Faux-monnayage : l'art de la contrefaçon

1 billet de dollar sur 1 000 est un faux. Enquête dans les coulisses de la mafia péruvienne qui fabrique les faux billets les plus ressemblants au monde.

De Romy Roynard
Publication 26 janv. 2021, 15:39 CET, Mise à jour 26 janv. 2021, 17:08 CET

Mariana van Zeller s'est infiltrée dans les coulisses de la mafia péruvienne à la rencontre de celles et ceux qui fabriquent les billets de banque les plus ressemblants au monde.

PHOTOGRAPHIE DE National Geographic

L’argent est au cœur de nombre de nos préoccupations. Nous le gagnons, le dépensons, le plaçons, le donnons... Mais avez-vous déjà vraiment observé un billet de banque ? L’avez-vous touché, tendu vers la lumière pour en observer les infimes détails, le filigrane, le numéro de série ? L’avez-vous incliné pour mieux l’étudier, ou tendu pour écouter le bruit qu’il faisait sous vos doigts ? Sans doute pas.

Plusieurs éléments doivent composer un billet de banque. Et plus ces éléments sont reproduits à l’identique, plus le faux billet sera recherché et prisé.

« La dernière fois, j’ai transporté dans ma valise à double fond 500 000 faux dollars [en direction des États-Unis] » explique un passeur à Mariana Van Zeller, dont l’enquête sera diffusée ce soir à 21h00 sur la chaîne National Geographic.

Mariana Van Zeller a remonté la filière en question et est arrivée à Lima, où quelques familles ont la mainmise sur un trafic de faux billets devenu plus lucratif que la cocaïne. On estime que 60 % des faux billets de dollars en circulation sont produits au Pérou.

 

UN TRAFIC À CIEL OUVERT

Si d’aucuns imaginent que la contrefaçon s’organise dans des ruelles sombres et des ateliers souterrains, il n’en est rien. « On pense que les marchés noirs sont orchestrés dans des lieux reculés, des ruelles sombres, des bars clandestins… » explique Mariana Van Zeller dans un entretien accordé à National Geographic, « mais non ! Et c'est très intelligent quand on y pense, de se cacher en étant à la vue de tous. Dans les villes touristiques, tous les rouages du tourisme sont utilisés, tous les moyens de locomotion sont empruntés pour se fondre dans la masse de touristes. C'est tentaculaire et bien plus courant que ce que l'on imagine. »

La plupart des ateliers se trouveraient selon la police péruvienne dans des quartiers résidentiels ; les faux billets étant le plus souvent imprimés dans des garages ou… à l’aube dans des imprimeries entre une commande de cartes de visite et une commande de cartes de vœux, à la vue de tous. « En un mois et demi, on peut imprimer 5 à 6 millions de faux dollars », souffle le patron d’une imprimerie péruvienne.

Une fois les faux billets imprimés, il faut en assurer la finition avec une grosse éponge, du gruau, de la colle et une règle. De simples fournitures scolaires pour contrecarrer les efforts des services secrets américains qui financent chaque année de coûteuses investigations pour démanteler les réseaux de contrefacteurs.

Cette imprimerie produit des faux billets de dollars

Ces billets contrefaits à la perfection circulent à une vitesse folle : dans les commerce, dans les bureaux de change, chaque fois en somme que des billets passent de main en main. Les billets peuvent également être acheminés en grande quantité directement aux États-Unis, où 1 billet de dollars en circulation sur 10 000 est un faux.

Selon le Département du Trésor américain, environ 70 millions de dollars contrefaits seraient en circulation dans le monde. La grande popularité de la monnaie américaine la rend de fait très appréciée des contrefacteurs. « C’était toujours des dollars, parce que c’est facile [à reproduire] », confirme un ancien chargé d’impression de faux billets à Mariana Van Zeller, depuis la prison de Lurigancho où il est incarcéré.

les plus populaires

    voir plus

     

    Les services secrets américains ont développé un site Web de recherche de faux billets, USDOLLARS, que les autorités du pays et les institutions financières peuvent utiliser pour signaler les contrefaçons. Le site fournit aux services secrets américains des outils pour suivre les billets contrefaits dans le monde entier ainsi que des outils de vérification de données sur des contrefaçons présumées.

     

    ET EN EUROPE ?

    La monnaie européenne a été beaucoup contrefaite depuis son lancement le 1er janvier 2002, avec un pic de billets contrefaits saisis en 2010, selon les chiffres de la Banque centrale européenne. Chaque année, on estime qu’entre 500 000 et 1 million de faux billets sont retirés de la circulation, un chiffre en baisse constante depuis 2014.

    Selon l'Office central pour la répression du faux-monnayage à la direction centrale de la police judiciaire, 700 000 faux billets circuleraient dans la zone euro, dont 30 à 40 % seraient émis depuis la France. En 2020, 17 faux billets d'euros ont été détectés pour 1 million de billets authentiques, un niveau historiquement bas. Le billet de 50 euros reste le plus contrefait (36.5 % des saisies en 2019), devant les billets de 20 euros et de 10 euros (respectivement 34.2 % et 13.5 % des saisies en 2019).

    Afin de lutter plus efficacement contre le faux-monnayage, la Banque centrale européenne a ajouté aux billets en euros plusieurs éléments de sécurité renforcée, à la fois sur les anciennes séries (billets de 50, 100, 200 et 500 euros encore en circulation) ou la nouvelle série dite « Europe » (nouveaux billets de 5, 10 et 20 euros). Des jeux de transparences, des filigranes, des couleurs, un fil de sécurité – sorte de bande sombre qui divise le billet en deux sur laquelle il est possible de lire le montant du billet suivi du mot « euros » ou du symbole « € » pour les billets de la série « Europe » - une bande iridescente sur le verso des billets, une bande et une pastille holographiques… de nombreux détails sont visibles dès lors que l’on dirige un billet vers une source de lumière et qu’on l’incline.

    Face au crime | Bande annonce

    Enfin, la texture des billets européens est particulière : les billets sont imprimés à partir de coton pur, ce qui leur confère une texture à la fois ferme et souple. La banque centrale européenne a mis en œuvre une technique d’impression qui permet de créer du relief pour chacun des éléments imprimés : motif principal, lettres, chiffres. Lorsque l’on touche ou que l’on gratte un billet avec le doigt, on doit pouvoir en apprécier le relief.

    La Banque centrale européenne indique sur son site coopérer étroitement avec Europol, Interpol et les services de police nationaux pour limiter au maximum la circulation des billets et pièces en euros contrefaits. 

    Si après toutes les vérifications d'usage vous êtes persuadé(e) d'être en possession d'un faux billet, il vous faut contacter votre banque ou la Banque de France, qui saisira la contrefaçon et l'enverra à son centre d'analyse afin de pouvoir vérifier s'il s'agit bel et bien d'un faux billet. Si le billet en question est un faux, il sera confisqué sans compensation. Un reçu pourra cependant vous être remis afin de déduire la valeur du faux billet de votre déclaration fiscale.

    les plus populaires

      voir plus

      Mariana Van Zeller ou l'importance du journalisme d'investigation

      loading

      Découvrez National Geographic

      • Animaux
      • Environnement
      • Histoire
      • Sciences
      • Voyage® & Adventure
      • Photographie
      • Espace
      • Vidéos

      À propos de National Geographic

      S'Abonner

      • Magazines
      • Livres
      • Disney+

      Nous suivre

      Copyright © 1996-2015 National Geographic Society. Copyright © 2015-2024 National Geographic Partners, LLC. Tous droits réservés.