Rare : un pod d'orques a été filmé en train d'attaquer un cachalot nain

Des observateurs de baleines à Madère ont capturé un moment rare : des orques ont terrassé un mammifère marin. Ce comportement prédateur n’avait jamais été documenté dans la région.

De Melissa Hobson
Publication 4 déc. 2025, 14:11 CET
Un cachalot nain a été attaqué par un groupe d’orques au large de Madère. Les orques ...

Un cachalot nain a été attaqué par un groupe d’orques au large de Madère. Les orques qui s’attaquent à des mammifères marins sont rarement observées dans la région.

PHOTOGRAPHIE DE Camila Dávila Pardo, Blue Safari Madeira

Alors que leur bateau d’observation s’approchait lentement, des passagers ont vu quelque chose d’étrange dans l’eau : un nuage de 24 mètres de liquide rouge-brun. Quelques minutes plus tard, une orque a projeté un petit cétacé dans les airs. Un liquide rouge sombre jaillissait de son corps. Une des trois orques a forcé le cétacé à revenir sous l’eau, maintenant l’animal qui se débattait sous la surface.

L’une des orques s’est ensuite approchée du bateau avec sa proie dans la gueule, « et là je la vois nous regarder comme pour dire : eh, regardez ce que j’ai ? » raconte Camila Alejandra Dávila Pardo, biologiste marine chez Blue Safari Madeira, un groupe proposant des sorties d’observation de baleines et de dauphins. « Je n’ai pas pensé une seule seconde que ce serait un mammifère. »

Ce que Dávila Pardo ne savait pas à ce moment-là, c’est qu’elle venait peut-être de documenter le premier cas connu d’orques chassant un mammifère marin à Madère, un territoire insulaire portugais dans le nord-est de l’océan Atlantique. Dávila Pardo a récemment publié son récit de l’attaque dans la revue Marine Mammal Science, où elle et ses coauteurs ont souligné qu’ils n’avaient trouvé aucun autre exemple d’un tel comportement dans la région. Toutefois, il s’agit du quatrième cas d’orques observées chassant des cachalots nains, précise Dávila Pardo.

À Madère, un groupe d'orques attaque un cachalot nain

Cette observation remarquable est plus qu’un spectacle rare. Elle offre aux scientifiques un nouvel exemple du comportement prédateur complexe des orques et soulève quelques inquiétudes sur la propension de ces animaux à attaquer des mammifères marins menacés dans la région.

 

UNE AUTO-DÉFENSE SINGULIÈRE

« Lorsque j’ai vu la photo pour la première fois, je me suis dit qu'il y avait beaucoup de sang. C’était très sombre », se souvient Renaud de Stephanis, biologiste marin à l’organisation de conservation des cétacés CIRCE, qui n’a pas participé à la récente étude.

Mais ce n’était pas du sang. Lorsque les cachalots nains se sentent menacés, ils libèrent pour se défendre un liquide intestinal rougeâtre. Comme l’encre d’un calmar, cette substance obscurcit l'environnement immédiat, lui donnant une chance de s’échapper.

« Mais cela n’a clairement pas fonctionné sur les orques », dit Dávila Pardo. Avec l’écholocation sophistiquée de l’orque, « c’est comme si un sous-marin militaire vous traquait ».

Les cachalots nains sont des animaux plongeant en profondeur qui vivent loin des côtes, et sont donc rarement vus par les humains.

Ils « préfèrent généralement les habitats au large, dans des eaux profondes de 400 mètres (1 300 pieds) ou plus », souligne Rob Lott, coordinateur de campagne à Whale and Dolphin Conservation. « Ces orques, en tant que grandes prédatrices, ont développé une stratégie de recherche alimentaire coordonnée qui peut cibler efficacement cette espèce des grands fonds. »

Les épaulards ne sont observés autour de Madère que quelques fois par an, et l’on sait peu de choses sur la population locale. Bien que des orques aient été observées en train de chasser des baleines et des dauphins dans les Açores et les îles Canaries voisines, la vidéo d’un événement aussi rare à Madère a tout de même surpris les scientifiques.

Ni Rob Lott ni Renaud de Stephanis ne connaissent d’anciens cas documentés d’orques chassant des cachalots nains à Madère. »

 

COMPRENDRE CE MYSTÉRIEUX PRÉDATEUR

Lorsque Dávila Pardo avait repéré les trois individus plus tôt dans la journée, elle avait pensé qu'ils pouvaient se mettre en chasse. « Il n’y a pas de raison pour que ces animaux restent aussi longtemps », disait-elle aux passagers à bord du bateau.

D’autres indices ont vite commencé à apparaître.

Dávila Pardo n’avait jamais entendu parler d’interactions entre globicéphales et baleines à bec, mais elle avait aussi vu les deux espèces ensemble plus tôt ce même jour.

Il existe plusieurs types distincts d’orques, appelés écotypes, qui ont des apparences, des comportements et des proies différents. Beaucoup se nourrissent de poisson ; les orques offshore ont été observées en train de chasser des requins, et les orques du nord-ouest du Pacifique sont surtout connues pour chasser et manger des mammifères comme les phoques.

Que la population d'orques de Madère se nourrisse également de mammifères est « une découverte tout simplement fascinante », estime Renaud de Stephanis. Il avait entendu des théories selon lesquelles les orques de la région pourraient se nourrir de mammifères marins, mais cette confirmation, et le fait qu’elles attaquent des espèces des fonds marins, était particulièrement surprenant.

Rob Lott a été surpris que les trois individus observés ne figurent pas dans les bases de données d’identification par photo du musée de la Baleine de Madère et du programme de science citoyenne Happywhale, ce qui pourrait suggérer qu’il s’agit d’un groupe qui n'est que de passage. « Ajouter ces "orques mystérieuses" à la littérature scientifique contribuera à une compréhension à plus grande échelle des déplacements des orques », estime-t-il.

Si les orques de Madère chassent des mammifères, cela pourrait aussi annoncer des problèmes pour les phoques moines de l’île, en danger critique d’extinction, dont il reste moins de trente individus adultes. « Sommes-nous en train d'observer quelque chose qui pourrait éventuellement poser un problème pour cette population ? » se demande Dávila Pardo.

Pour répondre à cette question et aux autres questions en suspens, elle indique qu’elle et d’autres experts locaux ont besoin de davantage d’observations de ce comportement. En partageant son article, elle souhaite faire passer le message suivant « Les avez-vous vus dans les environs ? Nous avons besoin d’aide. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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