Ce magnifique oiseau est mi-mâle mi-femelle

L’aile droite de l’oiseau est plus longue et présente des plumes noires, qui sont caractéristiques des cardinaux à poitrine rose mâles. Son aile gauche, plus courte et de couleur marron, est caractéristique des femelles.

De Jason Bittel
Publication 12 oct. 2020, 17:37 CEST
En septembre dernier, les chercheurs ont piégé ce cardinal à poitrine rose dans la réserve naturelle ...

En septembre dernier, les chercheurs ont piégé ce cardinal à poitrine rose dans la réserve naturelle de Powdermill. Atteint de gynandromorphisme bilatéral, l’oiseau présente un côté femelle (le côté jaune) et un côté mâle (le côté rouge).

PHOTOGRAPHIE DE Annie Lindsay

Le 24 septembre dernier, des chercheurs accompagnés d’une équipe suivant les populations d’oiseaux dans la réserve naturelle de Powdermill, à Rector, en Pennsylvanie, ont attrapé un spécimen surprenant : un cardinal à poitrine rose arborant d’étranges couleurs. Les plumes écarlates d’un oiseau mâle recouvraient l’un des côtés de son corps, tandis que l’autre présentait le plumage jaune canari d’une femelle.

En voyant l’oiseau chanteur de la taille d’un rouge-gorge, les scientifiques surent immédiatement que ce cardinal à poitrine rose était atteint de gynandromorphisme bilatéral, un phénomène qui se traduit par l’apparence mi-mâle mi-femelle d’un animal.

« Il n’y a aucun doute à ce sujet », indique Annie Lindsay, responsable du programme de baguage des oiseaux à Powdermill.

La prise de mesures a également révélé que l’aile droite de l’oiseau était légèrement plus longue que la gauche, ce qui est caractéristique de la différence entre les cardinaux à poitrine rose mâles et femelles.

Si le gynandromorphisme fait référence à un animal présentant à la fois des caractéristiques mâles et femelles, le gynandromorphisme bilatéral apparaît souvent drastiquement différent, car ces caractéristiques sont séparées au milieu du corps. En outre, la séparation peut être interne et externe. Cet atypisme diffère également de l’hermaphrodisme, phénomène qui se traduit par la présence d’organes reproducteurs mâles et femelles dans un organisme, qui a toutefois l’apparence d’un mâle ou d’une femelle.

Si l’hermaphrodisme est un phénomène naturel chez de nombreuses créatures, comme les vers de terre et les escargots, le gynandromorphisme est rare. Chez les oiseaux, il semble survenir lorsque les cellules ne parviennent pas à se diviser correctement au début du développement.

L’aile droite de l’oiseau est plus longue et présente des plumes noires, qui sont caractéristiques des cardinaux à poitrine rose mâles. Son aile gauche, plus courte et de couleur marron, est caractéristique des femelles. Les plumes de sa queue présentent également une division des couleurs.

PHOTOGRAPHIE DE Annie Lindsay

D’après Annie Lindsay, seuls cinq oiseaux capturés sur environ 800 000 ont été documentés comme étant atteints de gynandromorphisme depuis que Powdermill a commencé à tenir des registres voilà 60 ans. La responsable du programme de baguage confie qu’au cours des 15 dernières années, elle a vu un seul autre oiseau atteint de cet atypisme : il s’agissait également d’un cardinal à poitrine rose.

« Je pense avoir aujourd’hui plus de connaissances sur la rareté de ce phénomène », confie-t-elle. « C’était un pur bonheur de voir la réaction de tout le monde ».

 

UN SUR UN MILLION ?

« Cet oiseau est célèbre », déclare Danny Bystrak, biologiste de la faune au laboratoire de baguage des oiseaux du Patuxent Wildlife Research Center dans le Maryland, une branche de l’Institut d'études géologiques des États-Unis, qui sert de bureau central pour les données collectées lors des opérations de baguage des oiseaux à travers le pays.

Le biologiste explique dans un e-mail qu’en consultant tous les registres des 15 dernières années, la probabilité de découvrir un individu gynandromorphe lors d’une opération de baguage d’oiseaux est de « presque une sur un million ».

Elle présente toutefois des limites : comme l’explique Annie Lindsay, toutes les espèces d’oiseaux n’ont pas des mâles et des femelles arborant un plumage foncièrement différent. Il y aurait donc plus d’oiseaux gynandromorphes que nous le pensons.

Les collections d’oiseaux dans les musées font également la lumière sur le phénomène. Au cours de sa carrière, Stephen Rogers, responsable des collections de la section Oiseaux au musée Carnegie d’histoire naturelle de Pittsburgh, en Pennsylvanie, a préparé quelque 16 000 oiseaux pour les collections du musée. Ce travail implique de sécher et de conserver les oiseaux, et de prendre des notes sur l’apparence physique externe et interne de chaque spécimen, notamment sur ses organes reproducteurs.

Parmi les plus de 27 000 spécimens du musée, Stephen Rogers n’a retrouvé que quatre gynandromorphes. Trois d’entre eux étaient des oiseaux appartenant à des espèces où les mâles et les femelles sont de la même couleur.

« La probabilité d’une sur un million ne s’appliquerait que pour les oiseaux montrant des différentes distinctes », explique le responsable des collections. « Cela concerne les cardinaux, les gros-becs, etc. ».

En ajoutant tous les gynandromorphes qui se cachent juste devant nos yeux, la probabilité qu’un individu soit atteint du phénomène est de 146 sur un million.

 

UN PHÉNOMÈNE DIFFICILE À ÉTUDIER

Si les gynandromorphes font les gros titres lorsqu’ils sont découverts, comme en 2019 avec un cardinal rouge atteint de gynandromorphisme bilatéral et plus tôt dans l’année avec l’abeille présentant les yeux d’un mâle et le corps d’une femelle, le phénomène reste difficile à étudier.

Danny Bystrak dit n’avoir trouvé aucun registre d’un gynandromorphe capturé à nouveau lors d’une opération de baguage. Il n’est donc pas sûr que la différence de couleur persiste après la mue de l’oiseau.

Autre inconnue : l’avenir de l’oiseau. Comme chez les humains, les oiseaux femelles disposent de deux ovaires, mais seule celle de gauche fonctionne chez les oiseaux chanteurs. D’après Annie Lindsay, ce cardinal à poitrine rose pourrait se reproduire puisque son côté gauche est femelle, mais il doit pour cela se comporter comme une femelle afin d’attirer un mâle.

Les connaissances relatives au comportement des gynandromorphes sont rares. Toutefois, en 2009 et 2010, les scientifiques sont parvenus à observer un cardinal rouge dans l’Illinois, atteint de gynandromorphisme bilatéral. Ils constatèrent qu’il avait survécu sans difficulté jusqu’à l’âge adulte. Cependant, ce cardinal n’aurait jamais chanté ou effectué de vocalises. Il n’a pas non plus été observé avec un partenaire.

Nous pourrions bien ne jamais savoir ce qu'il adviendra de ce cardinal à poitrine rose, qui est un oiseau migrateur. Relâché le jour où il a été attrapé, il pourrait déjà être en Amérique du Sud à l’heure actuelle.

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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