COP26 : qu’est-ce qui va changer en Europe ?

La COP26 s’est conclue par un accord signé à Glasgow samedi 13 novembre dernier. Quels engagements concrets ont été pris par les instances européennes ? Avec quelles conséquences ?

De Margot Hinry
Publication 23 nov. 2021, 14:03 CET, Mise à jour 23 nov. 2021, 15:39 CET
Mobilisations en France pour la COP26.

Mobilisations en France pour la COP26.

PHOTOGRAPHIE DE @Jan Schmidt-Whithley

Pour beaucoup d’ONG et d’activistes, les décisions prises lors de la COP26 sont trop peu ambitieuses, pas assez précises. Clément Sénéchal, chargé de campagnes politiques climatiques pour Greenpeace, considère que les COP servent à révéler les agenda internationaux des acteurs dominants « sur le plan géopolitique » et que cette année, ce plan était « écœurant ». « Ils forcent les asymétries de pouvoir, de ressources, au lieu d’organiser un partage équitable de l'effort » se désole-t-il.

L’accord de Glasgow mentionne une volonté de « travailler » au développement de voitures neutres en CO2 d'ici 2040, ou encore de « réduire » l’utilisation d’énergies fossiles. La sémantique a fait l'object d'heures de négociations, pour ne jamais imposer d'obligation ou d'interdiction aux signataires les plus réfractaires.

Au cours de la dernière semaine de négociation de la COP, l’Inde, troisième plus gros pollueur de la planète derrière la Chine et les États-Unis, a surpris les négociateurs en annonçant son engagement de neutralité carbone d’ici 2070. Soit vingt ans après la date butoir recommandée par les scientifiques.

 

DES CONSENSUS TROP TIMIDES

L’espoir est toujours présent, tout comme l’ambition croissante des jeunes générations. « Il y a des vraies notes d’espoirs, des avancées. Par exemple, la question des combustibles fossiles est enfin mise sur la table. Les combustibles sont responsables de 80 % des émissions de CO2 et jusqu’alors, ça n’avait jamais été écrit noir sur blanc dans un texte conclusif de COP » explique Elise Naccarato, responsable des campagnes climat chez Oxfam France.

Un accord a réussi à être trouvé à propos du méthane. Ratifié par plus de 90 États, il vise à « réduire drastiquement les émissions de méthane d’au moins 30 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2020 ». Parmi les signataires, l’Union européenne, l’Argentine, le Canada, le Brésil, les Etats-Unis, l’Irak et bien d’autres. Le méthane étant le gaz à effet de serre responsable d’un quart du réchauffement climatique depuis l’ère préindustrielle, cet accord est une avancée inédite. Cependant, le tiers des plus gros émetteurs, incluant la Chine, l’Inde et la Russie n’ont pas signé l’entente.

S’ajoute à cela l’engagement « Boga » visant à accélérer l’abandon progressif de l’utilisation et de la production d’énergies fossiles. « Beyond Oil & Gas » ce qui se traduit par « au-delà du pétrole et du gaz ». La France a rejoint une coalition regroupant un peu plus d’une dizaine de pays et régions, dont la Californie.

Près d’une centaine de pays s'est également engagée à mettre fin à la déforestation d'ici 9 ans. Une déclaration signée par la France laissant une marge de manœuvre jusqu’en 2030 aux pays signataires, où l'on trouve 85 % des forêts mondiales.

Concernant les énergies fossiles, la France a changé d’avis pendant la COP. D'abord réticente, elle a finalement rejoint la liste de ceux qui ne souhaitent plus financer à l’étranger les projets d’exploitation d’énergies fossiles sans techniques de captation du carbone d’ici la fin de l’année prochaine. « Il y a eu une grosse pression mise sur la France par les organismes et la mobilisation citoyenne pour qu’elle change de camp » révèle Elise Naccarato. Mais encore une fois, « le diable se cache dans les détails. On parle d’arrêt des soutiens financiers aux énergies fossiles sauf si elles sont compensées par des systèmes de capture. […] Il va falloir continuer à mettre la pression pour que la France se désengage vraiment. »

Les États se sont par ailleurs mis d'accord sur les règles d'application de l'article 6, l'un des derniers points de l'accord de Paris qu'il restait à négocier. Il régit les marchés carbone et va permettre d'échanger des réductions d'émissions entre pays, notamment au sein de l'Union européenne. « Le principe de la compensation carbone c’est de dépenser un peu d’argent pour continuer à faire beaucoup d’argent. […] Ceux qui ont les moyens de polluer vont continuer à le faire » s'indigne Clément Sénéchal.

Bien que des efforts soient notables, les prises de décisions ne parviennent pas à convaincre les activistes et environnementalistes. « Ça ne va pas assez loin, on devrait sortir de notre dépendance et arrêter les énergies fossiles. Or, ce n’est pas ce qui ressort. […] Cela reste timoré même si le fait que le sujet soit sur la table reste une vraie avancée » note Elisa Naccarato.

 

PAYS DU SUD, LES GRANDS OUBLIÉS ?

Les environnementalistes et activistes déplorent un accord trop centré sur l’économie des plus grands au détriment de l’avenir de la planète et de certaines zones géographiques. Les pays du sud notamment s’inquiètent du manque de décisions franches pour maintenir la hausse des températures en deçà de 1,5 degré. Seule la Gambie, pour le moment, a respecté sa trajectoire depuis la signature de l'Accord de Paris. L’accord de Glasgow a instauré un rendez-vous annuel aux pays signataires pour tenter de faire respecter les engagements pris sur le sol français en 2015.

Pour certains pays comme les Maldives, la Barbade ou le Mozambique, une hausse de 1°C reviendrait à ne plus avoir de terres à offrir à leurs petits-enfants. Les scientifiques le prévoient, les réfugiés climatiques seront de plus en plus nombreux ; on parle de plus de 143 millions de personnes.

« Les pays riches refusent de mettre l’argent demandé sur la table pour aider à la décarbonation de l’économie et [pour compenser les] dommages irréparables envers les pays les plus vulnérables et surtout les moins responsables du réchauffement climatique. […] La question des financements climat est souvent occultée parce qu’elle est technique, mais c’est la base des négociations climat à la COP » insiste Elise Naccarato.

Si le rythme actuel des plus gros pollueurs ne change pas, d’ici la fin du siècle, la planète se réchauffera de 2,4 à 2,7 degrés.

La présence de 503 personnes ayant des intérêts liés à l’énergie fossile n’aide en rien la prise de décisions radicales. Comme l’ONG Global Witness le mettait en lumière peu de temps avant le début de la COP, les lobbies étaient sur place et « plus nombreux que toutes les délégations de n’importe quels pays » confirme la porte-parole d’Oxfam France. « Les lobbies viennent coller les délégations nationales, ils sont même parfois invités par certaines d'entre elles et mettent une pression incroyable. […] Ce sont des intérêts toxiques, contradictoires avec ce qui est discuté. C’est un très, très gros problème ».

« En France, la vraie échéance sera la présidentielle. Se demander où est le climat dans les débats entre les candidat.e.s. Chez Oxfam, nous continuons à répéter #Pasdeclimatpasdemandat » conclut Elise Naccarato.

« Nos discours sont entendus, mais ils ne sont pas pris en compte dans les prises de décisions. Cette impression d’impuissance fait naître chez moi de l’éco-anxiété. Cette anxiété n’est pas forcément inhibitrice, elle peut aussi être motrice. Elle me pousse à renforcer mon engagement pour le climat » témoigne Manon Combe, étudiante ingénieure spécialisée dans le génie de l’environnement à UniLaSalle - EME à Rennes. L’étudiante s’est rendue à Glasgow avec son association, aujourd’hui elle appelle à « une convergence des luttes » et prône la force collective. « C’est le système qui est destructeur. À nous de le changer afin qu’il soit plus juste et durable ».

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