Inondations en Europe : ces phénomènes extrêmes devraient se multiplier dans les années à venir

Selon les scientifiques, les précipitations extrêmes gagneront en fréquence avec le changement climatique.

De Sarah Gibbens
Publication 20 juil. 2021, 15:55 CEST

Sur ce cliché pris le 16 juillet 2021 en Belgique, un homme rame à bord d’une embarcation dans une rue résidentielle submergée par les eaux. En Allemagne et en Belgique, d’importantes inondations ont transformé les rues en torrent, emportant des voitures sur leur passage et provoquant l’effondrement de maisons.

PHOTOGRAPHIE DE Valentin Bianchi, AP Images

L’Allemagne, la Belgique, ainsi que certaines régions des Pays-Bas et du Luxembourg ont subi il y a quelques jours des inondations dévastatrices causées par d’intenses précipitations. À ce jour, le bilan s’élève à 183 morts.

Pour l’heure, les scientifiques essaient toujours de déterminer le rôle joué par le changement climatique dans cet événement météorologique. Celui-ci présenterait des caractéristiques clés de la manière dont le changement climatique aura une incidence sur les tempêtes et qui se traduit par la chute de précipitations plus importantes pendant plus longtemps.

Dans le bassin du Rhin en Allemagne, région la plus touchée par les inondations, un nouveau record de précipitations a été enregistré. Les rues se sont transformées en cours d’eau, les maisons ont été inondées et des effondrements brusques du sol ont eu lieu. Un château a même été en partie emporté par les flots.

« Cette situation n’est pas très surprenante, car la multiplication des événements extrêmes a été décelée dans les projections des modèles climatiques », confie Dieter Gerten, climatologue à l’Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique. Le chercheur a tout de même été surpris par l’ampleur et l’intensité des inondations, malgré ces projections. Oberkail, sa ville natale, se situe dans l’une des régions allemandes sinistrées.

Alors que les secours venaient en aide aux victimes, les dirigeants européens ont utilisé cette catastrophe pour réaffirmer la nécessité de prendre des mesures afin de limiter le changement climatique et de s’y adapter.

« Cet événement est la preuve que les pays riches comme l’Allemagne ne sont pas à l’abri des graves conséquences du changement climatique », explique Kai Kornhuber, physicien du climat à l’université de Columbia, aux États-Unis.

 

LES LOIS DE LA PHYSIQUE

Selon AccuWeather, les précipitations qui se sont abattues sur l’Europe de l’Ouest la semaine dernière étaient dues à un système de basse pression se déplaçant lentement. Dans certaines régions de l’Allemagne, il est tombé l’équivalent d’un mois de pluie en 24 h. Ce même système, qui avait provoqué des inondations à Londres le lundi 12 juillet, se dirige désormais vers le sud de l’Europe.

D’après les scientifiques, le changement climatique aurait contribué aux inondations via deux facteurs : la quantité des précipitations tombées et le lent déplacement de la tempête.

« La probabilité que surviennent des précipitations si fortes est-elle plus élevée en raison du climat du 21e siècle ? », s’interroge Dieter Gerten. Sans doute, estime-t-il.

Explication : plus l’air est chaud, plus il retient l’eau. Cela s’explique par le fait qu’à des températures plus élevées, les molécules d’eau condensent pour former de la vapeur et se concentrent dans l’atmosphère. Ces lois de la physique se retrouvent notamment dans le fonctionnement des sèche-linges et des lave-vaisselles ; c’est aussi elles qui sont derrière la condensation qui se forme sur les verres contenant une boisson froide.

Pour chaque hausse de 1°C, les scientifiques estiment que l’atmosphère retient environ 7 % d’humidité en plus. Celle-ci étant davantage chargée en humidité, les formations météorologiques, telles que le système de basse pression qui survole l’Europe ou les ouragans qui se forment dans l’Atlantique, produisent davantage de précipitations.

Pour que des inondations se produisent à la suite de fortes précipitations, plusieurs facteurs entrent en compte, notamment les précipitations antérieures, le développement urbain et la géographie (si la zone se trouve dans une vallée). Selon Dieter Gerten, les précipitations extrêmes qui sont tombées ont probablement aggravé les inondations.

La lenteur du déplacement des systèmes météorologiques transportant d’importantes quantités de précipitations rend également ces événements pluvieux plus intenses en Europe d’après une étude récente parue dans la revue Geophysical Research Letters.

« Nous pensons globalement que ces tempêtes se déplaceront plus lentement à l’été et à l’automne en raison de l’amplification arctique », indique Hayler Fowler, hydroclimatologue à l’université de Newcastle et l’un des auteurs de l’étude.

L’Arctique et l’Antarctique se réchauffent deux à trois fois plus rapidement que le reste de la planète. Et selon les scientifiques, ce réchauffement déstabilise le courant-jet, un courant d’air qui tourne dans le sens antihoraire autour de l’hémisphère Nord.

En cas d’écart de température important entre les pôles et l’équateur, le courant-jet souffle plus fort et plus uniformément. À l’inverse, il est ralenti lorsque les pôles se réchauffent et que l’écart de température est moindre.

Comme l’explique Dieter Gerten, cela a pour effet de bloquer les systèmes de basse et haute pression plus longtemps au-dessus des régions.

« Auparavant, les conditions météorologiques changeaient tous les trois à sept jours. Aujourd’hui, elles restent les mêmes pendant des semaines », souligne-t-il.

 

VERS UNE RECRUDESCENCE DE CES PHÉNOMÈNES

À l’heure actuelle, les scientifiques cherchent à déterminer le rôle qu’a joué le changement climatique dans cette catastrophe.

La World Weather Attribution Initiative (Initiative mondiale d’attribution météorologique), qui s’intéresse au lien entre des conditions météorologiques extrêmes et le changement climatique, va étudier en quoi l’influence humaine renforce l’intensité des inondations.

Début juillet, une équipe internationale de scientifiques a ainsi déterminé que la vague de chaleur extrême qui a frappé le nord-ouest du Pacifique aurait été « pratiquement impossible » sans le changement climatique.

Comme l’indique Hayler Fowler, l’étude de la World Weather Attribution Initiative consistera à exécuter des modèles stimulant le système de basse pression dans des conditions préindustrielles, avant de reproduire l’expérience en prenant en compte l’effet des gaz à effet de serre. Les chercheurs compareront ensuite les conditions météorologiques à  l’influence du changement climatique.

« Ces [inondations] touchent sans doute une zone plus vaste et sont certainement plus intenses à cause du changement climatique », souligne la scientifique.

Kai Kornhuber, de l’université de Columbia, juge quant à lui qu’il est difficile de spéculer sur le rôle exact joué par le changement climatique dans les inondations qui ont frappé l’Allemagne la semaine dernière. Il précise néanmoins qu’il « serait très surpris si cet événement relevait du pur hasard ».

« La météo a changé… Nous savons que pour chaque degré d’augmentation des températures, les précipitations extrêmes le deviendront encore plus. Je pense que l’avenir nous réserve bien d’autres événements de ce genre », avertit-il.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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