Au Maroc, ces chèvres qui peuplent les arganiers

Cet étrange spectacle devrait vous donner envie de partir sur la route menant à Essaouira.

De Christine Blau
Les chèvres qui grimpent aux arbres marocains

Les arganiers ponctuent le paysage sur la route poussiéreuse reliant Marrakech à la ville portuaire d'Essaouira. Ces plants épineux endémiques du sud-ouest du Maroc et de l'ouest de l'Algérie peuvent paraître disgracieux mais ils ont de fervents admirateurs. Des troupeaux de chèvres affamées grimpent agilement dans leurs branches noueuses ; elles sont parfois plus d'une douzaine à se partager le même arganier.

Il y a une explication à cet étrange phénomène. Les arganiers produisent un fruit qui ressemble à une olive flétrie, qui mûrit chaque année au mois de juin. Les chèvres, ingénieuses, grimpent jusqu'à 9 mètres de haut pour goûter ces fruits amers, qui constituent près de 84 % de leur régime alimentaire

Les chèvres gobent le fruit entier, même si c'est la pulpe qui se cache sous sa peau épaisse est la plus goûteuse. La pulpe recouvre elle-même un noyau que les hommes convoitent désespérément. 

Trois chèvres, une blanche, une brune et une blanche et noire, ont escaladé un arganier et passent joyeusement d'une branche à une autre près d'Essaouira, au Maroc.
PHOTOGRAPHIE DE Ababsolutum, Getty Images

Selon la tradition, les hommes collectent les noix d'argan dans les excréments des chèvres, qui ne les digèrent pas. Ces noix servent ensuite à la fabrication de l'huile d'argan. Aujourd'hui, la plupart des femmes berbères sont en charge de cette activité chronophage : il faut d'abord extraire les noix des selles, puis les ouvrir à la main pour obtenir la précieuse huile qui servira à la concoction de produits cosmétiques ou alimentaires très coûteux. L'huile d'argan est également très utilisée dans la cuisine marocaine : elle imbibe le pain du petit-déjeuner et inonde les couscous.

Si ces produits sont vendus à prix d'or, c'est parce qu'il faut plus 27 kilos de fruits d'arganier pour produire un litre d'huile d'argan. Compte tenu du rendement de ces arbres, certains éleveurs et agriculteurs acquièrent toujours plus de chèvres, qui finissent par menacer le développement des arganiers. En revanche, cette culture permet l'emploi des femmes locales et attise la curiosité de nombreux touristes.

Les coopératives de femmes de la région, comme la coopérative Marjana près d'Ounagha, guident les touristes à travers les productions d'huile d'argan. La belle ville côtière d'Essaouira offre, même aux visiteurs les plus pressés, la vue extraordinaire des chèvres dans les airs, passant d'une branche à l'autre dans les arganiers chargés de fruits.

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