Plus de 100 raies du diable pygmées ont été filmées dans un très long rituel d'accouplement

Des scientifiques ont capturé des images rares de ces animaux dans un étonnant "tourbillon de parade nuptiale" qui soulève des inquiétudes quant à leur survie.

De Melissa Hobson
Publication 23 nov. 2023, 11:00 CET

Les raies du diable pygmée (Mobula munkiana) se rassemblent souvent en très grands groupes, allant jusqu'à des dizaines de milliers d'individus à certaines périodes de l'année, dans la mer de Cortez, au large du Mexique. 

PHOTOGRAPHIE DE Shawn Heinrichs

À la surface, des éclaboussures nous donnent une idée de l’agitation sous-jacente. Sous les vagues, une centaine de raies du diable pygmées tourbillonne, une danse étourdissante qui dure des heures. 

Il s’agit d’un « tourbillon de parade nuptiale », un comportement filmé dans le cadre d’une étude menée par l’association à but non-lucratif Manta Trust, qui n’avait jusqu’alors jamais été décrit chez les raies du diable pygmées (Mobula munkiana). Dans ces nouvelles vidéos filmées par drone en Basse-Californie, au Mexique, 122 raies prennent part à ce spectacle de cinq heures, différents groupes de reproduction le rejoignant et le quittant à mesure que le temps passe. 

« Assister à un tourbillon de mobulas est extraordinaire », déclare Marta D. Palacios, co-fondatrice du projet Mobula Conservation, dont les études analysent les comportements de séduction et d’accouplement chez trois espèces de mobulas : la raie à queue d'épinette, la raie benthique et la raie du diable pygmée. 

L’une des caractéristiques des mobulas est la création de formations tourbillonnaires pour se nourrir ou se reposer, mais c’est la première fois qu’on observe un tourbillon dans un contexte d’accouplement. Les mouvements circulaires étaient plus détendus : les raies se touchaient et ne déployaient pas leurs nageoires céphaliques, parties semblables à des cornes au-devant de leurs têtes qui leur servent à manger. Les chercheurs ont également observé des courses de parade nuptiale, phénomène pendant lequel les raies mobula mâles poursuivent les femelles dans l’objectif de s’accoupler avec elles, qui entraient et sortaient du tourbillon.  

Rare : rituel d'accouplement géant de 122 raies du diable pygmées

Ce comportement permet aux femelles de choisir un partenaire plus rapidement, explique Palacios. « Dans ces courses, les mâles doivent cibler la même femelle pendant des heures, voire des jours, » mais dans un tourbillon, les mâles ont le choix parmi trente à quarante femelles. 

« Nous en savons très peu sur les raies mobula, » indique Stephanie Venables, scientifique principale de la fondation Marine Megafauna, qui n’a pas participé à l’étude. « Le comportement reproducteur est l’un des aspects les plus importants à comprendre sur leur cycle de vie. Ces résultats seront donc cruciaux pour leur protection, » dit-elle. 

 

LE SAUTE-MOUTON DES RAIES

L’étude décrit également un nouveau comportement, une sorte de saute-mouton dans lequel le mâle, alors qu’il poursuit la femelle, lui saute dessus, soulève sa queue et se met à rapidement insérer son ptérygopode, c’est-à-dire son organe reproductif. 

Une femelle a subi ce comportement plus de 135 fois. « Imaginez que vous nagiez à la surface et que quelqu’un vous saute dessus par derrière à répétition, » décrit Palacios. 

On pensait auparavant qu’avant d’essayer de copuler, les mâles devaient mordre la nageoire pectorale de la femelle, mais ce n'est pas ce qui a été observé ici.

Ce saute-mouton irrite le dos de la femelle, explique Palacios, une découverte que les futurs chercheurs pourront peut-être utiliser pour déterminer si une femelle est sexuellement mature.

Cependant, Venables souligne que les chercheurs doivent d'abord être en mesure de distinguer ces irritations d'autres abrasions et de comprendre combien de temps elles restent sur le corps avant de les utiliser comme signe de maturité.

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    Bien qu'elles paraissent majestueuses, les raies du diable pygmée ont tendance à se rassembler en grands groupes, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux menaces, elles risquent notamment d'être capturées dans des filets de pêche.

    PHOTOGRAPHIE DE Photogrpah By JayClue

    Les raies du diable pygmées, de nature très timide, ne s’approchent généralement pas des humains et sont facilement effrayées. 

    Mais lors de cette rencontre, « les animaux ne se souciaient pas de la présence [des chercheurs], ils se cognaient même à eux, » explique Marta D. Palacios. La frénésie de l'accouplement « les rend presque aveugles au monde extérieur, » ajoute-t-elle, ce qui les rend vulnérables aux menaces comme le tourisme, la pêche et le trafic maritime.

     

    DES INQUIÉTUDES QUANT À LEUR CONSERVATION

    Lorsqu’elles se rassemblent en grands groupes comme celui-ci, les raies deviennent plus vulnérables, explique Palacios. Les menaces n’affectent plus qu'une seule raie, « ce sont des dizaines, voire des centaines de raies du diable pygmées prises dans le même filet ou dans le même chalutier. »

    « Imaginez la facilité avec laquelle un pêcheur pourrait mettre un filet autour de ce petit cyclone bien pratique et tous les attraper », ajoute Venables.

    L'étude a également révélé que ces eaux au large du sud-ouest du golfe de Californie sont propices à la reproduction pour trois espèces de mobula, toutes menacées. L'Union internationale pour la conservation de la nature classe les raies du diable pygmée comme une espèce vulnérable, tandis que les raies aigles géantes (Mobula mobular) et les raies diables de bentfin (Mobula thurstoni) sont toutes deux en danger d’extinction.

    « En mettant la population mature qui s’accouple dans un filet, vous ne prenez pas seulement des animaux, vous retirez de l'état sauvage des femelles qui permettent à l'espèce de prospérer », explique Stephanie Venables, qui ajoute que ces résultats soulignent l’importance de la réglementation de la pêche dans ces zones, en particulier pendant la période d'accouplement.

    La parade nuptiale hors du commun de 122 raies du diable pygmées

     

    UNE RÉUSSITE LOCALE

    Autrefois, cette zone était l'une des principales pêcheries de raies manta et de raies du diable pygmée. Marta D. Palacios se souvient des jours où l'on pouvait voir « des centaines, des milliers de mobulas [mortes] échouées sur la plage ».

    Après qu’une loi a été introduite pour l’interdiction de la pêche, la région est devenue une destination prisée par les touristes. Plutôt que d'essayer de pêcher les raies, les communautés invitent désormais les touristes à nager avec elles.

    Toutefois, en l'absence de réglementation adéquate, ce tourisme peut également constituer une menace. Les défenseurs de l'environnement enseignent aux guides les meilleures pratiques afin que les touristes puissent observer ces animaux de manière responsable, sans influencer leurs activités naturelles, en particulier leurs comportements reproductifs.

    « Perturber la reproduction affecte directement la santé de la population », explique Stephanie Venables. « Par-dessus tout, la parade nuptiale ne doit pas être perturbée. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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