À la recherche de la panthère des neiges en Inde

Prenez vos jumelles et partez à la rencontre des insaisissables panthères des neiges dans le nord-est du Ladakh, en Inde, où la faune est aussi variée que le vaste sous-continent lui-même.

De Amelia Duggan
Publication 28 déc. 2023, 10:56 CET
Une panthère des neiges se repose sur un rocher couvert de lichen dans le parc national ...

Une panthère des neiges se repose sur un rocher couvert de lichen dans le parc national de Hemis, au Ladakh.

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Om mani padme hum. Le mantra de la compassion est une invocation bouddhiste que j’ai souvent vue gravée sur les moulins à prières ou entendue récitée derrière les murs des monastères. Aujourd’hui, ces mots sont chantés pour assurer ma protection et ma bonne fortune alors que je m’apprête à gravir un col himalayen de haute altitude ; peut-être sous le regard du fauve le plus insaisissable et le plus vénéré de la nature.

Tandis que les guides locaux de notre groupe murmurent, déploient des guirlandes de drapeaux de prière et arrosent notre cérémonie improvisée sur le bord de la route avec des poignées d’encens, je scrute les flancs de la colline à la recherche du moindre mouvement. Quelques centaines de panthères des neiges rôdent sur les plateaux du Ladakh, ce qui fait de la région un véritable havre de paix pour cette espèce. Pourtant, apercevoir une panthère des neiges, même en campant dans la nature pendant une semaine avec des experts de Naturetrek, relève presque de l’impossible. Il nous faudra beaucoup de chance. Om mani padme hum, en effet.

Notre petit groupe de voyageurs britanniques, accompagné de guetteurs locaux et de notre naturaliste, Sujan, traverse les vastes paysages lunaires bruns du parc national de Hemis jusqu’à atteindre la fin de la route. Là, notre camp a déjà été installé : au bord d’une rivière gelée reposent un cercle de tentes cloches, ainsi que deux pavillons en toile (l’un pour la cuisine, l’autre pour les repas). Un yak domestique hirsute appartenant à un village voisin patiente tranquillement, dans l’espoir d’engloutir nos restes.

« Denzel ! », s’exclame Sujan, en reconnaissant l’animal du voyage de l’année dernière. « C’est bon de te revoir. » Nous nous réchauffons avec un chaï préparé sur le feu de camp, tandis que notre guide nous met en garde contre la tentation de partir explorer la vallée. « Aujourd’hui, nous nous reposons. Vous n’êtes pas habitués à être à plus de 4 000 mètres d’altitude et il serait embêtant de devoir vous évacuer si vous souffriez du mal aigu des montagnes », plaisante Sujan d’un air sombre. « Nous y allons doucement. Comme un yak », dit-il en imitant la marche nonchalante de l’animal. 

Nous en prenons déjà plein les yeux depuis notre camp. Des aigles royaux, des vautours de l’Himalaya et d’autres rapaces planent dans le ciel dégagé ; des tétraogalles (une sorte de faisan) se faufilent dans les broussailles et des pikas (un mammifère ressemblant à un lapin) jouent à cache-cache entre les rochers des berges de la rivière. Le clou du spectacle a lieu l’après-midi, lorsqu’un guetteur, Thamchoss, aperçoit des bharals trapus aux cornes épaisses, le repas préféré de la panthère des neiges. Nous braquons nos jumelles et nos lunettes d’observation sur le troupeau et lui souhaitons malchance.

Le lendemain matin, je suis réveillé par un brouhaha composé de voix, du bruit des fermetures éclair des tentes qu'on ouvre, et d’autres voix. Denzel est allongé au centre de notre campement, les pattes écartées. « Il est parti », déclare gravement Sujan. Étonné, je lui demande si c’est une panthère qui a fait le coup. « J’aimerais bien », se moque-t-il en désignant la traînée de carottes à moitié mâchées qui mène au pavillon effondré qu’était auparavant la cuisine. « On dirait que le festin de minuit de Denzel a mal tourné. »

Une panthère des neiges sauvage (Panthera uncia), photographiée au Ladakh (Inde), pendant l'hiver.

PHOTOGRAPHIE DE S.Tuengler - inafrica.de / Alamy Banque D'Images

Nous n’avons pas à nous morfondre longtemps : un éleveur de chèvres de passage nous annonce qu’une panthère a été aperçue près du village de Rumbak. Les tempes battantes et les poumons en feu, nous atteignons les abords du village en milieu de matinée et installons nos trépieds pour scruter le paysage. Notre guetteur Dorje l’aperçoit en premier : « Duk ! Duk ! Shan ! » s’exclame-t-il. La voilà ! La panthère des neiges ! Dorje a vu une tête émerger brièvement de derrière un rocher. C’est une prouesse extraordinaire, comme le fait de trouver une aiguille dans une botte de foin (sauf que l’aiguille est aussi parfaitement camouflée). Nous pointons nos télescopes sur le rocher et attendons que le prédateur réapparaisse. Notre panthère finit par émerger et par traverser la pente. Sa démarche puissante, ses flancs musculeux et ses larges pattes laissent présager une vélocité terrifiante. Sa queue est étonnamment longue et épaisse jusqu’à son bout ; sa mâchoire est carrée ; ses yeux sont sombres, comme des amandes écartées. Son célèbre pelage (celui pour lequel les panthères sont encore victimes de braconnage) est pâle et parsemé de rosettes sombres. Elle se déplace avec agilité le long de la crête de la vallée et finit par quitter notre champ de vision. Nous nous retournons les uns vers les autres, stupéfaits. Est-ce vraiment arrivé ?

Le moral est au beau fixe et la pression retombe pour le reste de la semaine. Nous arpentons chaque jour des vallées différentes à la recherche de panthères et découvrons en chemin des objets incroyables : des stupas desquels pendent des drapeaux de prière diaphanes, d’anciens pétroglyphes gravés dans des rochers illuminés par des lichens aux couleurs flamboyantes et des fossiles vieux de 50 millions d’années, soit de la création de l’Himalaya. Tout cela est spectaculaire, mais, comme la panthère des neiges, vulnérable : la région est en première ligne face au changement climatique, la hausse des températures dans toute la chaîne de montagnes menaçant ses cultures anciennes et sa faune.

Vers la fin de la semaine, je passe l’anniversaire le plus mémorable de ma vie en traquant les empreintes de panthères et de loups, et je m’endors le ventre plein de ragoût de yak. « Denzel était un yak merveilleux, à l’intérieur comme à l’extérieur », avait plaisanté Sujan, ce qui nous avait tous fait frémir. Les cuisiniers avaient même réussi à se procurer un gâteau. Cette année, je n’avais qu’un seul souhait.

Et il se réalisa le lendemain, lors de notre avant-dernier jour dans le parc, au moment où le soleil se couchait, couronnant les sommets lointains de halos scintillants. Le groupe était silencieux, chacun s’imprégnant du paysage ou scrutant la vallée escarpée, lorsque Dorje, l’œil rivé sur son télescope, s’est écrié : « Duk ! Duk ! Duk ! »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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