Ces tortues sont en danger... parce qu’elles sont censées porter bonheur

Bien que la vente de tortues étoilées d’Inde soit interdite, on continue d’en expédier dans toute l’Asie.

De Dina Fine Maron
Publication 25 oct. 2023, 18:35 CEST
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Les tortues étoilées d’Inde telles que celle-ci, photographiée dans le nord de l’Inde, sont des animaux domestiques populaires dans toute l’Asie. La demande est en partie stimulée par la croyance selon laquelle cet animal porterait chance.

PHOTOGRAPHIE DE Aishwarya Sridhar

Par une après-midi étouffante de mai, Aishwarya Sridhar attendait en sueur l’arrivée d’un trafiquant de tortues sur le bord d’une route isolée de Bangkok.

Bientôt, un homme vêtu d’un t-shirt gris, d’un short noir et d’un masque s’est approché et s’est présenté sous le nom de « M. X ». Il disait ne pas vouloir utiliser son vrai nom. Mais il était prêt à faire affaires. Lui et son fournisseur indien pouvait fournir presque immédiatement à Aishwarya Sridhar 600 tortues étoilées d’Inde (Geochelone elegans) capturées dans la nature, et encore davantage à l’avenir.

La demande pour ces animaux des forêts, connus pour les étoiles jaunes frappantes qui ornent leur carapace, s’étend à travers toute l’Asie, et même au-delà, bien qu’il soit illégal d’en faire commerce à l’international depuis 2019. Ces tortues sont également protégées partout où on les trouve dans la nature : en Inde, au Sri Lanka et au Pakistan.

Pourtant, selon Aishwarya Sridhar, le commerce de cette espèce exotique s’est poursuivi et a peut-être même augmenté ces dernières années. Pour éviter de se faire prendre, a expliqué Mr. X, il serait préférable que les animaux soit acheminés jusqu’au Myanmar par la route.

Les tortues étoilées d’Inde sont protégées partout où on les trouve dans la nature. Elles vivent dans les brousses semi-arides et dans les forêts sèches décidues d’Inde (en photo ici), mais également au Sri Lanka et au Pakistan.

PHOTOGRAPHIE DE Aishwarya Sridhar

Par une après-midi étouffante de mai, Aishwarya Sridhar attendait en sueur l’arrivée d’un trafiquant de tortues sur le bord d’une route isolée de Bangkok.

Bientôt, un homme vêtu d’un t-shirt gris, d’un short noir et d’un masque s’est approché et s’est présenté sous le nom de « M. X ». Il disait ne pas vouloir utiliser son vrai nom. Mais il était prêt à faire affaires. Lui et son fournisseur indien pouvait fournir presque immédiatement à Aishwarya Sridhar 600 tortues étoilées d’Inde (Geochelone elegans) capturées dans la nature, et encore davantage à l’avenir.

La demande pour ces animaux des forêts, connus pour les étoiles jaunes frappantes qui ornent leur carapace, s’étend à travers toute l’Asie, et même au-delà, bien qu’il soit illégal d’en faire commerce à l’international depuis 2019. Ces tortues sont également protégées partout où on les trouve dans la nature : en Inde, au Sri Lanka et au Pakistan.

Pourtant, selon Aishwarya Sridhar, le commerce de cette espèce exotique s’est poursuivi et a peut-être même augmenté ces dernières années. Pour éviter de se faire prendre, a expliqué Mr. X, il serait préférable que les animaux soit acheminés jusqu’au Myanmar par la route.

 

UNE CIBLE DE CHOIX

Selon des textes hindous, Vishnou a un jour pris la forme d’une tortue du nom de Kûrma, et Kûrma a joué un rôle crucial en aidant dieux et démons à obtenir le nectar d’immortalité. Selon Neil D’Cruze, qui a étudié l’espèce en tant que directeur des recherches sur la faune chez World Animal Protection, une association internationale œuvrant pour le bien-être animal, cela nourrit l’idée suivant laquelle tortues marines et terrestres apportent chance et prospérité.

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    Les tortues étoilées d’Inde à la carapace plus jaune peuvent atteindre des prix plus élevés. Les acheteurs d’un magasin de Bangkok, adjacent à un entrepôt, examinent une collection de ces animaux en vue d’un achat.

    PHOTOGRAPHIE DE Aishwarya Sridhar

    Selon Aishwarya Sridhar, bien que le commerce de tortues étoilées d’Inde ait servi de couverture au commerce d’espèces encore plus menacées, elles sont désormais elles-mêmes la cible de choix pour de nombreux acheteurs.

    Il est difficile d’établir le nombre exact de ventes, mais il est clair que la demande en animaux de compagnie menace l’avenir de cette espèce, car des milliers sont probablement prélevées dans la nature chaque année. Selon le Times of India, sur la seule année dernière, près de 4 000 spécimens ont été saisis à l’aéroport de Madras, dans l’État du Tamil Nadu, dans le sud de l’Inde.

    L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a réinscrit l’animal dans sa liste des espèces « vulnérables » en 2018 (un cran seulement au-dessus du statut « menacé ») et sa collecte pour le commerce d’espèces exotiques a été classée comme une menace de premier ordre. Le nombre de spécimens restants dans la nature est actuellement inconnu.

    Une tortue étoilée d’Inde rampe sur une table tandis que son propriétaire regarde la télévision en arrière-plan.

    PHOTOGRAPHIE DE Aishwarya Sridhar and Kenneth Lawrence

    Selon Chris Shepherd, directeur exécutif de Monitor, organisation à but non lucratif de Colombie-Britannique engagée dans la lutte contre le trafic d’espèces, les tortues étoilées d’Inde mettent du temps à arriver à maturité et à se reproduire et sont donc incapables de compenser efficacement leurs pertes. « Je pense que ce commerce décime l’espèce en continu, et davantage devrait être fait pour surveiller les prix, les itinéraires et les quantités, déclare-t-il. Mais au bout du compte, il n’y a que deux choses que l’on puisse faire réellement : les consommateurs doivent arrêter d’acheter ces choses, et les agences de maintien de l’ordre placées à des endroits cruciaux sur cette route commerciale doivent faire leur travail. » 

    D’après Chris Shepherd, il est possible de faire se reproduire cette espèce en captivité, et les propriétaires d’animaux aux États-Unis et au Canada peuvent acquérir plus facilement des tortues étoilées d’Inde élevées en captivité que des spécimens sauvages de l’espèce. Mais en Asie, il reste moins cher et plus facile de se procurer des tortues étoilées d’Inde prélevées dans leur habitat naturel.

     

    LES DÉTAILS D’UN COMMERCE MORTIFÈRE

    Selon Neil D’Cruze, l’Inde demeure le principal fournisseur de l’espèce. L’aéroport de Madras est selon lui probablement la principale plaque tournante pour le trafic de ces tortues, mais le Sri Lanka est également devenu un fournisseur et un point de transit important pour les réseaux de trafiquants, ce qui facilite le mouvement de ces animaux vers l’Asie de l’Est et du Sud-Est.

    Par la suite, le nombre de tortues décline à certains endroits de leur aire de répartition. En 2015, une étude réalisée par Neil D’Cruz et ses collègues a montré qu’au moins 55 000 spécimens de l’espèce, jeunes pour la plupart, avait été capturés en un seul et même endroit de l’État indien de l’Andhra Pradesh en l’espace d’une année seulement.

    En août 2023, l’Office des forêts du Tamil Nadu a réhabilité et relâché avec succès dans la nature 1 500 tortues étoilées d’Inde victimes de trafics. Parmi elles se trouvaient 369 tortues saisies en juin 2023. Ici, un fonctionnaire du service forestier observe un vétérinaire préparer l’un des animaux en vue de sa remise en liberté.

    PHOTOGRAPHIE DE Aishwarya Sridhar

    La Thaïlande, où ces tortues sont particulièrement populaires, est une des destinations principales de l’espèce. En juin 2023, des douaniers du Tamil Nadu ont d’ailleurs saisi 369 tortues étoilées d’Inde en transit vers Bangkok.

    « Cette espèce de tortues continue d’être considérée comme l’une des plus saisies dans le monde, indique Neil D’Cruze. Il est important de noter qu’indépendamment du fait qu’il y ait mille ou cent animaux dans une cargaison, ce commerce inflige à chaque tortue concernée un acte particulièrement cruel. » D’après lui, ces tortues sont souvent emballées dans du tissu ou scotchées et entassées dans des valises et subissent des voyages stressants caractérisés par la promiscuité et qui peuvent durer plusieurs jours. Les tortues subissent également des traumatismes lors de leur capture et du transit, notamment des fractures de la carapace et des lésions dues à des perforations.

    Selon Chris Shepherd, les spécimens saisis sont rarement réintroduits dans la nature, et bon nombre d’entre eux meurent en transit. Neil D’Cruze et Chris Shepherd affirment tous deux que pour aider l’espèce, les pays de destination comme la Thaïlande, la Malaisie et l’Indonésie devraient promulguer de nouvelles lois pour mieux les protéger et prévenir l’exploitation des failles légales qui sapent les tentatives de conservation de cette espèce.

     

    UNE CHANCE DE TORTUE

    Selon Neil D’Cruze, les croyances suivant lesquelles ces tortues porteraient chance sont répandues et font qu’elles sont chéries dans les familles qui les accueillent.

    Une femme qu’il a rencontrée à Ahmedabad, ville de l’ouest indien, lui a dit qu’elle attribuait à une tortue qu’elle possédait le fait d’avoir aidé son fils à trouver un emploi, d’avoir permis à sa fille à conclure un mariage intéressant, et même d’avoir contribué à la guérison de sa chèvre malade après son arrivée au sein du foyer. « Son récit soulignait la profondeur de la croyance dans le pouvoir de la créature d’apporter chance et bénédiction à son propriétaire », se souvient-il.

    Une tortue étoilée d’Inde photographiée au centre de réhabilitation de Madras, seul du genre en Inde. Il a été créé par l’Office des forêts du Kerala en 2016 et a déjà réhabilité et remis en liberté 450 tortues étoilées d’Inde confisquées à des braconniers.

    PHOTOGRAPHIE DE Aishwarya Sridhar

    « Elle était totalement inconsciente que le fait de posséder une tortue étoilée d’Inde est illégal. »

    Ainsi que le rappelle Neil D’Cruze, en dépit des croyances concernant les bienfaits d’avoir une tortue chez soi, ces animaux vivent rarement une bonne vie en captivité. « La plupart de ces animaux, à moins qu’on les garde dans de grandes cours ou dans des fermes où elles peuvent se nourrir par elles-mêmes, ont souvent tendance à présenter une carapace déformée », explique-t-il. Ces difformités sont généralement le symptôme d’une mauvaise alimentation, d’un manque d’exercice, de déshydratation ou sont le fruit d’autres états de stress.

    « J’ai vu des tortues étoilées dans la nature quand j’étais enfant, se souvient Aishwarya Sridhar. Mais durant le confinement du Covid, je surfais sur Internet, et je suis tombée sur une vidéo d’une tortue étoilée dans la maison d’une personne, et puis j’ai vu pas mal de vidéos de personnes qui les gardaient comme animaux de compagnie, et ça m’a fait me demander pourquoi cet animal sauvage se trouvait chez des gens. » Cette question l’a poussée à enquêter sur le commerce de ces animaux et sur les menaces qui pèse sur leur avenir.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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