Climat : un lac s'est formé sur le Mont Blanc à 3 000 mètres d’altitude

Un lac a été découvert sur le Mont Blanc, à un peu plus de 3 000 mètres d'altitude, entre la Dent du Géant et le Col de Rochefort.

De Arnaud Sacleux
Publication 10 juil. 2019, 09:15 CEST
S'il est rare de tomber sur un lac d'eau liquide à une telle altitude, un tel phénomène n'est pas forcément source d'inquiétudes. Pour que cela se produise, le manteau neigeux ou la glace sous-jacente doit être étanche.
PHOTOGRAPHIE DE Bryan Mestre, Radio Mont Blanc

Ce lac, découvert par le jeune alpiniste Bryan Mestre au début du mois de juillet, affiche des dimensions modestes ; 10 mètres de largeur et 30 mètres de longueur pour quelques milliers de mètres cube d’eau. Suite à l’épisode caniculaire ayant touché la France, notamment dans la région du Mont Blanc où des températures record de 9,3° C ont été enregistrées, le lien direct entre la formation de ce lac et le réchauffement climatique a été rapidement établi. Christian Vincent, glaciologue au laboratoire de glaciologie de Grenoble, appelle à plus de mesure.

 

UN NÉVÉ ÉTANCHE

Un petit lac comme celui récemment découvert résulte de l’accumulation de l’eau de fonte d’une dépression de glacier. Pourquoi celle-ci n’a-t-elle pas été absorbée ? Pour qu’un tel phénomène se produise, le manteau neigeux ou la glace sous-jacente doit être étanche.

Pour bien comprendre ce phénomène, il est important de distinguer deux types de glaciers ; les glaciers tempérés dont la température est de 0° C et les glaciers froids, ayant une température négative. Dans les Alpes françaises, les glaciers sont de nature tempérée mais il arrive que certains d’entre eux soient froids, notamment dans les zones comme celles du Mont Blanc, à partir d’altitudes avoisinant les 3 000 mètres. Ces glaciers froids sont étanches à l’eau. Si on n’a pas de mesures précises de la température des glaciers à cette altitude, « il n’est pas impossible que ce glacier soit un glacier froid » nous indique Christian Vincent. « Mais l’eau devrait trouver un exutoire et rejoindre le réseau hydrologique sous-glaciaire en aval du glacier ».

Pour le chercheur, une seconde hypothèse concernant ce phénomène existe et est plus plausible. Ce serait le névé, un manteau neigeux durci par l’hiver, qui serait encore à température négative. Dans ce cas, « une pellicule de glace se forme lorsque l’eau de fonte percole et s’infiltre dans le manteau neigeux qui regèle en profondeur du glacier. » Des strates de glace se forment alors, étanches à l’eau de fonte qui ne peut plus circuler, formant ainsi des lacs.

 

UN PHÉNOMÈME VRAIMENT INQUIÉTANT ?

Ce phénomène qui a surpris alpinistes et guides de montagne, certains ayant même déclaré n’avoir « jamais rien vu de tel », n’est pourtant pas un cas isolé. C’est en réalité une occurrence quasi-annuelle dans cette zone du Mont Blanc, où un lac similaire avait été découvert l’an dernier au même endroit.

Pour le chercheur, si le réchauffement climatique global affecte et accélère indéniablement la fonte des glaces, « il y a des mesures qui le prouvent constamment », ce phénomène de formation liquide n’est pas à relier directement et ce lac en particulier n’est, pour l’instant, pas une menace. « Quand le volume de ces lacs devient très important, cela peut devenir très dangereux s’ils débordent en surface. Cela peut menacer structures et habitations en aval » avance Christian Vincent. « Là ce n’est que quelques milliers de cubes d’eau et l’eau va probablement s’évacuer par l’intérieur du glacier. »

Le glaciologue a connu d’autres épisodes similaires mais beaucoup plus dangereux. Sur le glacier de Rochemelon dans la Vallée de l’Arc, à la frontière franco-italienne, un lac s’y était formé sur plusieurs années. « Au début c’était une petite mare formée dans les années 1960, qui a grossi sans que personne n’en perçoive l’évolution. C’est lors d’une reconnaissance il y a quelques années que je me suis aperçu qu’il contenait 650 000 mètres cube d’eau environ et qu’il menaçait de déborder. » Une alerte avait alors été donnée et une opération de vidange artificielle avait permis de vider le lac.

« Ce genre de menaces peut en effet exister et il faut rester vigilent, mais dans le cas présent, il n’y a rien de menaçant ».

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