La saison des ouragans pourrait intensifier les feux de forêt en Amazonie

Après avoir poussé les ouragans vers la côte est des États-Unis, l'actuelle vague de chaleur dans l'Atlantique Nord pourrait alimenter les feux de forêt en Amazonie.

De Madeleine Stone
Publication 21 juil. 2020, 17:43 CEST, Mise à jour 6 nov. 2020, 14:41 CET
Une forêt brûlée de l'état de Para, au Brésil, dans le bassin amazonien, le 27 août 2019. Les ...

Une forêt brûlée de l'état de Para, au Brésil, dans le bassin amazonien, le 27 août 2019. Les conditions climatiques à l'origine d'une saison cyclonique mouvementée dans l'Atlantique nord semblent également assécher l'Amazonie, ce qui risque de causer un plus grand nombre d'incendies.

PHOTOGRAPHIE DE Joao Laet, AFP/Getty Images

Cette année, la saison des incendies dans les forêts pluviales de l'Amazonie pourrait bien être plus intense que la précédente, d'après les chercheurs, en partie à cause des conditions climatiques qui alimentent une saison cyclonique agitée plus au nord.

Au mois d'août dernier, une série de gigantesques incendies déclenchés par l'Homme dans l'Amazonie avait recouvert d'une épaisse fumée la ville brésilienne de São Paulo, faisant tomber la nuit en plein jour et provoquant un tollé international. Toutefois, même si la situation était inhabituelle et préoccupante, elle aurait pu être encore plus grave si l'Amazonie avait connu une période de sécheresse.

Malheureusement, c'est exactement ce qui ressort des prévisions pour le sud de l'Amazonie cette année : une saison plus sèche qu'à l'habitude en partie à cause d'une accumulation de chaleur exceptionnelle dans l'Atlantique Nord, à des milliers de kilomètres de la forêt amazonienne.

C'est également sous l'effet de cette vague de chaleur océanique que la saison cyclonique en Atlantique Nord a démarré sur les chapeaux de roue, le signe avant-coureur d'une saison qui s'annonce particulièrement mouvementée. Certains chercheurs suggèrent l'existence d'un lien entre les ouragans eux-mêmes et la multiplication des incendies à travers l'Amazonie, bien que le sujet prête encore à débat.

« Je pense que c'est l'océan qui est responsable de ces deux situations, » déclare Chris Landsea, chercheur en météorologie au  National Hurricane Center de l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique (NOAA). « Il génère des années d'intense activité cyclonique dans l'Atlantique et, parallèlement, augmente la probabilité de départ de feu en Amazonie. »

 

ALIGNEMENT DES CONDITIONS

D'après Doug Morton, spécialiste des sciences de la Terre pour la NASA et cocréateur du bulletin de prévision saisonnier des incendies en Amazonie, la forêt pluviale devrait faire face à une « véritable tempête » de conditions propices au feu cette année. Parmi ces conditions figurent notamment la déforestation, un élément moteur des incendies en Amazonie, et les tendances plus larges au niveau des océans et de l'atmosphère qui pourraient entraîner une sécheresse.

Entre janvier et juin 2020, on estime à 3 070 km² la superficie déboisée en Amazonie, soit une augmentation de 25 % par rapport à la première moitié de l'année 2019. Pour Jos Barlow, professeur en biologie de la conservation à l'université de Lancaster, si le rythme de la déforestation continue sur cette lancée, ce seront plus de 15 000 km² de forêt qui pourraient être rasés d'ici la fin de l'année, puisque les exploitations forestières entrent seulement dans la partie la plus productive de leur saison. Cela se traduirait par le plus haut taux de déforestation depuis 2005.

Généralement, les propriétaires de terrain en Amazonie déclenchent volontairement des feux afin de préparer la terre pour l'agriculture ou l'élevage, mais certains n'hésitent pas à brûler des parcelles publiques dans l'espoir de s'approprier de nouvelles terres. « D'après moi, tout semble indiquer que 2020 sera encore une très mauvaise année pour la déforestation, » nous écrit Barlow par e-mail. « Et contrairement à 2019, ces activités de brûlage utilisées pour nettoyer les forêts abattues ont de grandes chances d'être aggravées par un climat plus sec que la normale, » ce qui signifie que les incendies volontaires pourraient s'étendre plus rapidement, devenir plus difficiles à maîtriser et même atteindre les zones vierges de la forêt pluviale.

En effet, les prévisions saisonnières indiquent que de vastes pans de l'Amazonie pourraient subir une sécheresse à mesure que la région entre dans sa saison sèche, de juin à novembre. Cet événement météorologique extrême serait en partie dû aux températures océaniques bien plus au nord, une composante clé du bulletin de prévision des incendies établie par Morton.

Selon Yang Chen, scientifique de la Terre au sein de l'université de Californie à Irvine, cocréateur du bulletin avec Morton, les températures actuelles de l'Atlantique Nord tropical sont « nettement supérieures à la normale. » Lorsque les températures de cette région océanique sont particulièrement élevées, elles entraînent un déplacement vers le nord de la Zone de convergence intertropicale (ZCIT), une ceinture de basses pressions à l'origine de violents aux orages aux pluies intenses dans les tropiques. Lorsque cette ceinture pluviale se déplace plus au nord avant le début de la saison sèche en Amazonie, la saison sèche démarre plus tôt et inflige des conditions de sécheresse plus intenses qu'à l'accoutumée.

« Au fil des années, lorsque l'océan Atlantique Nord subissait une vague de chaleur (en 2005 et 2010), cela déclenchait des sécheresses record à travers l'Amazonie, » explique Morton. « Et ces sécheresses s'accompagnent toujours d'incendies. »

 

UN LIEN DIRECT AVEC LES OURAGANS ?

Les eaux chaudes de l'Atlantique Nord tropical alimentent également les ouragans, qui transportent l'humidité à l'ouest puis au nord en suivant les vents dominants plutôt qu'au sud. À dire vrai, dans une étude publiée en 2015, Morton et Chen montrent que les saisons cycloniques actives et les saisons intenses de feux de forêt en Amazonie sont indissociables. S'il est vrai que les deux phénomènes sont à mettre en parallèle avec les vagues de chaleur de l'Atlantique Nord, la corrélation qui existe entre eux est encore plus forte.

Morton pense que cela suggère un lien de causalité entre les deux. Lorsque les ouragans et les tempêtes tropicales se forment, poursuit-il, « ils emportent l'humidité qui aurait dû se déverser sur le continent sud-américain pour la répandre sur la Côte du Golfe et le littoral est des États-Unis. Pour faire simple, ces tempêtes privent d'humidité l'Amazonie. »

De son côté, Chen est moins convaincu du lien de cause à effet des ouragans de l'Atlantique sur les sécheresses de l'Amazonie, même s'il s'accorde à dire que « les deux phénomènes partagent une raison commune », à savoir la chaleur excessive dans l'Atlantique Nord tropical et son impact sur les événements météorologiques.

Landsea du National Hurricane Center a également du mal à admettre le lien de causalité directe entre un plus grand nombre d'ouragans formés au-dessus de l'Atlantique et les épisodes de sécheresse en Amazonie. Il attire notre attention sur la « nature éphémère » des ouragans. « Ils ne durent que quelques jours et ne sont responsables que d'une petite partie des précipitations dans les Caraïbes. » Il reconnaît cependant l'existence probable d'une corrélation entre les deux phénomènes.

Quoi qu'il en soit, la saison 2020 des ouragans devrait servir de signal d'alarme pour l'Amazonie : l'Atlantique a déjà donné naissance à six tempêtes tropicales nommées, un record à ce stade de la saison, qui ne commence que le 1er juin. De plus, l'activité cyclonique devrait gagner en intensité avec la montée en température de l'Atlantique tropical au fil de l'été.

« Nous prévoyons une saison très mouvementée, » conclut Landsea.

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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