Vers une interdiction des fermes d’élevage de tigres ?

Les fermes d’élevage de tigres alimentent le marché noir en peaux, en os et autres parties de l’animal.

De Rachael Bale
Photographies de Mikes Ives
Dans une ferme au Vietnam, un tigre est assis dans une cage. Des études suggèrent que ...
Dans une ferme au Vietnam, un tigre est assis dans une cage. Des études suggèrent que ces établissements alimentent le marché illégal de parties de l’animal.
PHOTOGRAPHIE DE Mike Ives, Associated Press

Lors d’une conférence internationale sur le commerce des espèces sauvages, la Chine et d’autres pays asiatiques ont dû faire face à des pressions les contraignant à mettre un terme à ces agissements.

La Chine est mise sous pression : elle autorise l’élevage et la vente intensive de produits dérivés du tigre, violant ainsi une décision internationale. Le pays compte entre 5 000 et 6 000 tigres vivant dans des « fermes » qui élèvent les animaux à des fins de divertissement touristique, mais aussi pour l’industrie du luxe et pharmaceutique après leur abattage. La Thaïlande, le Vietnam et le Laos, sont également soupçonnés d’alimenter un réseau clandestin mondial de produits illégaux issus d’animaux sauvages. « Le commerce des parties et des produits dérivés des tigres élevés en captivité perpétue la désidérabilité des produits issus des tigres, favorisant à leur tour le braconnage des tigres sauvages, » explique Debbie Banks, de l’Agence d’Investigation Environnementale, une ONG basée à Londres.

 

LES GRANDS FÉLINS ASIATIQUES MENACÉS

La question du sort réservé à ces animaux d’élevage a été soulevée à Johannesburg, en Afrique du Sud, lors de la 17e Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) qui encadre le commerce international des espèces sauvages. L’un des objectifs de cette assemblée, réunissant 182 pays, était de trouver un consensus sur la façon de réprimer le commerce des grands félins asiatiques, comme les tigres, les panthères nébuleuses et les léopards des neiges.

Le premier jour de la convention, les défenseurs de l’environnement ont salué l’initiative du Laos qui annonçait être « à la recherche de moyens de supprimer progressivement les fermes d’élevage de tigres. » 

Une nouvelle proposition, approuvée lors de la convention, exige que les pays possédant des grands félins asiatiques élevés en captivité rendent compte au Secrétariat de la CITES des mesures de surveillance du commerce illicite. Objectif : orienter le Secrétariat dans sa décision d’inspecter certaines installations. En cas d’inspections, celui-ci émet un rapport qui peut conduire certains pays à prendre des mesures pour mettre en conformité les installations qui posent problème.

 

LES SAISIES DE PRODUITS DÉRIVÉS DE TIGRE AUGMENTENT

Cette nouvelle exigence ne peut être que bénéfique, mais « il n’y a aucune bonne nouvelle pour les tigres, » insiste Kanitha Krishnasamy de TRAFFIC, une organisation qui examine le commerce des espèces sauvages. Krishnasamy est le co-auteur d’un nouveau rapport selon lequel les saisies de produits dérivés du tigre continuent d’augmenter, tout comme le pourcentage de produits saisis provenant de tigres élevés en captivité. Celui-ci a augmenté d’environ 30 %, contre 2 % en 2000. « Cela témoigne réellement du niveau de menace causé par ces installations quant à l’introduction des tigres sur le marché noir, » dit-elle. De plus, les tigres sauvages sont toujours chassés et commercialisés illégalement.

 

EN 30 ANS, LES FERMES D'ÉLEVAGE SE SONT MULTIPLIÉES

En Chine par exemple, la première ferme d’élevage de tigres a été construite en 1986, dans le but de produire des os à des fins médicinales. Trente ans plus tard, ces installations se sont disséminées sur tout le territoire et dans d’autres pays d’Asie du Sud-Est. En effet, certains considèrent que les os, une fois réduits en poudre, peuvent guérir les rhumatismes et l’arthrite. D’autres préfèrent le vin fait à partir des os de tigres, pensant que la force de l’animal leur sera transmise en buvant ce breuvage.

En 2007, lors d’une conférence de la CITES, les pays ont adopté une décision selon laquelle les tigres ne devraient en aucun cas être élevés en vue d’être commercialisés, et que les pays ayant des fermes d’élevage de tigres devraient réduire leurs activités au minimum nécessaire afin d’appuyer les objectifs de conservation.

Malgré cela, de nombreux rapports ont par la suite montré que le commerce intérieur et international de tigres et d’autres grands félins d’Asie s’intensifiait, sans discontinuer. En Chine, le nombre de tigres en captivité est devenu plus important que le nombre de tigres sauvages.

La situation a atteint son paroxysme en Thaïlande en juin dernier. Les autorités ont perquisitionné le Temple des Tigres, célèbre lieu touristique longtemps  soupçonné d’approvisionner le marché noir. Bilan : elles ont saisi plus d’une centaine de tigres. Un moine a même été arrêté en essayant de fuir avec des peaux, des dents et environ un millier d’amulettes contenant des morceaux de peaux.

Les partisans de l’élevage de tigres prétendent atténuer la pression sur les populations sauvages. Faux, explique Krishnasamy de TRAFFIC : « Ces installations existent depuis très longtemps. S’il y avait eu des signes qu’elles évitaient aux tigres sauvages d’être persécutés, nous le saurions. Rien ne prouve que le braconnage ait diminué. » En revanche, la progression du trafic d’os de lions et de panthères nébuleuses—substituts des os de tigres—constitue une preuve tangible de la raréfaction des tigres.

 

LES PAYS D'ASIE S'ENGAGENT

Au final, la proposition présentée au comité lors de la dernière CITES bénéficie à tous les grands félins asiatiques. Mais la Chine a bien failli faire machine arrière. A la tête du groupe de réflexion préconisant les recommandations, elle a tenté de supprimer la clause engageant les pays à supprimer progressivement les fermes d’élevage de tigres. Cette clause « s’est avérée difficile à instaurer, et ce pendant près de 10 ans, » déclarait un délégataire chinois. Les autres pays ont acquiescé, s’accordant sur le fait que davantage de mesures étaient nécessaires pour exiger des pays qu’ils répriment l’exploitation et le commerce de tigres de façon définitive. Néanmoins, la Chine a fini par renoncer et la clause a été adoptée.

« Les partis [de la CITES] ont envoyé un message clair et retentissant, » a déclaré Banks. « Les exploitations de tigres et le commerce de pièces et de produits dérivés de tigres élevés en captivité représentent une menace pour la conservation des tigres sauvages, et cela suffit. »

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