Quelles sont les banques françaises les plus engagées pour le climat ?

« La première empreinte carbone individuelle, sans qu’on le sache, c’est notre compte en banque. C’est un levier fondamental de la transition écologique. »

De Margot Hinry
Publication 23 mai 2022, 16:13 CEST
La botte illuminée

Le 26 janvier 2016, Scott Kelly a capturé cette photographie nocturne de l'Italie et des Alpes. Mais les lumières sont loin d'être propres : plus de 80 % de l'énergie de l'Italie provient de la combustion d'énergie fossile.

PHOTOGRAPHIE DE Scott Kelly, NASA

L’argent que vous épargnez a-t-il une empreinte carbone importante ? Lorsque l’on souhaite agir pour le climat et réduire son impact sur l’environnement, on envisage rapidement de revoir ses modes de déplacement ou de limiter sa consommation de viande. Repenser sa manière d'épargner n’est pas spontané. Et pourtant, selon Alexandre Poidatz, chargé de plaidoyer financement de la transition écologique pour Oxfam, « la première empreinte carbone individuelle, sans qu’on le sache, c’est notre compte en banque. Notre argent n’est pas du tout neutre vis-à-vis du climat. C’est un levier fondamental de la transition écologique. Tous les financements d’aujourd’hui façonnent le monde de demain ».

L’argent ne dort jamais. Les produits d’épargne et tous les comptes bancaires servent à « réaliser les prêts accordés aux particuliers et aux entreprises » explique Paul Kielwasser, responsable des audits de produits financiers durables chez Novethic. Tout montant de dépôt collecté par une banque sera potentiellement prêté. « En ayant un compte en banque, dans une banque qui accorde des prêts à des entreprises du secteur des énergies fossiles, on peut considérer que notre argent fait partie de ces secteurs. »

Aujourd’hui, toute personne possédant un compte bancaire peut avoir un fort impact sur le climat, qu’il soit positif ou négatif. En 2020, un rapport d’Oxfam France alertait sur les financements de six banques françaises. Leur impact était tel que les prévisions conduisaient à un réchauffement de plus de 4°C d’ici 2100.

« Selon nos études, sur le podium des trois entreprises les plus polluantes en France en 2020, il y avait trois banques. BNP Paribas, la Société Générale et le Crédit Agricole. Elles ont chacune une emprunte carbone supérieure à l’ensemble du territoire, ce qui est massif. Elles financent des projets à travers le monde […] elles continuent d’investir dans des projets d’énergies fossiles, des particuliers ou des entreprises qui ne sont pas du tout alignés avec les Accords de Paris » soutient Alexandre Poidatz.

Parmi les mauvais élèves, la Banque Populaire et la Caisse d’épargne sont également comptés parmi les pires pollueurs.

Sans le savoir, bon nombre de Français contribuent chaque jour au financement d’énergies fossiles aux quatre coins du monde, rien qu’en épargnant. D’après Paul Kielwasser, il est tout à fait possible, même sans avoir de formation ou de connaissances poussées en économie, de se renseigner et de déterminer avec sa banque les moyens d'épargner de manière plus responsable.

Alexandre Poidatz précise que depuis la parution de l’étude d’Oxfam de 2020, les choses ont quelque peu évolué. Certaines banques ont pris des décisions radicales. « En 2021, la Banque Postale et le Crédit Mutuel ont pris des engagements dans la bonne direction. La Banque Postale s’est engagée à ne plus financer les énergies fossiles depuis octobre 2021, ce qui change complètement la donne. C’est la première banque de cette taille dans le monde entier qui s’engage là-dessus. »

L’enjeu est encore de comprendre à quoi sert notre argent, une fois qu’il est placé. D’après le chargé de plaidoyer financement de la transition écologique pour Oxfam, « c’est le gros problème. Dans les placements très spécifiques que l’on fait, l’enjeu est de comprendre où va notre épargne, et quelle est la politique générale de la banque, à qui elle va accorder des prêts ? On est souvent face à des acteurs bancaires qui ne sont pas transparents sur les investissements et les financements ». 

Un nuage de pollution flotte au-dessus de Lyon. La COP26, qui se réunira à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre, a cherché à accélérer les efforts faits par les pays du monde entier pour limiter le réchauffement climatique.

PHOTOGRAPHIE DE Philippe Desmazes, AFP, Getty Images

FONDS ISR, FINANCEMENTS VERTS, LABEL GREENFIN : QUE CHOISIR ?

« Avant les labels, même si un épargnant déclarait vouloir des fonds durables, il était tributaire de l’information que voulait bien lui communiquer son conseiller bancaire sur leur stratégie d’investissement. Les labels, c’est une manière pour les pouvoirs publics d’offrir une visibilité aux épargnants » précise Paul Kielwasser. Et ce grâce à des cahiers des charges et des engagements précis.

Comme en témoigne Novethic dans sa dernière étude sur les différents labels européens de finance durable, « la France est le seul pays disposant aujourd’hui de deux labels soutenus par des ministères différents. D’un côté le label ISR, garant d’une prise en compte de caractéristiques ESG dans la sélection des investissements, aujourd’hui en cours de refonte, et de l’autre le label Greenfin, spécialisé dans l’investissement à thématique environnementale. »

À ce jour, le label le plus répandu en France et en Europe est l’investissement socialement responsable (ISR). Il est géré par le ministère de l’Économie et prône une finance « plus durable que verte », d’après les experts. « Le financement doit prendre en compte l’environnement, le social et la gouvernance. […] Mais lorsque l’on est labellisé ISR, il n’y a pas d’interdiction à investir dans les énergies fossiles » déplore Paul Kielwasser.

Le porte-parole d’Oxfam alerte sur les nombreuses formes de greenwashing existantes, comme dans le cas du label ISR et des investissements pour les énergies fossiles. « Il y a de manière générale un problème de réglementation. Les établissements bancaires sont peu contraints de donner de la documentation sur leur politique à leurs clients. »

Plus favorable aux financements liés à l’environnement, le label Greenfin a été créé en 2015 par le ministère de la transition écologique. « C’est un label de finance verte. L’impact environnemental positif est l’objectif central de la stratégie des fonds qui vont bénéficier de la certification. Greenfin s’adresse à des fonds d’investissements qui vont financer des infrastructures comme par exemple des parcs éoliens ou des panneaux solaires » témoigne Alexandre Poidatz.

Certaines structures investissent dans des thématiques moins facilement identifiables comme durables et vertes. Alexandre Poidatz revient sur les conditions d'obtention du label Greenfin. « Il est strictement interdit d’investir dans des entreprises qui ont plus de 5 % de leur chiffre d’affaires en lien avec, soit la filière nucléaire, soit avec les combustibles fossiles, au gaz ou au charbon. Typiquement, il est impossible de détenir une action Total. Le deuxième aspect, c’est qu’il faut détenir, en proportion de tous les investissements du fond, des entreprises qui réalisent plus de 50 % de leur chiffre d’affaires dans des activités vertes. »

L’auditeur de Novethic  conseille de « s’intéresser aux pratiques de la banque dans laquelle on dépose son argent » tout en s’appuyant sur les labels comme Greenfin ou « les outils de vulgarisation à destination du grand public, pour aider les gens qui ne sont pas spécialistes de la finance à avoir un impact environnemental plus positif. »

Parmi ces outils, l’application Rift permet de scanner l’impact environnemental et sociétal de l’épargne de chacun.e afin de pouvoir définir, dans le cas d’une volonté de finance durable, vers quelles options se tourner.

« On préfère dire qu’il faut changer les banques que de changer de banque ! Le but, c’est que toute la finance puisse se tourner vers la transition écologique » conclut Alexandre Poidatz.

« On préconise de discuter avec son banquier pour trouver des produits financiers adaptés au sein de sa banque. On pense que c’est comme ça que les grandes banques vont se mettre à créer des produits financiers qui seront performants d’un point de vue environnemental et social. Depuis plusieurs années de grandes banques sont dans cette dynamique » ajoute Léo Garnier de l’application Rift.

Pour conclure, les experts en finance durable conseillent de choisir parmi les trois options suivantes. Interpeller son banquier, agir directement sur son épargne, et lorsqu’aucune de ces options ne convient, il existe également la possibilité de placer son épargne dans des banques éthiques, comme le Crédit Coopératif ou la NEF, qui garantissent des financements verts.

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