Pourquoi certaines orques ont-elles la peau orangée ?

Repérable à sa couleur noire et blanche caractéristique, il arrive parfois que la peau des orques prenne un aspect plus orangé, voire brunâtre. Mais pourquoi ?

De Morgane Joulin
Publication 13 mai 2024, 16:28 CEST
Mère orque (Orcinus orca) et son petit, nageant côte à côte dans l’Arctique.

Mère orque (Orcinus orca) et son petit, nageant côte à côte dans l’Arctique. 

PHOTOGRAPHIE DE AGAMI Photo Agency / Alamy Banque D'Images
Orque
  • Nom Commun: Orque
  • Nom Scientifique: Orcinus orca
  • Genre: Mammifères
  • Durée de vie moyenne à l'état sauvage: 50 à 80 ans
  • Taille: De 5 à 7 m (femelle) | De 6 à 8 m (mâle)
  • Poids: Jusqu'à 6 tonnes
  • Taille comparée à un bus: Taille comparée à un bus

L’orque, aussi appelée épaulard, est le plus grand de tous les dauphins. Super-prédatrice, elle chasse une multitude d’espèces telles que les poissons, les dauphins, les phoques, les oiseaux marins, les pingouins, les calmars et même les requins ou certaines espèces de baleines. Malgré leur concentration habituelle dans les régions plus froides et riches en nourriture, les orques ont réussi à s'installer, au fil de l'évolution, dans tous les océans du monde.

On les distingue grâce à leur couleur noire et blanche, et particulièrement avec la tache oculaire de l’animal, véritable signature de sa robe. Toutefois, certaines d’entre elles ont été aperçues arborant une peau plus orangée, tirant vers le jaunâtre, loin du blanc immaculé pourtant caractéristique du cétacé. Mais alors, pourquoi ?

Il y a en fait, deux raisons à cela.

 

CHEZ LES JUVÉNILES

Chez les petites orques, appelées veaux, « l’hypothèse la plus probable est liée au fait que ces petits, juste après leur naissance, ont très peu de gras », relate Christophe Guinet, Chercheur au CNRS et au Centre d'Études Biologiques de Chizé (C.E.B.C). De ce fait, « le sang arrive au niveau de l’épiderme beaucoup plus facilement que chez les orques adultes, où la partie extérieure de l’épiderme est isolée par des couches de gras importantes. » La graisse des veaux fait environ deux centimètres d'épaisseur, tandis qu'elle peut atteindre neuf à dix centimètres chez certains adultes. Cela signifie que la peau des petits est moins isolée et que les vaisseaux sanguins sont plus superficiels. C’est donc le mélange du rouge, présent dans les capillaires sanguins superficiels, avec la coloration blanche de leur peau, qui produit cette couleur orangée. « C’est un peu comme quand [l'Homme] devient rouge quand il a froid, par ce qu’on active notre circulation périphérique », résume le chercheur.

Cette étonnante coloration « disparaît au bout de quelques mois, au fur et à mesure que le petit améliore sa condition du fait de la lactation. » Le lait d'épaulard contient en effet jusqu'à 40 % de matières grasses. Cela permet aux veaux de développer une épaisse couche de graisse et de grandir rapidement. Ils peuvent ainsi prendre jusqu’à 200 kilogrammes en un an. Du reste, ces premiers mois constituent une période cruciale pour les juvéniles, parce que cette faible couche de gras les rend extrêmement vulnérables. « On estime qu’entre 40 et 50 % des nouveaux nés vont mourir au cours de ces premiers mois », juge l’expert.

 

CHEZ LES ORQUES DE L’ANTARCTIQUE

La couleur orangée, parfois jaunâtre de l’orque, a également été observée chez des adultes sur les côtes de l’Antarctique, en particulier chez les écotypes B et C. Le phénomène est « de nature complètement différente » selon Christophe Guinet. « On pense que c’est lié au fait que sur ces orques, il y a un dépôt d’algues, de diatomées, qui vont colorer l’épiderme de ces orques, et en particulier les zones blanches. » Ces diatomées (Bacillariophyta) sont brunâtres et s’accumulent au fil du temps sur l’épiderme glabre, c’est-à-dire sans poils, des orques. Les eaux de l'Antarctique renferment une grande richesse en nutriments, propices à la floraison de ces diatomées. 

Trois orques nagent dans les eaux de l’Antarctique. On aperçoit des diatomées (Bacillariophyta) sur leur épiderme, qui donnent à leur peau un aspect orangé.  

PHOTOGRAPHIE DE David South / Alamy Banque D'Images

Le chercheur explique que ces dernières années, « des études ont montré que le fait de vivre dans des eaux très froides, comme en Antarctique, va imposer de fortes contraintes à ces animaux et pour limiter la perte d’énergie, on va réduire la circulation sanguine périphérique, c’est-à-dire qu’on réduit le flot sanguin par la couche superficielle de l’épiderme. » En faisant cela, « le renouvellement de cet épiderme est fortement ralenti. Donc les orques ne muent pas, elles ne vont pas desquamer, perdre la partie périphérique externe de leur épiderme. » L’épiderme du cétacé se renouvelle par la face intérieure, et s’exfolie par la face supérieure, par son exposition à l’air. Toutefois, pour les orques de l’Atlantique, « comme elles ne muent pas, ces algues peuvent s’accumuler au cours du temps. »

Ces diatomées ne sont A priori pas toxiques pour les épaulards selon l’expert. Elles sont en somme un voile qui se dépose sur leur peau, comme la vase se dépose sur les rochers dans les rivières.

Néanmoins, pour pouvoir muer, les orques « vont effectuer des déplacements rapides en zones tropicales, dans des eaux plus chaudes, où elles vont pouvoir activer leur circulation sanguine périphérique sans que cela n’induise des pertes d’énergie trop importantes. » En effet, c’est le sang qui amène les éléments constitutifs de l’épiderme, notamment les protéines. En réduisant le flux sanguin en périphérie et spécifiquement dans la zone de l’épiderme, « les cellules épidermiques ne peuvent pas assurer le renouvellement de cet épiderme. Tout est ralenti et ça provoque un délitement de l’épiderme et un problème de cicatrisation. »

Le contact avec l’eau chaude permet de « desquamer la partie externe de l’épiderme, celle qui est au contact de l’eau ». Cela entraîne la perte de la couleur orangée pour deux raisons principales. D’abord, « les diatomées vont mourir dans des eaux plus chaudes » et ensuite, « vont se détacher avec l’épiderme qui leur sert de support. »

Ces déplacements, qui durent souvent quelques semaines, se font « indépendamment des migrations de leurs proies », assure l’expert. La mue reste donc l’objectif premier. 

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