Changement climatique : la menace de trop pour les Galápagos ?

Les épisodes d’El Niño, qui réchauffent l’océan, sont de plus en plus fréquents et violents. De quoi bouleverser l’écosystème de l’archipel équatorien, déjà sous pression.

De Rédaction National Geographic
Après la chasse, un fou de Grant regagne son nid, sur l'île Wolf.
Après la chasse, un fou de Grant regagne son nid, sur l'île Wolf.
PHOTOGRAPHIE DE Thomas P Peschak

Tortues géantes, iguanes, manchots, fous à pieds bleus, otaries : toutes ces espèces emblématiques des Galápagos sont aujourd’hui menacées. En cause, le réchauffement des températures terrestres et océaniques ainsi que les perturbations des vents et des précipitations. Tous ces phénomènes sont liés à El Niño, un contre-courant océanique saisonnier qui s’écoule le long des côtes de Colombie et d’Équateur.

DES COURANTS MARINS AFFAIBLIS

La richesse de la biodiversité des Galápagos est intimement liée aux quatre courants océaniques qui circulent entre les îles de l’archipel. L’un d’entre eux, profond et froid, ramène à la surface des nutriments qui fertilisent le phytoplancton. Ce dernier alimente à son tour le reste de la chaîne alimentaire marine.
Pendant El Niño, les alizés se calment. Cela affaiblit les remontées d’eau froide et de nutriments des profondeurs, et le courant d’eau chaude du Pacifique Ouest gagne les Galápagos. La vie marine en souffre. Des animaux cessent de se reproduire, d’autres meurent de faim. Certaines populations de poissons n’ont d’ailleurs pas récupéré d’un épisode El Niño extrême, survenu en 1982-1983.

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    LES TEMPÉRATURES OCÉANIQUES EN HAUSSE

    Durant le dernier bouleversement climatique El Niño, en 2016, la température océanique s’est élevée de 2 °C par rapport à sa moyenne sur le long terme. Cette augmentation, associée à l’absorption accrue du dioxyde de carbone émis par l’homme, provoque une acidification océanique. Ces deux phénomènes favorisent le blanchiment des coraux, ce qui entraîne un affaiblissement de toute la chaîne alimentaire.

    Les requins soyeux sont plus grands que les hommes, mais semblent minuscules à côté d'un requin-baleine contre lequel ils se frottent pour débarrasser leur peau des parasites. L'île Darwin est l'un des rares endroits que les requins-baleines adultes fréquentent régulièrement.
    PHOTOGRAPHIE DE Thomas P Peschak

    DES LOURDES CONSÉQUENCES SUR LA FAUNE

    La chaleur de l’eau a stimulé le métabolisme des oursins-lances du Pacifique, qui se nourrissent d’algues. Ces plantes aquatiques constituent la base de l’alimentation des iguanes marins et de nombreuses espèces de poissons. Les saupes Xenocys jessiae et les badèches du Pacifique se sont raréfiées. Or ces poissons constituent la nourriture essentiel des requins, des otaries et d’autres prédateurs importants. Les sardines, consommées autrefois par les fous à pieds bleus, ont presque disparu de l’archipel. Leur absence fragilise ces oiseaux, qui doivent désormais s’alimenter de poissons-volants, moins nutritifs et plus difficiles à attraper.
    D’autre part, l’élévation des températures terrestres pourrait affecter les populations de reptiles. Leur sexe est déterminé par la température du sable lors de l’incubation de l’œuf. Si l’air et le sable se réchauffaient davantage, la naissance de femelles serait favorisée. Une telle féminisation est actuellement observée chez les tortues de mer, notamment au Cap-Vert et dans la Grande Barrière de corail. Une étude avance qu’une augmentation de 2° C stoppera la production de mâle dans les sites de ponte du Cap Canaveral, en Floride.

    Des tortues géantes se prélassent dans une mare de boue, dans le cratère du volcan Alcedo, sur l'île Isabela.
    PHOTOGRAPHIE DE Thomas P Peschak

    UNE PRESSION DÉMOGRAPHIQUE ACCRUE

    En plus d’El Niño, la progression démographique humaine met à mal les ressources des îles. Sur un petit territoire - environ 80 fois moins étendu que l’Hexagone - et plutôt désertique, la population approche les 25 000 habitants, auxquels s’ajoute une foule annuelle d’environ 220 000 touristes.
    Sur Santa Cruz, l’une des 13 îles principales de l’archipel, 99 % des forêts de Scalesia ont disparu. Celles-ci abritent pourtant des communautés entières d’orchidées, de mousses et d’oiseaux. Les causes de son recul ? Le développement de l’agriculture et l’arrivée d’espèces invasives. Les ronces Rubus niveus se sont notamment propagées, étouffant le sol et empêchant les plantules de pousser.

    Jusqu’à présent, les animaux et les plantes des Galápagos ont réussi à se maintenir dans cet équilibre précaire. Mais les agressions provenant de sources multiples pourraient désormais se succéder trop rapidement. En raison du changement climatique, l’archipel sera confronté plus souvent à des épisodes d’El Niño sévères. Avec lui, l’accroissement de la température et des précipitations, ainsi qu’une possible élévation du niveau de la mer, provoqueraient de multiples stress pour les espèces.

     

    Retrouvez le reportage El Niño menace les Galápagos dans le n° 213 du magazine National Geographic, publié en juin 2017.

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