L'accélération de cette araignée dépasse celle des fusées

Selon une nouvelle étude, les araignées tisseuses de toiles triangulaires stockent d'impressionnantes quantités d'énergie dans leurs toiles, une compétence unique dans le royaume animal.

De Kenrick Vezina
Publication 27 août 2021, 09:00 CEST
Une araignée du genre Hyptiotes attend sa proie nichée dans un coin de sa toile fraîchement ...
Une araignée du genre Hyptiotes attend sa proie nichée dans un coin de sa toile fraîchement tissée.
PHOTOGRAPHIE DE Stephen Dalton, Nature Picture Library

Pour la majorité d'entre nous, une toile d'araignée n'est rien de plus qu'un filet de soie collant, passiv, même si sa conception en impressionne plus d'un.

Cela étant dit, un type d'arachnide tisse une toile d'un tout autre niveau, dotée de portions chargées en tension avec tout le savoir-faire des ingénieurs du Moyen-Âge. Ce sont les araignées du genre Hyptiotes dont la toile est triangulaire et que l'on trouve aux États-Unis et dans de nombreuses autres régions de la planète. 

Après avoir construit une toile en triangle, elles s'arriment à une petite branche grâce à la soie de leur abdomen et tirent sur une ligne d'ancrage centrale qui leur permet de tendre peu à peu la structure.

Elles chargent ainsi leur toile en énergie potentielle à la manière d'un arc dans lequel leur corps serait le déclencheur qui retient l'ensemble du système jusqu'à ce qu'il soit temps de décocher une flèche.

Lors d'une expérience en laboratoire, Hyptiotes cavatus maintient sa toile tendue grâce à son fil d'arrimage ...
Lors d'une expérience en laboratoire, Hyptiotes cavatus maintient sa toile tendue grâce à son fil d'arrimage sur la gauche et sa ligne centrale d'ancrage sur la droite.
PHOTOGRAPHIE DE S.I. Han

Lorsqu'un insecte se heurte à la toile, l'araignée relâche sa ligne d'ancrage et lâche du mou depuis son abdomen, catapultant au passage sa toile (et elle-même) vers l'avant pour piéger l'insecte dans la soie. (À voir : les toiles d'araignée les plus grandes et les plus solides.)

L'effet « ressemble un peu à celui d'un fusil à filet », illustre Daniel Maksuta, doctorant à l'université d'Akron dans l'Ohio et coauteur d'une nouvelle étude portant sur cette araignée. Parfois, l'araignée « recharge » et décoche à nouveau la toile pour garantir que sa proie est bien neutralisée, ajoute-t-il.

À présent, une nouvelle étude montre à l'aide de caméras haute vitesse que ces toiles stockent et libèrent des quantités phénoménales d'énergie.

En effet, les acrobaties sur toile de l'araignée Hyptiotes cavatus vont jusqu'à dépasser les 770 m/s² (mètres par seconde au carré), soit 26 fois l'accélération maximale d'un engin spatial de la NASA.

Selon les auteurs, c'est le seul exemple connu du royaume animal d'amplification externe de la vitesse, c'est à dire l'utilisation d'un objet pour stocker et multiplier l'énergie afin de la relâcher d'un seul coup.

 

DES ARAIGNÉES ÉCLAIRS

Sarah Han est doctorante à l'université d'Akron, dans l'Ohio. À la tête de cette étude, elle a capturé avec ses collègues des araignées sauvages Hyptiotes cavatus pour les élever en intérieur.

Ces araignées ont tissé leur toile comme elles l'auraient fait dans la nature et l'équipe a enregistré la façon dont elles interagissaient avec leur proie.

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    Les vidéos ont montré qu'à chaque fois qu'une araignée tire sur sa toile, c'est un peu comme lorsque la manivelle d'une catapulte est remontée. Un bras ne peut générer qu'une certaine force avec une seule contraction mais l'élasticité de la toile lui permet d'emmagasiner la force de plusieurs contractions et de tout relâcher d'une seule traite, c'est ce qu'on appelle l'amplification de puissance.

    L'équipe de chercheurs a également créé des modèles informatiques de toiles pour exécuter des simulations qui leur ont permis de comparer trois types de mouvements : une araignée utilisant l'amplification de puissance de sa toile, sautant à la seule force de ses muscles ou sautant à l'aide d'une énergie interne comme une puce.

    D'après leurs modèles, c'est grâce à l'amplification d'énergie provoquée par la toile chargée en tension que l'araignée est en mesure de capturer sa proie.

    Cette stratégie est également payante pour les araignées : lors les observations faites en laboratoire, les araignées qui n'ont pas libéré leur toile ont échoué dans la capture de leur proie dans 100 % des cas, selon l'étude publiée le 13 mai dans Proceedings of the National Academy of SciencesSi les arachnides utilisaient leur toile correctement, leur chance de succès atteignait alors les 70 %.

     

    LES MYSTÈRES DE LA SOIE

    L'araignée n'est pas le seul invertébré à produire de la soie, il en existe d'autres comme les larves, mais « ce n'est pas un phénomène aussi répandu et aussi varié dans sa fonctionnalité qu'il peut l'être chez les araignées, » explique Paul Selden, paléoarachnologue à l'université du Kansas.

    Il existe presque autant d'utilisations de la soie qu'il y a d'espèces d'araignées (plus de 45 000). Pourtant, même face aux araignées bolas lanceuses de toile, aux mygales fouineuses conceptrices de trappes et aux araignées qui parviennent à s'envoler grâce à l'électricité statique, les Hyptiotes sortent du lot.

    « Je ne vois aucune évolution de ce système de capture chez les araignées, ni aucune toile de capture comparable chez les espèces non apparentées, » indique Selden.

    Quelques inconnues subsistent. Par exemple, lorsqu'elle maintient sa toile tendue, H. cavatus semble garder ses genoux courbés, ce qui est extrêmement épuisant pour la plupart des animaux.

    « Comment font-elles ? » s'interroge Han. Une question à laquelle elle compte bien répondre.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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