Le réchauffement des océans renforce la violence des ouragans

Il est difficile d'établir un lien entre les tempêtes et le changement climatique mais la tendance au réchauffement inquiète les scientifiques.

De Sarah Gibbens
Publication 10 sept. 2019, 10:24 CEST
L'œil de la tempête Dorian vu depuis la Station spatiale internationale.
L'œil de la tempête Dorian vu depuis la Station spatiale internationale.
PHOTOGRAPHIE DE NASA

Aux Bahamas, les eaux chaudes qui attirent tant de touristes ont contribué à alimenter l'une des tempêtes les plus destructrices que la région ait jamais connue.

Pendant plus d'une journée, l'ouragan Dorian a stagné au-dessus des Bahamas qu'il a balayés de vents atteignant les 300 km/h à son apogée et arrosés de pluies diluviennes sans oublier les ondes de tempête qui ont inondé les foyers des habitants. 

Ce qui n'était au départ qu'une tempête de catégorie 3 s'est rapidement transformé en un ouragan de catégorie 5. Alors qu'il survolait les Bahamas, le système atmosphérique qui aiguillait l'ouragan vers la Floride s'est interrompu pour finalement priver la tempête des vents qui la faisaient avancer.

Cette rapide intensification a été alimentée par ce que la NASA décrit comme étant des « eaux génératrices d'ouragan » au niveau du sud de la Floride et des Bahamas.

Au coeur de l'ouragan pour la science

Selon Philip Klotzbach, météorologue à l'université d'État du Colorado, ce phénomène serait principalement dû au hasard. « Un problème d'orientation est apparu au moment même où cet ouragan majeur est arrivé. »

 

LIEN AVEC LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

Les tempêtes destructrices qui battent des records font souvent éclater le débat sur la part à imputer au changement climatique.

Klotzbach et le météorologue de l'université de Miami Brian McNoldy se rejoignent sur un point : le lien entre une tempête quelle qu'elle soit et le changement climatique n'est pas évident et l'ouragan Dorian ne fait pas exception.

Les scientifiques analysent plutôt les tendances pour avoir une idée de l'évolution des tempêtes avec le temps.

Le quatrième rapport National Climate Assessment avait annoncé que les ouragans pourraient s'intensifier et devenir plus destructeurs à mesure que le climat se réchauffait. Certaines études suggèrent qu'un réchauffement de l'atmosphère occasionnerait des vents plus lents et de plus en plus de recherches montrent que des conditions plus chaudes génèrent des ouragans plus lents et plus humides.

Pour comprendre pourquoi, il faut tout d'abord s'attarder sur la relation entre ouragans et eaux chaudes.

 

PLUS CHAUD, PLUS PUISSANT

Généralement, lorsqu'un ouragan stagne au-dessus des terres, comme ce fut le cas pour Harvey au-dessus de Houston en 2017 et Florence pour les États de Caroline du Nord et du Sud en 2018, il perd rapidement en puissance car il n'y a plus d'eau chaude pour l'alimenter.

« Cette région autour des Bahamas cuit littéralement à cette période de l'année, » illustre McNoldy. « Les ouragans adorent ça. »

Il explique qu'à la fois la température en surface de l'océan et la profondeur des eaux chaudes contribuent à la prise de puissance d'un ouragan.

« La puissance d'un ouragan dépend de sa chaleur, » explique McNoldy.

Un ouragan se forme à partir d'un regroupement d'orages au-dessus de l'océan. Bon nombre d'entre eux naissent dans les eaux de l'Ouest Africain lorsqu'un courant jet appelé Courant-jet africain d'Est orienté d'est en ouest souffle sur l'Atlantique Est. Les changements saisonniers de température altèrent la latitude du courant-jet, ce qui génère des vents de basse pression qui se déplacent dans l'air comme des ondes.

Les vents balaient l'océan et forcent l'eau à s'évaporer et à s'élever dans l'atmosphère où elle refroidit, se condense et forme des nuages orageux. On estime que 85 % des ouragans majeurs en Atlantique naissent au large des côtes africaines.

Lorsque ces orages sont exposés à des eaux suffisamment chaudes et à des vents d'est en ouest, ils peuvent donner naissance à une dépression tropicale, dans laquelle une zone d'air plus sec et plus froid se précipite pour combler le vide occasionné par l'ascension rapide de l'air chaud.

Dans l'hémisphère nord, les ouragans tournent dans le sens antihoraire en raison de la force de Coriolis, un principe qui décrit la façon dont les objets se déplacent à travers notre planète en rotation.

Au-dessus des eaux chaudes, la dépression tropicale en formation aspirera davantage de vapeur d'eau chaude et humide, comme une paille, ce qui aura pour effet de renforcer le système et de condenser au centre l'air sec à basse pression. C'est à ce moment que naît la tempête tropicale. À mesure que la tempête continue d'aspirer de la vapeur d'eau, ses vents se concentrent aux extrémités extérieures du système de tempête et deviennent plus humides, ce qui crée une boucle de rétroaction. S'il se maintient, le centre à basse pression de la tempête tropicale formera l'œil de l'ouragan.

Selon la NASA, la température de surface de l'océan doit être d'environ 26 °C sur une profondeur de 50 m pour qu'un ouragan se forme. Une tempête tropicale n'atteint le stade d'ouragan que lorsque ses vents dépassent les 117 km/h.

Comme nous l'avons vu pour l'ouragan Dorian dans les Bahamas, la chaleur influera sur la vitesse de rotation de l'ouragan mais ce sont les vents atmosphériques qui déterminent sa vitesse de progression à travers l'océan. Les tempêtes plus chaudes peuvent également engendrer des pluies plus intenses car les températures élevées transportent davantage de vapeur d'eau.

Certaines des tempêtes les plus violentes à s'abattre sur la côte est des États-Unis se forment à l'ouest des côtes africaines et traversent l'Atlantique. Si la tempête survole une parcelle océanique plus froide, la formation naturelle de l'ouragan peut ralentir et s'essouffler jusqu'à ce que la tempête se dissipe.

Un peu comme l'ajout de combustible dans un feu, les eaux chaudes rendent les ouragans plus intenses, et ce, quel que soit l'origine de ce réchauffement : températures estivales ou gaz à effet de serre.

La Croix Rouge américaine estime que 13 000 foyers des Bahamas ont été détruits ou endommagés d'une façon ou d'une autre par l'ouragan Dorian. De plus, les ondes de tempête d'une hauteur comprise entre 5 à 7 m ont inondé les réserves d'eau potable, ce qui implique que les résidents connaîtront des difficultés d'accès à l'eau potable maintenant que la tempête a progressé vers le nord.

Les prévisionnistes s'intéressent à présent à la façon dont les eaux chaudes et les conditions de vent alimenteront l'ouragan Dorian à mesure qu'il se déplace au-delà des Bahamas et remonte la côte est des États-Unis.

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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