Cette carte montre là où l'Homme... n'est pas.

Cette nouvelle carte montre où l'Homme a le moins d'impact sur la planète. Pour autant, ces zones sont-elles celles que nous devons à tout prix protéger ?

De Emma Marris
Publication 8 juin 2020, 15:41 CEST

Une nouvelle carte révèle les endroits les plus « sauvages » de la planète - là où l'Homme a le plus faible impact. Les résultats, obtenus en croisant les données de quatre méthodes de recherche, pourraient être utilisés pour soutenir la volonté de réserver la moitié de la Terre à la biodiversité, selon ses auteurs.

« Si vous voulez savoir où vous pouvez trouver un endroit qui n'a pas encore été transformé par l'agriculture, l'industrie ou l'urbanisation, [cette carte] est faite pour vous », explique Erle Ellis, écologiste à l'Université du comté de Maryland, à Baltimore, qui a contribué à cette étude. « Il y a un très fort consensus sur ces zones. »

La carte, publiée dans la revue Global Change Biology, regroupe quatre modèles développés indépendamment pour déterminer quelles régions l'humanité a marqué de son empreinte, chacun étant basé sur différents indicateurs d'activité.

Les quatre modèles considèrent la population humaine, les zones construites habitables et les terres cultivées comme autant d'intrants, avant de se distinguer les uns des autres. L'indicateur d'empreinte humaine globale considère notamment les routes, les voies ferrées, les voies navigables, les lumières nocturnes et les pâturages pour identifier les endroits où l'humanité est la moins visible.

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    Cette nouvelle carte révèle les endroits les plus « sauvages » de la planète - là où l'Homme a le plus faible impact. 

    PHOTOGRAPHIE DE Riley D. Champine, NG STAFF ; SOURCE : JASON RIGGIO ET AL, GLOBAL CHANGE BIOLOGY

    Le projet Anthropogenic Biomes cartographie différents types d'écosystèmes peuplés, comme les « pâturages résidentiels » d'Afrique, où les populations pastorales vivent en densités moyennes. Les cartes Global Human Modification et Low Impact Zones sont des tentatives plus récentes pour identifier les endroits où les Hommes ne se trouvent pas. Les deux modélisations comprennent des données sur la densité du bétail ; le premier se penche également sur l'exploitation minière et la production d'énergie et le second comprend des données sur les aires protégées et la déforestation.

    Les chercheurs qui ont mené ces études ont eu à cœur de faire converger leurs efforts pour voir à quel point leurs cartes se chevauchaient ; réponse : plutôt bien.

    Quel que soit le modèle retenu, environ la moitié de la Terre est classée comme subissant un impact humain « faible », et environ la moitié de celle-ci - un quart de la surface libre de glace de la planète - pourrait être décrite comme présentant un impact humain « très faible ». Surtout, et c'est là l'un des points les plus intéressants, les cartes classent les mêmes zones dans ces catégories. Ce n'est pas surprenant, selon les cartographes, car la plupart des zones qui entrent dans cette catégorie sont soit très froides, comme la toundra et la forêt boréale qui s'étendent à l'extrême nord des Amériques et de l'Eurasie, soit très chaudes, comme les déserts.

    Chaque carte a examiné des preuves de la main de l'Homme sur ces régions, de sorte que les zones qui ont été modifiées par l'Homme mais qui n'ont pas beaucoup de lumières, de routes ou de personnes sont désormais classées comme à faible impact.

    Par exemple, la recherche archéologique et les études écologiques des espèces d'arbres suggèrent de plus en plus que la forêt amazonienne a été densément peuplée et soigneusement gérée par l'Homme pendant des siècles. Des couches de charbon de bois provenant de feux contrôlés et de bosquets d'arbres clairement plantés par des Hommes, comme les palmiers açaí et le cacao, en sont les témoins persistants. Mais comme la forêt est actuellement dépourvue de vastes terres cultivées ou d'infrastructures majeures, une grande partie de l'Amazonie est classée comme ne subissant qu'un « faible impact » de l'activité humaine.

     

    SAUVER LA MOITIÉ DE LA PLANÈTE

    Les chercheurs estiment que parce que 50 % de la Terre ne subit que faiblement l'impact des activités humaines, la volonté de préserver la moitié de la planète pour le bien-être de la biodiversité est certes ambitieuse mais réalisable. L'auteur principal, Jason Riggio, écologiste spatial à l'Université de Californie à Davis, espère que cette carte pourra renforcer les arguments en faveur de l'objectif de protection de la moitié de la planète à l'horizon 2050 lors de la prochaine réunion de la Convention sur la diversité biologique, prévue pour 2021.

    Riggio indique que le groupe de recherche ne recommande pas que les zones à faible impact soient transformées en zones protégées de manière stricte. Même un grand nombre des zones à impact « très faible » comptent des habitants. « Il ne s'agit pas d'exclure les gens ou de créer des parcs nationaux où les gens ne seraient pas autorisés à aller », dit Riggio.

    Au lieu de cela, dit-il, de telles zones pourraient être gérées à la fois pour la faune et l'utilisation humaine, comme les plantations de café certifiées « respectueuses des oiseaux » par la Société Audubon. Ces fermes cultivent des grains de café sous une canopée d'arbres forestiers qui fournissent un habitat aux oiseaux.

     

    QUELLE MOITIÉ SAUVER ?

    Il n'est pas évident, cependant, que les efforts de protection devraient se concentrer uniquement sur les zones à faible impact.

    La nouvelle carte montre par ailleurs que les zones faiblement impactées ne sont pas réparties de manière égale selon les types d'écosystèmes. Moins de 1 % des prairies tempérées, des forêts tropicales de conifères et des forêts tropicales sèches présentent une influence humaine très faible.

    Et bien que la préservation de la « nature sauvage » en grande partie intacte soit un objectif important pour beaucoup, ce n'est pas toujours là où se trouvent le plus d'espèces végétales et animales. À l'échelle mondiale, les tropiques abritent beaucoup plus d'espèces que les écosystèmes les plus proches des pôles, mais les tropiques sont également très peuplées, selon Maria Dornelas, écologiste à l'Université de St.Andrews, en Écosse.

    Pour Dornelas, « si nous préservons seulement les forêts tropicales, nous perdons tous les ours polaires et toutes les plantes de la toundra et toutes les espèces du désert. »

    Dornelas et ses collègues ont récemment élaboré leur propre carte mondiale examinant les menaces pesant sur les espèces végétales et animales, du changement climatique à la déforestation en passant par la pollution. Leur carte est très différente, avec des points chauds de menaces en Inde, en Europe du Nord et en mer de Chine orientale. Il souligne le fait que sans protection ou restauration, les espèces et les écosystèmes des zones à fort impact humain risquent davantage de disparaître.

    Au final, aucune carte ne peut dire à l'humanité ce que nous devons protéger. Faut-il se concentrer sur les zones à faible impact pour préserver les lieux « sauvages », ou sur les zones à fort impact où les menaces pour les espèces sont les plus pesantes ?

    « En fin de compte, c'est une carte des sociétés humaines, pas une carte sur la biodiversité », dit Ellis. « La façon dont vous interprétez cette carte par rapport à la nature dépend de vos valeurs. »

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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