Forêts : 37 % des arbres européens sont menacés d'extinction

Un récent rapport indique que 168 espèces d’arbres originaires d’Europe sont menacées.

De Taïna Cluzeau
Durmitor National Park, Montenegro
PARC NATIONAL DE DURMITOR, MONTÉNÉGRO - La rivière Tara traverse le parc national, formant le canyon de la rivière Tara, gorge la plus profonde d'Europe.
PHOTOGRAPHIE DE Milán Radisics, Wild Wonders of Europe

Tigres, baleines, orangs-outans... Tous sont connus pour être menacés d’extinction. Mais qui s’inquiète pour le sorbier, le marronnier ou l’orme ? Ces arbres, qui peuplent les forêts européennes, courent pourtant le même danger que les espèces animales médiatisées : au moins 37 % des 454 espèces originaires d’Europe sont menacées. En septembre 2019, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a tiré la sonnette d’alarme, en publiant la première liste rouge des arbres européens. Le but ? Sensibiliser le public et les autorités à cette problématique.

« Nous avons tous besoin de travailler ensemble pour assurer leur survie, a déclaré dans un communiqué Craig Hilton-Taylor, chef de l’unité “liste rouge” de l’UICN. Le plus important est peut-être que les mesures de conservation de ces espèces menacées [...] soient intégrées au plan de gestion et de conservation des terres. »

Parmi les 168 espèces en péril, 40 % sont considérées comme en danger critique, c’est-à-dire confrontées à un risque extrêmement élevé d’extinction à l’état sauvage. Plus inquiétant encore, la quasi-totalité des arbres concernés, soit 155, constituent des espèces endémiques d’Europe : elles n’existent nulle part ailleurs sur la planète.

« La principale menace pour les essences forestières en Europe, c’est l’impact des espèces envahissantes ou problématiques, explique Catarina Ferreira, coordinatrice Europe pour la conservation de la biodiversité à l’IUCN. Cette menace touche 38 % des essences forestières. Elle inclut les parasites et les maladies, mais aussi les espèces animales non indigènes, telles que les chèvres et les cerfs, qui paissent sur les jeunes arbres (jeunes plants), ou encore les plantes exotiques envahissantes, qui rivalisent avec les espèces indigènes, et l’hybridation de ces dernières. » Autres pressions importantes sur les populations arboricoles, la déforestation et la récolte du bois, qui touchent, à l’instar du développement urbain, 20 % des espèces.

Avec seulement six espèces d’arbres indigènes menacées sur 126, la France s’en sort plutôt bien. La moitié sont des sorbiers endémiques : Sorbus latifolia est vulnérable du fait du vieillissement du peuplement forestier ; Sorbus remensis est menacé par l’expansion de l’agriculture et la construction des routes ; et Sorbus legrei, dont la petite population est implantée en montagne, pourrait être affecté par le changement climatique. Les trois autres espèces vulnérables sont le marronnier, le laurier du Portugal et l’orme. « Ce dernier a décliné de plus de 30 % durant les trois dernières générations, et il est prévu que sa population continue de baisser dans les cent prochaines années », détaille Catarina Ferreira. En cause, la maladie hollandaise de l’orme : un champignon microscopique qui bouche les veines de l’arbre, le privant de sève, et qui l’empoisonne par ses toxines.

Quelles conséquences pourraient avoir la disparition de toutes ces espèces ? Les arbres sont essentiels à la vie sur Terre, rappelle le rapport. Ils fournissent d'importants services écosystémiques, entre autres, la purification de l'eau, le stockage du carbone, la production d'oxygène et la stabilisation des sols, et contribuent aux paysages et aux économies humaines. Et même si des espèces invasives venaient à remplacer les espèces indigènes, « rien ne garantit qu’elle le ferait d'une manière fonctionnelle, fournissant les mêmes services écosystémiques, prévient Catarina Ferreira. De plus, ce type de remplacement peut avoir un impact sur les interactions avec d’autres espèces (par compétition ou hybridation), mais ces phénomènes ne sont pas bien compris. Il est donc difficile d’en prévoir les conséquences. En outre, même si nous plantons de nouveaux arbres, il faut beaucoup de temps pour développer des forêts pleinement fonctionnelles, offrant les mêmes services que les forêts anciennes. »

Pour établir la liste des arbres en danger, les scientifiques se sont principalement fondés sur le nombre limité d’individus (72 % des espèces) et/ou leur aire géographique restreinte (40 %). Cependant, pour 57 espèces, les données sont insuffisantes pour déterminer leur statut de conservation. Le rapport insiste donc sur la nécessité de mener des recherches complémentaires pour identifier les potentielles menaces et leur évolution.

Ce manque de données concerne en particulier les effets du changement climatique. « Les espèces d'arbres sont toutes indirectement menacées par le changement climatique, qui va entraîner des modifications dans les microclimats, les modèles d'incendie, la disponibilité de l'eau et la température au cours des prochaines décennies, indiquent les scientifiques. Nous avons inclus les impacts du changement climatique dans les évaluations de la liste rouge uniquement pour les espèces pour lesquelles l'impact potentiel sur une espèce donnée a été clairement documenté. Mais, pour la vaste majorité d’entre elles, ces effets doivent encore être quantifiés. » C’est le cas, par exemple, pour l’introduction des organismes nuisibles : ceux-ci ne cessent de se multiplier, en grande partie à cause de la mondialisation croissante. Mais leur développement est aussi accéléré par le changement climatique, car celui-ci accroît la quantité et la gamme d’habitats disponibles pour ces organismes nuisibles, permettant leur propagation dans de nouvelles régions.

Une nouvelle encourageante, cependant : quasiment 80 % des espèces d’arbres indigènes européens sont présentes dans au moins une zone protégée, comme le réseau Natura 2000. Une démarche à poursuivre.

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