La pêche illégale est maintenant traquée depuis l'espace

Les bateaux pratiquant la pêche illégale sont surveillés par des écologistes. Ils risquent de menacer les ressources halieutiques dans les eaux en développement et des aires marines protégées.

De Sarah Gibbens
Un bateau de pêche sort en mer.
Un bateau de pêche sort en mer.
PHOTOGRAPHIE DE John Greim, Light Rocket, Getty

Des défenseurs des océans de l'organisation Oceana sont sur le pont pour lutter contre la pêche illégale. Ils s'essaient à une nouvelle méthode pour attraper les coupables : les données satellites.

C'est l'Automatic Identification System (AIS, en français Système d'identification automatique) qui fournit les données. À l'origine, l'AIS a été mis au point pour que les gros navires puissent communiquer leurs coordonnées par radio et éviter ainsi les collisions.

Dans un nouveau rapport d'Oceana, les chercheurs expliquent la façon dont ils ont utilisé les AIS collectés par le groupe de défense de l'environnement Global Fishing Watch pour suivre quatre bateaux de pêche qui essaient de passer entre les mailles du filet. Ce rapport permet de démontrer l'utilité des données AIS à l'avenir pour surveiller les bateaux qui pratiquent la pêche illégale.

« La pêche illégale est un fléau mondial qui met en danger les ressources halieutiques du monde entier », a déclaré Lacey Malarky, analyste pour Oceana et co-auteure du rapport. « C'est un véritable enjeu pour les pays dont l'économie repose en grande partie sur la pêche. [La pêche illégale] a un impact sur les populations locales qui dépendent des océans pour survivre ».

Dans un rapport publié par Greenpeace l'année dernière, il est estimé que la pêche illégale représente une perte de plus de 1,6 milliard d'euros en Afrique de l'ouest uniquement.

Les aires marines protégées, créées pour limiter la pêche dans ces zones et ainsi empêcher une baisse des populations d'animaux marins, sont également menacées par la pêche illégale. En effet, ces aires peuvent être difficiles à surveiller pour de nombreux pays.

 

SUIVRE LES NAVIRES QUI DISPARAISSENT

Dans les exemples analysés par Lacey Malarky et sa co-auteure Beth Lowell, les navires transmettaient des signaux AIS pendant un certain temps. À l'aide d'algorithmes, ils ont ensuite déterminer quand il n'y avait aucun signal émit pendant plus de 24 ou 48 heures.

« Cela arrive partout, dans tous les océans et dans les eaux territoriales de nombreux pays », a indiqué Lacey Malarky. « Ces quatre exemples ne sont que la partie émergée de l'iceberg ».

Le premier bateau de pêche à « disparaître » était le Tiuna, un navire panaméen. En octobre 2014, il a été localisé grâce à ses données AIS à l'ouest de la réserve marine des Galápagos, une des régions où la biodiversité est la plus riche au monde et qui abrite de nombreuses espèces de poissons lucratives. Ce n'est que 15 jours plus tard que le bateau a recommencé à transmettre des signaux, à l'est de la réserve.

Un navire de pêche panaméen a « disparu » à l'ouest de la réserve marine des Galápagos pour réapparaître à l'est de celle-ci 15 jours plus tard.
Courtesy of Oceana

Sur la période 2015 - 2016, le Corinthian Bay, un navire de pêche australien, est entré 10 fois dans une réserve marine pourtant interdite. Les données révèlent que le bateau a éteint son système AIS avant d'entrer dans la réserve, puis l'a rallumé en sortant de cette zone.

Sur une période d'un an, un navire de pêche australien a éteint son AIS à 10 occasions différentes, alors qu'il se trouvait près de la réserve marine des îles Heard-and-MacDonald.
Courtesy of Oceana

En 2014 et 2015, le bateau de pêche espagnol Releixo a « disparu » en entrant dans les eaux gambiennes après avoir quitté le port de Dakar au Sénégal. Au cours de cette période, le navire a ainsi disparu au minimum 21 fois, pendant 16 jours en moyenne à chaque disparition.

Pendant un an et demi, un navire de pêche espagnol a disparu à plusieurs reprises, dès qu'il approchait les eaux territoriales de la Gambie.
Courtesy of Oceana

Le dernier exemple mentionné par le rapport est celui de l'Egaluze, un autre navire espagnol, qui, en 2012 - 2013, sur une période de sept mois, a éteint son système AIS alors qu'il se trouvait dans les eaux territoriales de cinq pays africains. Le bateau a également éteint son système de contrôle de navigation alors qu'il était en haute mer.

Pendant sept mois, un second navire de pêche espagnol a éteint son système AIS alors qu'il se trouvait dans les eaux territoriales de cinq pays africains et en haute mer.
Courtesy of Oceana

« Les régions mentionnées dans le rapport sont des zones où la pêche illégale est très forte », a déclaré Laney Malarky. « Lorsqu'un bateau disparaît, il est possible qu'il fasse quelque chose de suspect. Malheureusement, comme nous ne pouvons pas voir ce qu'il fait, nous ne pouvons pas prouver que ce qu'il fait est illégal ».

Les bateaux de pêche peuvent avoir besoin de désactiver leur système de détection AIS pour échapper aux pirates par exemple.

« Il est difficile de faire la différence entre une désactivation volontaire de l'AIS, une panne du système ou des problèmes de couverture satellite », a expliqué Juan Mayorga, scientifique de données marines, qui a publié un rapport le mois dernier reprenant les données du Global Fishing Watch. Dans son étude, il estime qu'un tiers de la planète est concernée par la pêche industrielle.

« Malgré ces contraintes, nous pouvons utiliser ces données pour la première fois afin d'étudier des comportements suspects et éventuellement identifier ceux qui sont illégaux. Un navire qui disparaît nous indique désormais où et quand regarder », a ajouté Juan Mayorga.

 

PLUS DE TRANSPARENCE

Le rapport donne plusieurs recommandations destinées à accroître la transparence autour de la désactivation des systèmes AIS des navires.

L'une d'entre elles concerne la taille du navire. L'Organisation maritime internationale exige que tous les navires à passagers, les pétroliers et les navires excédant un certain poids transmettent l'AIS. L'UE applique cette réglementation uniquement pour pour les navires dépassant 15 mètres de long. Les gouvernements peuvent aussi décider pour quels bateaux cette exigence s'applique. Pour les écologistes, cela constitue une faille de taille.

« Aucune norme mondiale n'existe vraiment », a ajouté Lacey Malarky

Dans son rapport, elle recommande aux gouvernements qu'ils exigent des navires arrêtant de transmettre des AIS d'expliquer pourquoi ils l'ont fait. Elle conseille aussi aux États de renforcer les méthodes de vérification de l'application de la loi pour punir, et donc prévenir les activités illégales.

En plus de protéger les zones halieutiques en développement des pays, les bonnes pratiques en terme d'AIS pourraient fortement contribuer à atteindre l'objectif des Nations-Unies concernant la protection de 10 % des océans d'ici 2020. Un objectif que nous ne réaliserons certainement pas.

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