Une France consommant une énergie 100% renouvelable est-elle possible ?

Serait-il envisageable de ne consommer que des énergies vertes ?

De Taïna Cluzeau
Le complexe hydroélectrique de Roselend La Bâthie, en Savoie, produit l’équivalent de la consommation en énergie ...

Le complexe hydroélectrique de Roselend La Bâthie, en Savoie, produit l’équivalent de la consommation en énergie domestique de 450 000 habitants, il permet ainsi d’éviter l’émission de 890 000 tonnes de CO2 par an. 

PHOTOGRAPHIE DE ventdusud, istock via getty images

C’est le rêve de beaucoup de militants écologistes : vivre dans un logement autosuffisant en énergie alimenté par des panneaux solaires et/ou une éolienne pour l’électricité, une pompe à chaleur géothermique et/ou une chaudière à bois pour le chauffage... Mais si le scénario du 100 % renouvelable est viable à un niveau individuel, ce n’est cependant pas le cas à l’échelle de l'ensemble du pays. Les énergies fossiles, le pétrole, le charbon et le gaz restent indispensables à tout un pan de l’industrie.

La part d'énergie consommée sous forme de chaleur, soit 42,3 % de la consommation énergétique nationale, peut être largement convertie au renouvelable en remplaçant les systèmes au gaz, au fioul et électriques des résidences et des bâtiments du tertiaire par des chaudières à bois ou des pompes à chaleurs, leur chauffage représentant en effet 60 % de cette consommation de chaleur.

La filière bois joue un rôle majeur en la matière. Première source d’énergie renouvelable en France, elle représente 36 % de la production, dont les deux-tiers environ sont dédiés aux chauffages des ménages (insert, poêle, chaudière) et le reste aux chauffage des bâtiments du tertiaire et de l'industrie, à la production d'électricité et à la production de biocarburant. Les pompes à chaleur représentent, elles, 9 % de la production, soit autant que les éoliennes. Cependant, si l’on regarde du côté de l'industrie, « c'est déjà plus compliqué de ne fournir que de la chaleur renouvelable, car toutes les entreprises qui produisent des matériaux de base tel que le ciment, les métaux, le plastique etc. ont besoin de températures très élevées qui ne peuvent être obtenues aujourd’hui qu’avec un combustible très concentré en énergie comme le pétrole, le charbon ou le gaz », explique Jean-Marc Jancovici, associé fondateur de Carbone 4, cabinet de conseil spécialisé dans l’adaptation au changement climatique et président du Shift Project.

Passer à l'électricité 100 % renouvelable est aussi complexe à mettre en œuvre, estime l'expert. La production électrique, qui représente 27 % de notre consommation totale d'énergie, repose pour 11,7 % sur les barrages hydrauliques. L'hydroélectricité représente ainsi la part la plus importante après le nucléaire (70 %), et constitue 50 % de l'énergie électrique renouvelable. « Cependant, on ne pourra pas augmenter beaucoup ses capacités », explique Jean-Marc Jancovici. Le solaire (2,5 % de la production électrique) et l’éolien (7,2 % de cette production), les secteurs les plus investis par le gouvernement, connaissent aussi des limites. 

D’abord, quel que soit le nombre de panneaux solaires et d’éoliennes, ils ne peuvent à eux seuls fournir l’électricité nécessaire à la consommation française 24h/24 : les uns ne fonctionnent que le jour et les autres seulement lorsqu’il y a du vent. De plus, le prix des énergies solaire et éolienne dépend du mode de production des matériaux qui les composent et de leur mode de transport. Or, « ces derniers s’effectuent grâce à des énergies fossiles, pointe Jean-Marc Jancovici. Si l’on devait construire les éoliennes dans des fours à bois ou transporter les panneaux solaires dans des bateaux à voile, le prix final de l’électricité serait beaucoup plus élevée ». Selon lui, pour qu’il soit physiquement possible d'arriver à un système 100 % renouvelable, il faudrait diviser notre consommation d’énergie par 10 ou 20, avec un niveau de vie proche du début de la révolution industrielle.

Mais pas de panique, un pays à l'énergie 100 % renouvelable n’est pas indispensable pour lutter contre le réchauffement climatique. La vraie condition est d'atteindre la neutralité carbone, faire en sorte que la France émette sur son territoire autant de gaz à effet de serre qu’elle en absorbe, notamment via ses forêts. Pour arriver à cet objectif en 2050, la France procède par étape. Fin 2020, les énergies renouvelables devaient atteindre 23 % de la consommation française puis 33 % en 2030. Cependant, selon les derniers chiffres connus, elles n’atteignaient que 16,6 % de la consommation totale en 2018.  

« Ce qui nous manque aujourd’hui, c’est que nous ressentions tous ce sentiment d’urgence face au défi climatique », relève Jean-Marc Jancovici. Avec la crise du Covid-19, pointe-t-il, le gouvernement a été capable de mettre en place des mesures très rapides de restriction des libertés des citoyens. L'expérience nous apprendra peut-être à faire de même pour le climat.

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