Découverte d’une nurserie de pieuvres au large du Costa Rica

Il s’agit de la quatrième nurserie de pieuvres en haute mer connue au monde. Elle pourrait également abriter de nouvelles espèces de ces fascinantes créatures.

De Jessica Taylor Price
Publication 11 juil. 2023, 16:09 CEST
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L’expédition a permis la découverte d’un nombre important de pieuvres femelles couvant leurs œufs à proximité de sources hydrothermales.

PHOTOGRAPHIE DE Schmidt Ocean Institute

Depuis leur bateau situé au large de la côte ouest du Costa Rica, les membres de l’expédition Octopus Odyssey sont agglutinés derrière des écrans de télévision. Ils regardent en temps réel les images transmises par leur véhicule sous-marin télécommandé, qui patrouille les fonds marins.

Soudain, quelqu’un s’écrie : « C’est un bébé, c’est un bébé ! ».

Le minuscule nouveau-né, au corps rosâtre translucide, déploie ses huit tentacules avant de se propulser vers le haut.

« C’était un moment magique », confie Beth Orcutt, qui a mené le projet de recherche sur le site de l’affleurement Dorado, situé dans l’océan Pacifique, en juin avec Jorge Cortes de l’université du Costa Rica. « La salle de contrôle de la mission était bondée et bruyante ».

L’excitation était à son comble dans la salle de contrôle lorsque l’équipe de recherche a vu la première pieuvre de l’expédition de juin dernier.

PHOTOGRAPHIE DE Schmidt Ocean Institute

Et il y avait matière à célébration. L’équipe de 18 personnes venait de découvrir la quatrième nurserie de pieuvres en haute mer au monde, ainsi que (probablement) de nouvelles espèces. Les trois autres nurseries se trouvent au large du Canada, de la Californie et du Costa Rica (à seulement 30 miles nautiques de l’affleurement Dorado). 

« La découverte d’une nurserie est un évènement important pour la localisation, dans les eaux du Costa Rica, de lieux uniques en termes de biodiversité qui pourraient être dignes d’attention », explique Beth Orcutt, chercheuse scientifique principale au laboratoire Bigelow d’océanographie dans le Maine, aux États-Unis.

 

DES ENVIRONNEMENTS RARES

La plupart des pieuvres sont des créatures solitaires qui fixent leurs œufs à des surfaces dures, avant de couver les embryons en développement et de les protéger des prédateurs. Les femelles projettent régulièrement de l’eau sur les œufs pour les oxygéner et éviter le développement d’algues ou de champignons, raconte Jennifer Mather, spécialiste des pieuvres à l’université de Lethbridge, au Canada, qui n’a pas pris part à l’expédition.

Après l’éclosion, les juvéniles quittent leur mère (qui finit généralement par mourir) pour commencer une nouvelle vie.

Mais la situation est bien différente sur le site de l’affleurement Dorado, une zone rocheuse située à plus de 3 000 mètres de profondeur. Le véhicule sous-marin télécommandé a filmé, rassemblées au même endroit, de nombreuses pieuvres en train de couver, soit bien plus qu’en 2013, date de la dernière visite de Beth Orcutt.

« Nous avons tout de suite vu lors de notre première plongée qu’il y avait plus de pieuvres à cet endroit. Cela nous a vraiment emballés, raconte-t-elle. C’est comme si la population avait explosé ».

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    Ces rassemblements pourraient s’expliquer par la présence de surfaces dures, dont ont besoin les pieuvres pour pondre leurs œufs, lesquelles sont rares sur les fonds océaniques, majoritairement recouverts d’une boue spongieuse et meuble.

    « Ce ne sont des nurseries que par hasard », confie Jennifer Mather. « Cela ne me surprend pas que quatre de ces zones aient été découvertes, les espaces rocheux devant être très rares dans les profondeurs », ajoute-t-elle.

     

    DE NOUVELLES ESPÈCES DÉCOUVERTES ?

    L’affleurement Dorado se caractérise par une multitude de sources hydrothermales crachant de l’eau chaude, ce qui attire vraisemblablement les pieuvres femelles. D’après Beth Orcutt, cette eau plus chaude serait bénéfique aux œufs, et aiderait aussi les femelles à couver plus rapidement.

    La capacité des pieuvres à vivre dans un environnement à haute pression, froid et sombre, et à partager l’espace avec des congénères, est impressionnante, estime-t-elle. 

    Cette pieuvre non identifiée, qui appartiendrait à une nouvelle espèce, a été aperçue à environ 3 000 mètres de profondeur.

    PHOTOGRAPHIE DE Schmidt Ocean Institute

    L’équipe a probablement observé trois espèces différentes de pieuvres au cours de l’expédition de 19 jours, dont l’une serait un nouveau membre du genre Muusoctopus. Des analyses plus approfondies, y compris la capture d’un individu en vue de réaliser un test ADN, seront nécessaires pour le confirmer, explique Beth Orcutt.

    Jennifer Mather ne serait pas surprise que cette pieuvre appartienne à une nouvelle espèce, étant donné le peu de choses que nous savons à leur sujet.

    « Plus de 99 % des mammifères ont été découverts et nommés, mais chez les mollusques, y compris les céphalopodes, ce chiffre se situe aux alentours de 50 % », précise-t-elle.

     

    UN MONDE MÉCONNU

    L’équipe n’a pas uniquement découvert une nouvelle nurserie.

    Les membres de l’expédition Octopus Odyssey ont également visité cinq monts sous-marins inexplorés, des montagnes sous-marines qui abritent également des sources hydrothermales.

    « Tous semblent abriter une espèce dominante différente », explique Beth Orcutt. L’un était peuplé de concombres de mer, tandis qu’un autre était couvert de coraux noirs. L’équipe a également observé des embryons de raies, une espèce de poisson apparentée aux requins, non loin de sources hydrothermales.

    Il reste encore beaucoup à découvrir. D’après la chercheuse, sur les 30 % de fonds marins cartographiés, seul 1 % a été étudié.

    « Il y a encore beaucoup de choses que nous n’avons pas vues, que nous ignorons en termes de biodiversité. D’autres expéditions seront nécessaires », conclut-elle.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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