Carlos Magdalena, le messie des plantes qui sauve des espèces de l’extinction
Cet horticulteur traverse le monde à la recherche d’espèces en danger pour les sauvegarder. Sa motivation ? « Les plantes sont les alchimistes de notre univers. »

Carlos Magdalena photographié par Joyce NG dans les Jardins botaniques royaux de Kew, à Londres.
Cet article fait partie de la série de portraits National Geographic 33.
Carlos Magdalena, l’homme que l’on appelle le messie des plantes, en a entendu parler pour la première fois dans le journal. L'histoire du café marron, ou Ramosmania rodiguesi, un arbuste de l’île Rodrigues, de la république de Maurice, que l’on pensait éteint pendant une grande partie du 20e siècle. Enfin, jusqu’en 1980, quand un écolier a découvert un survivant sur le côté de la route. Les Jardins botaniques royaux de Kew, à Londres, ont fait l’acquisition d’une bouture mais les horticulteurs ne parvenaient pas à en produire des graines. Le café marron et ses fleurs stellaires semblaient condamnés, jusqu’à l’arrivé en 2003 de Carlos Magdalena à Kew.
Il était alors âgé de 30 ans, stagiaire en Espagne, mais il a tout de suite commencé à tenter des expériences, amputer le stigmate et placer du pollen dans cette plaie, faire pousser l’arbre dans des conditions plus chaudes. « Et alors, se rappelle-t-il, tout d’un coup, bam, j’ai réussi à faire ça. » C’est-à-dire, propager le café marron et le réintroduire sur Rodrigues. « C’était une leçon de conservation », ajoute Carlos Magdalena. « Si une plante ne peut pas être sauvée, quel est l’intérêt de la garder en vie ? Et la réponse, c’est que l’on est peut-être incapable de la sauver pour l'instant, mais on pourrait le faire dans 20 ans. »
Carlos Magdalena est désormais un chercheur en horticulture à Kew, et il a fait du sauvetage des espèces en danger sa spécialité et l’œuvre de sa vie. Près de 45 % des plantes à fleurs sont potentiellement menacées d’extinction, selon les Jardins botaniques royaux de Kew, mais ce sont surtout les mammifères en danger, comme les baleines, qui accaparent l’attention des médias. « Nous nous concentrons peut-être sur le sommet de la pyramide alors que nous devrions regarder sa base », avertit Carlos Magdalena. « Les plantes sont les alchimistes de notre univers. »

Carlos Magdalena photographié par Joyce NG dans les Jardins botaniques royaux de Kew, à Londres.
Il a voyagé jusqu’aux falaises de Maurice, dans les forêts tropicales d’Amazonie et a arpenté les plaines d’Australie à la recherche de plantes en danger à propager, constamment motivé par sa plante vénérée, le nénuphar. Pour sauver le plus petit nénuphar du monde, le Nymphaea thermarum ou nénuphar pygmée rwandais, une espèce aquatique des sources chaudes du Rwanda, il a demandé des graines aux Jardins botaniques de l’université allemande de Bonn. Là-bas, les horticulteurs ne parvenaient pas à les faire pousser jusqu’à leur maturité. Carlos Magdalena a cerné le problème avec son enthousiasme obsessif habituel, découvrant la solution un soir, alors qu’il était en train de cuisiner des tortellinis. Et si le nénuphar avait besoin de plus de dioxyde de carbone pour pousser ? Il a planté les graines dans un terreau humide, à un ou deux millimètres de la surface de l’eau, permettant aux feuilles émergeantes d’absorber de l’air dès le début. « Je dis toujours que l’obsession a mauvaise réputation », confie-t-il, reconnaissant sa démarche compulsive. « Mais je pense que l’obsession nous fait faire des choses formidables. »
Cette combinaison d’entêtement et d’approche intuitive à la résolution de mystères botaniques a participé aux avancées fulgurantes de Carlos Magdalena, selon Richard Barley, le directeur des Jardins botaniques royaux de Kew. « Il est assez doué pour plancher sur un problème jusqu’à ce que la solution se présente. »

Il reste bien plus de travail que ce que Carlos Magdalena pourrait accomplir en une vie. Selon les estimations des chercheurs des Jardins botaniques de Kew, il resterait encore 100 000 espèces de plantes à découvrir. « Nous détruisons des écosystèmes entiers sans savoir ce que nous perdons », déplore Carlos Magdalena. En 2006, en navigant sur Internet, il est tombé sur la photo d’un gigantesque nénuphar en Bolivie. En un regard, il a réalisé qu’il était différent des deux autres espèces connues de nénuphars géants. Après des années de recherche et d’analyses ADN, Carlos Magdalena et une équipe d’experts de Kew et de Bolivie ont confirmé que la plante était, en effet, une troisième espèce : Victoria boliviana. Il s’agissait d’une plante aux feuilles de 3 mètres de long, un nez au milieu de la figure, qui avait échappé à la classification botanique pendant plus d’un siècle. « J’ai pris ça comme une leçon importante. Que reste-t-il à découvrir ? » conclut Carlos Magdalena.
Cet article a initialement paru dans le magazine National Geographic d'avril 2025. S'abonner au magazine.
