Le plus gros dinosaure prédateur découvert en Europe était une « grosse brute »
Ce dinosaure mesurant près de 10 mètres de haut utilisait de la force pure pour attaquer ses proies.
Selon une étude récente, une espèce de dinosaure qui vient d’être découverte au Portugal était colossale et méchante.
Torvosaurus gurneyi, probablement le plus gros dinosaure prédateur à avoir été retrouvé en Europe, est un carnivore particulièrement puissant qui se servait de ses dents, des lames de dix centimètres de long, et de ses avant-bras aux griffes acérées pour tailler ses victimes en pièces.
La bête de dix mètres de long parcourait la péninsule ibérique, qui comprend aujourd’hui l’Espagne, le Portugal, Andorre et une partie du sud de la France, il y a environ 150 millions d’années vers la fin de la période Jurassique.
Christophe Hendrickx, doctorant à la Nouvelle université de Lisbonne, a découvert le géant alors qu’il étudiait des os qu’il croyait appartenir à Torvosaurus tanneri, une espèce proche qui vivait dans les montagnes Rocheuses en Amérique du Nord à peu près à la même époque. Les dinosaures auraient potentiellement pu migrer d’un continent à l’autre alors qu’ils étaient encore reliés sur le supercontinent appelé la Pangée.
En les examinant de plus près, Hendrickx se rendit compte que les os, récupérés parmi les nombreux fossiles de la formation de Lourinhã dans l’ouest du Portugal, n’étaient pas ceux de T. tanneri.
Premièrement, la mâchoire supérieure comptait moins de dents. Les os et les vertèbres de la queue étaient différents. Tout cela laissait penser qu’Hendrickx et son superviseur Octávio Mateus avaient découvert une nouvelle espèce.
« J’ai eu beaucoup de chance, » reconnaît Hendrickx. « C’est un rêve qui se réalise. »
Le T. Rex de son époque
T. gurneyi, du nom de l’illustrateur spécialiste en paléontologie James Gurney, pesait 4 à 5 tonnes et appartenait au groupe de grands carnivores à deux pattes appelés les mégalosaures. On ne sait pas grand-chose des mégalosaures, en partie parce que les grands prédateurs sont souvent plus rares que leurs proies. Il y a donc moins de restes fossiles à étudier, remarque le paléontologue Matt Lamanna, du muséum d’histoire naturelle Carnegie de Pittsburgh aux États-Unis.
Ce que les paléontologues savent en revanche, c’est que les mégalosaures ressemblaient au Tyrannosaure rex, et que comme ce dernier, ils étaient probablement recouverts d’un léger duvet précurseur des plumes, explique Hendrickx, directeur de l’étude.
T. gurneyi avait beau être plus petit que le T. rex, il avait toutefois des avant-bras très musclés équipés de remarquables griffes, des jambes épaisses et un crâne allongé, ce qui lui permettait de faire beaucoup de dégâts en mordant.
En effet, pour reprendre l’expression de Thomas R. Holtz Jr., paléontologue spécialiste des vertébrés à l’Université du Maryland, T. gurneyi était une « grosse brute » qui utilisait la force pure plutôt que la vitesse ou la surprise pour attaquer ses victimes.
Contrairement au T. rex, qui aurait attrapé puis broyé sa proie à l’aide de sa mâchoire, T. gurneyi aurait quant à lui « probablement arraché un morceau de sa proie, puis attendu tranquillement qu’elle meure, » explique Lamanna.
Les deux experts ont exprimé des doutes concernant l’affirmation faite par les auteurs de l’étude selon qui T. gurneyi serait le plus gros dinosaure carnivore d’Europe.
« C’est possible, » dit Lamanna, ajoutant que d’autres dinosaures prédateurs connus en Europe auraient pu faire la même taille.
Holtz a ajouté par email : « C’est le plus grand prédateurs terrestre CONNU en Europe. Il est toujours important de garder cette nuance. »
Serengeti jurassique
Pourquoi était-il si énorme ?
Hendrickx, directeur de l’étude, soupçonne que la taille du dinosaure a un rapport avec le nombre d’herbivores, dont les stégosaures et les sauropodes au long-cou, qui vivaient aux côtés de T. gurneyi.
Avec toutes ces proies disponibles, il y aurait eu suffisamment à manger pour supporter l’existence de plusieurs espèces colossales de carnivores. Chacune aurait trouvé sa propre niche dans l’environnement, continue Hendrickx, dont l’étude a été publiée le 5 mars dans la revue PLOS ONE.
Holtz compare l’écosystème de la fin du Jurassique avec celui du Serengeti de nos jours. On trouvait alors « un certain nombre d’espèces carnivores de grande taille, de taille moyenne et de petite taille vivant côte-à-côte, à l’instar du Serengeti, où des lions, des hyènes tachetées, des panthères, des chiens de casse, des chacals, etc., etc., vivent ensemble. »
Après sa toute première découverte, Hendrickx se dit prêt à continuer d’étudier d’autres fossiles du Portugal pour découvrir encore de nouvelles espèces.
Comme il le dit avec l’air malicieux : « Il ne me reste plus qu’à convaincre mon superviseur. »