Surpopulation ou extinction : en 2030, nous serons 8,5 milliards sur Terre

« Ce ne sont probablement pas tant les chiffres qui sont terrifiants, mais ce qu'ils impliquent pour de très larges parts de la population mondiale en termes de souffrances futures. »

De Margot Hinry
Publication 11 juil. 2022, 08:30 CEST
Bien que le carrefour de Shibuya soit réputé comme le plus fréquenté au monde avec, aux ...

Bien que le carrefour de Shibuya soit réputé comme le plus fréquenté au monde avec, aux heures de pointe, plus de 2 000 personnes qui le traversent en tous sens, une foule dense y circule harmonieusement.

PHOTOGRAPHIE DE James Whitlow Delano

D’après les Nations unies, il aura fallu des centaines de milliers d’années pour dépasser le nombre symbolique d'un milliard d'êtres humains sur Terre, mais seulement deux-cents ans pour multiplier ce chiffre par sept. D’ici 2050, d’après les scientifiques, nous serons environ 9,7 milliards à cohabiter sur cette planète. Il devient par conséquent urgent d'adapter nos modes de consommation et de répartir nos ressources de manière plus équitable pour espérer construire un avenir durable.

Les chiffres de l’augmentation de la population en eux-mêmes ne sont pas alarmants, nous serions d'ailleurs « en voie de stabilisation » selon Gonéri Le Cozannet, chercheur au Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM). Le plus inquiétant serait plutôt ce que ces chiffres « impliquent pour de très larges parts de la population mondiale en termes de souffrances futures qui auraient pu être évitées » regrette Jacob Durieux, archéologue au Laboratoire autonome d'anthropologie et d'archéologie de Paris.

L’espace disponible sur Terre ne manque pas. Pour les chercheurs, le problème se situe plutôt dans notre « système socio-économique global ». Comme l’affirme Jacob Durieux, « l'air et l'eau, leur innocuité, leur abondance et leur disponibilité sont au centre de débats qui auront du mal à prendre un ton rationnel tant qu’ils seront liés à la sphère économique, éminemment spéculative. »

Selon les rapports du GIEC et des experts de l’IPBES, la vraie question est celle des modes de vie occidentaux. Gonéri Le Cozannet rappelle ainsi que 10 % des populations les plus riches de la planète sont responsables d'entre 36 % et 45 % des émissions globales de gaz à effet de serre. « Même s’il l'on divise par dix la population sur Terre, si l’on maintient le mode de consommation des habitants les plus riches, on ne résout pas le problème », car l’empreinte carbone des plus riches est 175 fois plus importante que les 10 % des ménages les plus pauvres.

Selon Élise Naccarato d’Oxfam France, ces dernières années, la demande mondiale en ressources par habitant a explosé, qu’elle soit énergétique ou alimentaire. « Plus de population ne rime pas avec plus de pénuries si les ressources sont réparties correctement. Aujourd’hui, on produit assez pour nourrir une fois et demie la population mondiale, mais il y a quand même une personne sur dix qui souffre de malnutrition. Comme quoi, il s’agit réellement d’un problème d’accès à ces ressources. […] Ce n’est pas une fatalité, cela dépend de notre système socio-économique. »

Si la population mondiale a plus que triplé entre 1950 et 2020, cela s'explique à plusieurs niveaux. Malgré la hausse des températures mondiales liée au réchauffement climatique, aux diverses crises sanitaires et sociétales, aux épisodes de sécheresse et aux grandes famines, la population continue d’augmenter.

Selon l’archéologue Jacob Durieux, cela s’explique notamment par « le perfectionnement des sciences médicales aux 19e et 20e siècles qui ont amené la vaccination, les antibiotiques de synthèse en grandes quantités et une prise de conscience radicale des effets de la prophylaxie ». Élise Naccarato précise par ailleurs qu’au cours du 20e siècle, « la révolution industrielle a permis l’amélioration de l’accès à l’alimentation et à diverse ressources. Ce sont des facteurs structurels tels que la baisse de la mortalité infantile qui ont permis cette hausse des populations. Malheureusement, l’augmentation de la population a également fait grandir les inégalités » déplore l’experte Oxfam France.

 

UN NÉCESSAIRE CHANGEMENT GLOBAL

« La durabilité du système est en relation directe avec sa capacité à résoudre ses problèmes, avec la volonté des acteurs d'améliorer la situation collectivement » assure l’archéologue.

Afin de pouvoir évoluer dans un monde à plus de 9 milliards d’habitants, des virages d’adaptation doivent être empruntés, car comme l’affirme Gonéri Le Cozannet, il ne s’agit pas d’un problème de nombre d’habitants, mais de modes de vie. En s’appuyant sur les analyses du GIEC, l’expert décrit les modes de vie permettant de s'adapter au mieux aux changements environnementaux et à la hausse démographique.

« On pense à des villes végétalisées avec des moyens de transports collectifs, un trafic autorisé réduit au strict minimum, avec des moyens logistiques très efficaces. C’est un mode de vie plutôt urbain, dans des villes assez denses. […] C’est une agriculture basée davantage sur les végétaux, en mangeant moins de viande, de manière à limiter la pression que l’agriculture exerce sur les sols. En faisant tout cela, nous pourrions tout à fait vivre à 10 milliards d’habitants en 2050, en ayant atteint les objectifs de développement durable, c’est-à-dire en réduisant la pauvreté, la faim et en limitant les changements climatiques. »

Les constats des derniers rapports scientifiques sont alarmants : de plus en plus d’épisodes de sécheresse, des régions côtières menacées et surtout une accumulation des catastrophes naturelles laissant les populations les plus vulnérables dans des situations de détresse.

« La littérature scientifique explique que la question de la végétalisation est très importante pour une ville qui s’est adaptée aux changements climatiques. Afin d’atténuer les canicules, il faut créer des îlots de chaleur et atténuer la chaleur urbaine. On peut aussi travailler sur les ombres, la couleur des bâtiments… C’est un objectif compatible avec le fait de préserver au maximum la biodiversité » affirme Gonéri Le Cozannet. « L'inconnue la plus inquiétante, c’est le mode de vie des plus riches à l’avenir. »

Les scientifiques sont unanimes, il faut repenser le modèle socio-économique et adapter nos habitudes de consommation « pour que ce modèle soit plus durable, notamment grâce à des techniques d’agroécologie » explique Élise Naccarato. « Tous les modèles socio-économiques prouvent que l’on peut sans problème nourrir tout le monde, mais il faut faire les bons choix économiques. Aujourd’hui, on ne prend pas les bonnes décisions » estime-t-elle. À échelle globale, bien que la consommation des ressources ralentisse, le partage est encore très inégal. « Les ressources, on les a. Le problème, c’est l’inégalité de l’accès aux ressources, les pays riches consomment plus de ressources, émettent plus de CO2. Côté alimentation, on gaspille environ un tiers des ressources alimentaires mondiales d’un bout à l’autre de la chaîne, que ce soit dans la production ou la distribution. […] Depuis les années 1960, on a multiplié par quatre notre consommation de viande, or, c’est l’aliment qui est le plus néfaste pour l’environnement, qui émet le plus de gaz à effet de serre et qui est le plus inégalitaire. Des changements de comportements permettraient de nourrir tout le monde. »

Selon Goneri Le Conazet, il faut maintenant agir sur le retard que l’on prend sur l’adaptation de nos modes de vie. Il faut prendre en main la question de la transition énergétique et celle de la conservation de la biodiversité.

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