Les récifs coralliens survivront-ils à l'anthropocène ?

D'ici la fin du siècle, le monde pourrait assister à la disparition de ses fabuleux récifs coralliens, au grand désarroi de millions d'espèces marines… mais aussi de l'Homme. Et si notre dernier espoir se trouvait dans les super-récifs ?

De Johnny Langenheim
Publication 19 janv. 2024, 16:35 CET
Véritable épicentre mondial de la biodiversité marine, l'archipel des Raja Ampat compte également parmi les aires marines protégées qui incarnent un modèle de réussite. Mais alors, quel peut bien être le secret de son succès ?

Si les récifs coralliens sont souvent qualifiés de forêts pluviales des océans, c'est pour une bonne raison. Alors qu'ils occupent à peine 1 % de la surface totale des océans, ce ne sont pas moins de 25 % des espèces marines qui dépendent de cet écosystème pour survivre. En matière de biodiversité, les récifs coralliens n'ont donc rien à envier aux forêts tropicales et pourraient même, en réalité, les supplanter. 

Malheureusement, la comparaison ne s'arrête pas là, car tout comme les forêts tropicales, les récifs sont en danger. D'ici la fin du siècle, l'ensemble des récifs coralliens classés au patrimoine mondial de l'UNESCO pourraient bien cesser d'exister de manière fonctionnelle sous l'effet du réchauffement et de l'acidification des océans, sans oublier les facteurs aggravants comme les méthodes de pêche destructrices, l'extraction des ressources ou encore la pollution marine. Pour éviter ce scénario, il nous faudra adopter rapidement les principes de l'économie bleue, modifier notre mode de vie et notre relation avec l'océan tout en réduisant drastiquement les émissions de carbone au cours des prochaines décennies. 

Les coraux sont des animaux constitués de minuscules polypes se comportant comme des plantes. Ils dépendent d'une relation symbiotique avec la zooxanthelle, une algue unicellulaire vivant à l'intérieur du tissu des polypes auxquels elle transmet du sucre et d'autres nutriments grâce au processus de photosynthèse. Cependant, lorsque la température augmente, la zooxanthelle se met à produire des substances chimiques néfastes au lieu des habituels nutriments. Les polypes recrachent alors l'algue et arrêtent de produire les squelettes carbonés dont se composent les somptueux récifs qui colorent nos océans. Progressivement, les coraux perdent leurs couleurs dans un processus appelé blanchissement corallien.

La course est donc lancée pour sauver les récifs de l'extinction et tous les espoirs semblent se tourner vers une biorégion particulièrement prometteuse : le Triangle de corail. Si les récifs coralliens sont les forêts pluviales de nos océans, le Triangle de corail est la version sous-marine de l'Amazonie. Grande comme dix fois la France, cette biorégion abrite plus d'espèces marines que n'importe quel autre endroit de la planète et traverse à elle seule six pays : les Philippines, l'Indonésie, la Malaisie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les îles Salomon et le Timor oriental. Aucun concurrent ne peut rivaliser avec l'étendue et la richesse du Triangle de corail.

Deux scalaires savourent les gourmandises offertes par un récif corallien du détroit de Dampier, dans l'archipel des Raja Ampat, en Indonésie. Plus de 1 400 espèces de poissons évoluent dans les eaux qui entourent ces îles. 

PHOTOGRAPHIE DE DAVID DOUBILET AND JENNIFER HAYES

À l'intérieur de cette biorégion, une parcelle située au large de l'île de Papouasie-Nouvelle-Guinée a été identifiée par les scientifiques comme le royaume absolu de la biodiversité marine sur notre planète : Raja Ampat, le dernier bastion des récifs coralliens en bonne santé. À ce jour, les chercheurs ont identifié 574 espèces distinctes de coraux à Raja Ampat, soit 75 % du nombre total d'espèces répertoriées, et plus de 1 400 espèces de poissons, notamment des espèces endémiques uniques au monde.

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    L'explorateur National Geographic Titouan Bernicot nage au milieu des coraux des îles Raja Ampat, en Indonésie, une région considérée comme l'épicentre de la biodiversité sur notre planète par de nombreux scientifiques.

    PHOTOGRAPHIE DE DAVID DOUBILET AND JENNIFER HAYES

    Si l'archipel de Raja Ampat présente de nos jours une telle abondance, c'est en partie grâce aux efforts de conservation fournis par les communautés locales, les ONG et le gouvernement. En 2010, un cadre législatif historique entre en vigueur afin de protéger la totalité des espèces de raies et de requins. Puis, en 2015, la province de Papouasie occidentale est déclarée « Provinsi Konservasi » (Province de conservation, NDLR) par le gouverneur de l'époque qui marque ainsi une prise de distance vis-à-vis de l'extraction des ressources et un premier pas vers l'économie bleue, définie par la Banque mondiale comme l'utilisation durable des ressources marines pour favoriser la croissance économique et améliorer les moyens de subsistance et l'emploi, tout en préservant la santé des écosystèmes océaniques. L'initiative est couronnée de succès, notamment sur le plan financier : l'archipel des Raja Ampat attire désormais les plongeurs du monde entier. Qu’ils séjournent dans les hôtels ou sur les bateaux habitables, les visiteurs génèrent chaque année plusieurs centaines de milliers de dollars en droits d'entrée uniquement.

    Titouan Bernicot est le fondateur de Coral Gardeners, une organisation à but non lucratif dédiée à la restauration du récif corallien. Avec son équipe, il plante des coraux sur des structures artificielles afin d'aider le récif à se reconstruire.

    PHOTOGRAPHIE DE DAVID DOUBILET AND JENNIFER HAYES

    Si les récifs de Raja Ampat semblent mieux résister aux variations de température de l'océan, ce n'est pas uniquement parce qu'ils abritent des espèces de coraux adaptées à la chaleur, c'est aussi grâce à l'échange permanent d'espèces et de nutriments entre les divers systèmes coralliens interconnectés qui constellent les 40 000 kilomètres carrés de l'archipel des Raja Ampat, des atolls aux récifs frangeants en passant par les récifs-barrières.

    Mary Tapilatou est biologiste de la conservation ; on la voit ici prendre soin d'un requin-zèbre juvénile peu de temps après sa naissance à l'écloserie de Papua Diving. Membre d'une espèce autrefois répandue dans les eaux des Raja Ampat, le requin retrouvera la liberté dès qu'il sera assez grand et aura appris à chasser.

    PHOTOGRAPHIE DE DAVID DOUBILET AND JENNIFER HAYES

    Le site bénéficie également d'un emplacement protégé dans une région agitée par le flux traversant indonésien, un vaste courant océanique créé par le mélange des eaux du Pacifique Nord et de l'océan Indien générant une remontée d'eau froide riche en nutriment. C'est l'un des courants les plus importants de la planète et c'est la raison pour laquelle le Triangle du corail possède une telle abondance de biodiversité. Il est également possible que les coraux soumis au flux traversant aient évolué au fil du temps pour s'adapter à une plage de températures plus étendue que les coraux d'autres régions du monde. 

    Plus nous en apprenons sur les récifs coralliens, plus nous prenons conscience de leur influence cruciale sur la santé des écosystèmes océaniques à travers le monde et, par extension, sur la santé de notre espèce. Les récifs sont de véritables pouponnières pour des milliers d'espèces marines ; ils contribuent à peupler l'océan de poissons qui garantissent la sécurité alimentaire de millions d'êtres humains tout en générant plusieurs milliards de dollars en revenus touristiques. Ils offrent également une barrière naturelle contre les tempêtes dont la fréquence devrait s'accentuer à mesure que le réchauffement de la planète s'intensifie, selon les climatologues. Tout comme les forêts pluviales, les récifs coralliens séquestrent du dioxyde de carbone à hauteur de 99 millions de tonnes par an.

    Une tortue s'avance à travers un récif de surface du détroit de Dampier, dans l'archipel des Raja Ampat, en Indonésie. Ces eaux accueillent quatre des sept espèces de tortues marines connues à ce jour dans le monde. 

    PHOTOGRAPHIE DE DAVID DOUBILET AND JENNIFER HAYES

    Au même titre que les créatures vivant dans la jungle, certains organismes installés dans les récifs coralliens contiennent des substances chimiques qui ont déjà été utilisées pour développer des médicaments révolutionnaires. Le tout premier médicament utilisé pour traiter la leucémie a vu le jour grâce à des substances produites par une éponge caribéenne et il y a fort à parier que d'autres traitements attendent d'être découverts. 

    Pour aider les récifs coralliens à survivre à ce siècle, nous devons mieux les comprendre. C'est l'une des raisons pour lesquelles le Groupe Prada et la Commission océanographique intergouvernementale de l'UNESCO (COI-UNESCO) ont renforcé l'étendue de leur partenariat SEA BEYOND afin de soutenir la recherche scientifique en impliquant les communautés locales pour mieux cerner les atouts uniques de ces écosystèmes et sensibiliser à la nécessité de les préserver. Dans le cadre du programme SEA BEYOND, le Groupe Prada a ainsi soutenu la diffusion du documentaire Il Bianco Nel Blu, qui retrace les travaux scientifiques de Giovanni Chimienti, biologiste marin et explorateur National Geographic, sur la découverte du corail noir au large des îles Égades, en Italie. La présence de cette espèce rarissime est le signe d'un écosystème presque intact et permet d'approfondir la compréhension de la biodiversité marine en Méditerranée.

    En reversant un pour cent des ventes de la collection Prada Re-Nylon à l'initiative SEA BEYOND, le Groupe soutient les jeunes chercheurs en sciences marines dont les initiatives offriront une source d'inspiration aux futures générations de gardiens des océans.

    Découvrez ce que signifie comprendre l’océan pour le sauvegarder.

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