Les forêts, souvent oubliées, sont une réponse essentielle au réchauffement climatique

Tandis qu'elles se réunissent cette semaine, des organisations environnementales internationales ont pour objectif d'imaginer un plan dans lequel les arbres jouent un rôle majeur dans la protection de la planète.

De Sarah Gibbens
Publication 13 sept. 2018, 12:25 CEST
Au Pérou, la réserve Comunal Amarakaeri constitue une zone protégée gérée par le gouvernement péruvien et ...
Au Pérou, la réserve Comunal Amarakaeri constitue une zone protégée gérée par le gouvernement péruvien et par les populations locales.
Photography by Diego Pérez Romero

La protection des forêts peut-elle sauver la planète ? Les écologistes espèrent une réponse positive.

Ce 12 septembre, un groupe d'organisations non gouvernementales (ONG) et de dirigeants s'est réuni à San Francisco afin de discuter de solutions qui pourraient, du moins espèrent-ils, atténuer les effets du réchauffement climatique.

Ils souhaitent parvenir à une solution appelée 30x30. Il s'agit d'un ensemble d'objectifs fixés afin de répondre aux exigences émises par l'Accord de Paris sur le climat en matière de réduction d'émissions de carbone. Selon les organisations qui participeront au sommet, la gestion durable de forêts et de terres pourrait permettre d'atteindre 30 % des réductions d'émissions ainsi fixées.

Dans quelle mesure les forêts peuvent-elles réduire les émissions de carbone ?

Les vastes forêts absorbent des quantités de carbone considérables. Les zones boisées, à l'image de celles que l'on trouve en Amazonie, plus grande région de ce type sur la planète, font office de siphon qui aspire les émissions atmosphériques.


Selon Global Forest Watch, une application qui permet de suivre la déforestation en temps réel, plus de 320 millions d'hectares de couverture forestière ont été décimés entre 2001 et 2017, essentiellement à cause de l'agriculture, de l'exploitation forestière et de l'élevage de bétail.

Le sommet de San Francisco a pour objectif principal de trouver des solutions qui permettent à ces industries de prospérer, le tout dans le respect de réglementations qui garantissent le développement durable.

D'après Frances Seymour du think tank américain World Resources Institute, les pays sont en mesure d'imposer la gestion durable des forêts, mais c'est une question de volonté politique tiraillée entre leurs objectifs et la réalité.

 

SUR LE MODÈLE DU BRÉSIL, LE PÉROU S'EFFORCE DE RATTRAPER SON RETARD

« Le Brésil est un excellent exemple », dit Frances Seymour de ce pays qui a trouvé un équilibre entre croissance industrielle et développement durable.

Entre 2004 et 2012, le Brésil, où se trouve la majorité de la forêt amazonienne, a réussi à réduire la déforestation de 80 %.

Selon Mme Seymour, cette réduction a été rendue possible grâce à une multitude de facteurs, tels qu'une meilleure application des lois, la reconnaissance des droits fonciers des populations autochtones ainsi que la création d'autres aires protégées, autant d'éléments qui ont permis au pays de gagner des batailles environnementales. Depuis 2016, on assiste cependant à l'augmentation de la déforestation brésilienne, un phénomène que Frances Seymour attribue au changement de cap politique du gouvernement fédéral.

En dépit de ce revers, les écologistes et les leaders des entreprises de développement durable du Pérou voient encore dans le Brésil une source d'inspiration en matière de gestion des zones protégées.

Le pays tente de faire reculer la déforestation en offrant des concessions d'abattage forestier aux entreprises qui s'engagent à exploiter la forêt de manière durable. Maderacre, située dans le département de Madre de Dios, au sein du bassin amazonien à la frontière avec la Bolivie et le Brésil, est l'une de ces exploitations.

L'État a accordé à Maderacre une concession de 200 000 hectares, au sein de laquelle l'entreprise a l'autorisation de couper du bois pendant 40 ans. À l'inverse d'une entreprise d'exploitation forestière classique, Maderacre ne coupe qu'un arbre sur deux hectares, empêchant ainsi à de vastes forêts de se transformer en terres désolées. Chaque année, la société abat des arbres sur seulement 11 000 hectares de l'exploitation, avant de s'attaquer à une nouvelle parcelle l'année suivante. De nouveaux arbres sont ensuite plantés sur les terrains ayant servi à l'exploitation forestière.

Selon Nelson Kroll, la majorité du bois de Maderacre est vendu en Europe. Ces consommateurs de produits en bois vivant à des milliers de kilomètres peuvent voir que le bois issu de l'exploitation est marqué par le Forest Stewardship Council.

M. Kroll travaille comme paysagiste forestier à Maderacre depuis 16 ans et explique que le carburant et la main-d'œuvre sont les deux sources de dépenses principales au sein de la concession. S'il n'a pas souhaité divulguer le montant des bénéfices annuels de l'exploitation, il a reconnu qu'une gestion non durable serait plus rentable. Certains arbres, à l'image de l'immense shihuahuaco, poussent pendant des centaines d'années et constituent un refuge pour les espèces menacées telles que la harpie féroce.

D'après le paysagiste, un shihuahuaco peut rapporter jusqu'à près de 13 800 euros, un bénéfice auquel renonce Maderacre dès que l'arbre abrite des espèces importantes. Il ajoute que l'objectif de l'exploitation n'est pas seulement de faire du profit, mais plutôt de s'assurer que les forêts soient une ressource rémunératrice sur le long terme.

Mais toutes les concessions forestières péruviennes ne sont pas un modèle de réussite ; selon une étude publiée en 2017, certaines d'entre elles auraient permis l'exploitation forestière illégale. En analysant les données collectées par l'agence péruvienne qui chapeaute les 609 concessions forestières du pays, les auteurs de l'étude ont découvert que 43 % d'entre elles avaient été abandonnées ou faisaient l'objet d'une enquête en raison d'importantes violations.

Les ONG péruviennes réclament davantage de moyens de la part du gouvernement afin de faire appliquer la loi et de garantir le bon fonctionnement de l'exploitation durable des forêts.

 

À LA RECHERCHE DE VOLONTÉ POLITIQUE

Les porte-paroles des ONG environnementales qui participent au sommet de San Francisco espèrent que les représentants engagés à la tête des villes, États et communautés indigènes insuffleront un nouveau souffle à ce mouvement politique citoyen.

Le Fonds mondial pour la nature (WWF) a réuni des intervenants issus de différents secteurs liés à l'exploitation des forêts. Au Pérou, la branche locale du WWF a engagé le dialogue avec de nombreux acteurs, allant des populations autochtones isolées aux maires de villes amazoniennes en pleine croissance.

D'après Frances Seymour, le moment auquel intervient ce sommet est significatif d'un point de vue politique puisqu'il intervient trois ans après l'Accord de Paris sur le climat et un an après la décision de l'administration Trump de se retirer dudit accord.

« Les actions entreprises au niveau fédéral et local sont une réponse à cette décision », affirme-t-elle.

 

QUE REPRÉSENTENT 30 % ?

« Afin d'atteindre l'objectif collectif des 30 %, les pays qui le peuvent doivent mobiliser des financements, y compris du secteur privé, pour soutenir les mesures en faveur des forêts, de l'alimentation et des territoires des pays en développement », explique Peter Graham, directeur général des politiques et de la recherche de Climate Advisers.

Selon Nigel Purvis, ancien négociateur principal des États-Unis sur le climat désormais PDG de Climate Advisers, ces mesures doivent prendre toutes les formes, de la reforestation à l'émergence d'une agriculture durable, en passant par la réduction de la consommation de viande.

« Il ne s'agit pas d'une solution unique », explique-t-il.

Il ajoute que l'objectif des 30 % a été négocié avec les participants au sommet et qu'il est conforme aux ambitions fixées par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.

Afin de suivre l'évolution, Climate Advisers recommande à chaque partie prenante de faire état des progrès réalisés dans le cadre des contributions déterminées au niveau national de l'Accord de Paris. Seul un tiers des 165 pays signataires ont établi des objectifs quantifiés en matière de gestion du territoire, une absence de mesures que le sommet espère corriger.

Des États américains comme la Californie ont tenté de compenser l'absence d'engagement des États-Unis par le biais de mesures telles que l'instauration d'un plafond d'émission de carbone et de programmes commerciaux. Bien qu'essentielles, ces initiatives ne sauraient se substituer à l'engagement des États-Unis lors de la conclusion d'accords internationaux, déplore Mme Frances Seymour.

Pour Kurt Holle, directeur national de WWF Pérou, les investissements privés constituent la meilleure solution pour instaurer des changements rapides et à grande échelle. Il estime que l'Amazonie péruvienne a le potentiel de devenir la « Silicon Valley » de l'exploitation durable des forêts.

« C'est une région où il est possible de faire changer les choses rapidement », affirme Nigel Purvis. « Les politiques et les médias n'y ont que trop peu prêté attention. C'est vraiment une solution qui a été négligée. »

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