Un jour sans fin : les marmottes peuvent-elles vraiment prédire l’arrivée du printemps ?

Des chercheurs se sont penchés sur le pouvoir divinatoire supposé des marmottes : au risque de vous décevoir, leur "don" repose beaucoup sur le hasard.

De Kieran Mulvaney
Publication 11 févr. 2022, 16:39 CET
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AJ Dereume tient Punxsutawney Phil, une marmotte, lors de la 134e célébration du jour de la marmotte, le 2 février 2020 à Punxsutawney en Pennsylvanie.

PHOTOGRAPHIE DE Jeff Swensen, Getty Images

Le concept du jour de la marmotte est aussi simple qu’insolite. Aux États-Unis et au Canada, chaque 2 février, à savoir la date à mi-chemin entre le solstice d’hiver et l’équinoxe de printemps, une marmotte aux yeux encore bouffis est extirpée de son terrier pour être présentée à la lumière du jour. Si la personne qui la tient proclame que le rongeur voit son ombre, alors il est déclaré que l’hiver se terminera dans six semaines. S’il ne la voit pas, alors le printemps arrivera plus tôt que prévu. Du moins, c’est ce que dit la tradition. Par ailleurs, cette année, il a été déterminé que Punxsutawney Phil avait vu son ombre

Chaque année, l’excitation est à son comble à l’approche de la date. Parfois, on l’accueille avec une rediffusion du film Un Jour sans fin qui a rendu ce jour célèbre dans le monde entier. Pour autant, les « proclamations » des marmottes sont reportées avec un certain degré de sérieux. La divination de la marmotte ne peut pour autant remplacer la météorologie à long terme, bien que certains pourraient ironiquement affirmer le contraire.

Afin de vérifier si les marmottes pouvaient deviner la météo, une équipe de chercheurs de la Lakehead University au Canada a décidé de se pencher sur les preuves avancées avec un regard objectif. Alex Ross, l’auteur principal de l’étude, admet qu’il s’agissait d’une idée née au bar du campus. « Nous avions souvent des conversations [à ce sujet] après de nombreuses bières », confesse-t-il à National Geographic. L’ennui imposé par la pandémie les a également poussés à se lancer dans cette étude. Les résultats, publiés dans la revue Weather, Climate, and Society, sont tout de même issus de l’analyse statistique la plus complète jamais publiée sur les capacités de prédiction météorologique des marmottes.

En revanche, aussi surprenant que cela puisse paraître, ce n’était pas la première. Les auteurs affirment que les précédentes initiatives se concentraient sur la plus ancienne et la plus connue des marmottes prévisionnistes, Punxsutawney Phil. Elles excluaient donc plusieurs douzaines de ses acolytes et imitateurs. En outre, les signes avant-coureurs du printemps sélectionnés pour évaluer les capacités de prédiction de Phil, par exemple les modifications des niveaux de chute de neige, sont certes, en adéquation avec son environnement en Pennsylvanie, mais ne sont pas pertinents pour une analyse générale.

Ainsi, M. Ross et ses collègues ont choisi le moment de pleine floraison de la Claytonie de Caroline (Claytonia caroliniana). Cette plante fleurit brièvement et tôt au printemps sur une aire géographique similaire à celle de répartition des marmottes. Ils ont procédé à une estimation de sa date de floraison chaque année à l’emplacement de chaque rongeur pronostiqueur qu’ils ont inclus à leur étude. Ils l’ont ensuite comparée à la prédiction des marmottes.

Les auteurs ont identifié un nombre potentiel de quarante-cinq marmottes pour leur analyse. Toutes n’ont pas pu faire partie de leur étude. Celles qui étaient mortes et empaillées n’ont pas été retenues. Les marionnettes ont été éliminées d’office. Pour finir, la prédiction devait inclure l’observation explicite d’une ombre, et non des murmures secrets proclamés à l’oreille de l’humain qui tenait la marmotte.

Il restait donc trente-trois marmottes au sein de quatre provinces canadiennes et seize États des États-Unis. Après avoir comparé les prédictions aux floraisons de la Claytonie de Caroline, l’équipe a pu conclure que le taux d’exactitude des marmottes s’élevait à 50 %, soit l’équivalent d’un lancé à pile ou face, à l’exception qu’ici, la pièce est quelque peu duveteuse.

 

UNE FIABILITÉ INÉGALE

Les pouvoirs de prédiction des marmottes ne sont pas tous égaux. Les prévisions de Punxsutawney Phil étaient correctes cinquante-deux fois sur cent. Trois autres mascottes, Essex Ed et Chuckles du Connecticut, et Stonewall Jackson du New Jersey, visaient juste plus de 70 % du temps. A contrario, le taux de réussite de Buckeye Chuck et Holland Huckleberry de l’Ohio, ainsi que Dunkirk Dave de New York, ne dépassait pas les 30 %.

Punxsutawney Phil et Wiarton Willie de l’Ontario étaient les seules deux marmottes à avoir plus de cinquante ans de prédiction à leur actif. Parmi les petits nouveaux, Winnipeg Willow a sûrement été le plus mauvais élève. Il n’a fait que quatre prévisions, dont trois fausses. Il a prédit un printemps tardif une année où il est finalement arrivé trente-huit jours plus tôt que la moyenne. « Même si certaines marmottes peuvent parfois prédire le démarrage du printemps mieux que d’autres, le groupe évalué ne semble détenir aucun prophète avéré », écrivent les auteurs.

« Chuckles réussit, lui ! », s’exclame Patricia Buxton du Lutz Children’s Museum dans le Connecticut. Le musée abrite l’une des marmottes prévisionnistes les plus douées. Malheureusement, le dernier Chuckles est mort en 2020. Son rôle a temporairement été assuré par le hérisson résident du musée, Phoebe. Le nouveau Chuckles, Chuckles XI, a formellement été nommé marmotte officielle du Connecticut tout de suite après avoir effectué sa prédiction d’inauguration cette année.

« Il [a posé] sa patte sur l’Almanach des fermiers pendant que le juge Leo Diana lui [a prêté] serment pour son rôle officiel », explique-t-elle. « Il a de nombreux prédécesseurs et de lourdes tâches à relever mais il est tout à fait à la hauteur de son titre de pronostiqueur. »

Pour être honnêtes, les auteurs de l’étude reconnaissent que les marmottes auraient peut-être plus de chances de réussir si elles n’étaient pas extirpées de leur sommeil hivernal pour faire des prédictions. La plupart d’entre elles ne sortent pas de leur terrier avant le mois de mars, au plus tôt. Peut-être que leurs performances seraient meilleures si elles pouvaient faire leurs pronostics après un hiver complet au repos.

Par ailleurs, dans un monde qui se réchauffe, le premier jour du printemps n’est pas figé. À cet égard, il est impressionnant de constater que Punxsutawney Phil s'est apparemment tenu informé de la littérature scientifique, puisque ses prédictions se penchent de plus en plus souvent vers un printemps précoce.

M. Ross confie à National Geographic qu’il a été « merveilleux » de pouvoir s’écarter des études plus sérieuses le temps d’un instant et de rédiger un article aussi ludique, en particulier dans une période où le monde avait besoin de bonnes nouvelles.

Hélas, la conclusion des auteurs est sans équivoque : les capacités prédictives des marmottes concernant l’arrivée du printemps ne valent pas plus que le hasard, « sans l’ombre d’un doute », ont-ils conclu.

 

LE SAVIEZ-VOUS ?

Selon une récente étude, À Wall Street, les rendements de la bourse américaine sont 2,78 % plus élevés après la prédiction d’un printemps précoce que celle d’un hiver long. Les auteurs estiment que cette découverte provient du fait que « les investisseurs américains affichent encore un optimisme irrationnel majeur autour des pronostics de printemps précoce proclamés le jour de la marmotte ».

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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