue lorsque le climat était plus frais, indique Barrett. Aujourd'hui, le réchauffement a contraint de nombreuses espèces, comme les poissons-mains, certains crustacés, les algues marines et de nombreux autres organismes marins préférant les eaux froides à se concentrer sur de plus petites aires. La Tasmanie est un point chaud pour le poisson-main parce que ses eaux, bien qu'en réchauffement, sont plus froides que les eaux plus au nord.

    Cet état de fait est cependant en train de changer, car le courant est australien, qui balaie l'eau le long de la côte de Brisbane jusqu'à Sydney, a poussé l'eau plus chaude de plus en plus au sud. Les températures de l'eau entourant la Tasmanie ont grimpé de près de 2°C depuis 1900, selon le Met Office Hadley Center for Climate Science and Services.

    « C'est un redoutable cocktail de menaces », dit Edgar, et cela a conduit non seulement à l'extinction du poisson-main Sympterichthys unipennis, mais aussi à une « perte catastrophique de la biodiversité » autour de la Tasmanie, avec de grands déclins de populations et des aires de répartition de divers poissons, bivalves, crustacés, algues et autres organismes marins.

    De tels déclins peuvent passer inaperçus jusqu'à ce qu'il soit trop tard, parce que leurs habitats sont sous-marins et hors de vue, et parce qu'il y a un manque de données sur leurs populations, dit Edgar - comme dans le cas du poisson-main.

     

    DONNÉES INSUFFISANTES

    Il existe des plans de conservation concertés pour seulement trois espèces : le poisson rouge, en danger critique d'extinction, le poisson-main tacheté et le poisson-main de Ziebell. Le poisson rouge fait actuellement l'objet d'une attention particulière car il n'y a que deux populations connues, toutes deux situées près de Hobart, et on estime qu'il reste à ce jour moins d'une centaine d'adultes, dit Stuart-Smith.

    Les plans pour ces espèces mettent l'accent sur une plus grande collecte de données, la prévention de la destruction de l'habitat et, dans certains cas, l'introduction de substrats artificiels sur lesquels les poissons pondent leurs œufs, pour remplacer le varech perdu et les ascidies (qui ont un rôle de filtres naturels), qui ont été détruits par des étoiles de mer invasives et des oursins.

    Ce poisson "marche" sur le plancher océanique

    « Pour le reste des espèces, nous manquons des informations et des ressources nécessaires pour pouvoir mettre en œuvre des stratégies de conservation », dit Stuart-Smith.

    Parce que de nombreuses espèces de poissons-mains sont rares et compliquées à trouver, elles sont difficiles à étudier. Néanmoins, les chercheurs continuent de tenter de les localiser, en utilisant de nouvelles méthodes telles que la recherche de fragments de leur ADN dans l'océan. La recherche sur l'élevage en captivité se poursuit également, dit Barrett, même si personne n'a jusqu'à présent réussi à les amener à terminer un cycle de vie complet en captivité.

    « En dépit d'être des petits poissons charismatiques et singuliers... nous en savons très peu sur eux », regrette Stuart-Smith.

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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