Des ondes radio provenant d'une autre galaxie ont été observées

Depuis longtemps, les scientifiques imaginent que la structure de notre univers ressemble à une immense toile. L'un de ses filaments s'est enfin laissé observer.

De Nadia Drake
Cette image composite montre les amas de galaxies Abell 0399 et Abell 0401. Tous deux sont ...
Cette image composite montre les amas de galaxies Abell 0399 et Abell 0401. Tous deux sont imprégnés de plasma haute température qui émet des rayons X (rouge). Les données micro-onde de l'observatoire spatial Planck montrent un dégagement brumeux de matière reliant les deux amas (jaune) alors que les données du radiotélescope LOFAR révèlent le filament d'émissions radio provenant de la brume ainsi que des galaxies ponctuelles qui forment l'amas.
PHOTOGRAPHIE DE DSS optical, Xmm-newton Satellite x-rays, Planck Satellite microwaves, Lofar rádio

À un milliard d'années-lumière de la Terre se déroule actuellement un spectacle hors du commun : la lente collision de deux amas de galaxies. Les observations de ce phénomène ont pour la première fois permis de détecter un filament d'ondes radio reliant ces deux amas, tel le fil d'un collier de perles galactiques.

Ces émissions radio s'étendent sur 10 millions d'années-lumière et dessinent l'un des filaments du « réseau cosmique », la structure selon laquelle serait répartie la matière dans l'univers.

Bien que les astronomes aient déjà pu observer la multitude de galaxies et d'amas qui composent les nœuds de ce réseau cosmique, c'est l'observation des filaments qui relient les galaxies qui posait problème. La nouvelle image sur laquelle on distingue d'un flux de plasma entre les amas de galaxies Abell 0399 et Abell 0401 est la première du genre.

« On n'avait jamais observé d'émissions radio reliant deux amas, » indique Federica Govoni de l'Institut national d'astrophysique en Italie, auteure de l'article paru dans la revue Science. C'est aujourd'hui chose faite et cette découverte pourrait aider les astronomes à mieux comprendre l'univers dans ses plus vastes dimensions.

 

SOMBRES FILAMENTS

Selon les théories actuelles, l'univers serait imprimé d'un filigrane uniforme composé d'immenses espaces vides intercalés de filets de galaxies en torsade et de groupements galactiques colossaux situés au niveau des intersections. Jusqu'à présent, les astronomes n'avaient pu observer que ces nœuds cosmiques : les amas. Ces gigantesques bouquets célestes rassemblent parfois des milliers de galaxies ficelées les unes aux autres par la gravité.

Truffés de gaz chauds, de matière noire dense et d'étoiles flamboyantes, les amas de galaxies sont observables sur le spectre électromagnétique, ce qui signifie que les astronomes peuvent distinguer leurs caractéristiques sur les longueurs d'ondes du visible, des infra-rouges, des rayons X, des rayons Gamma, et des ondes radio. D'ailleurs, des observations réalisées au radiotélescope avaient déjà permis de distinguer un halo d'émissions radios au centre de certains amas, dont Abell 0399 et Abell 0401.

En revanche, l'espace entre ces amas baptisé milieu intergalactique est quant à lui sombre et très peu peuplé, ce qui rend particulièrement difficile toute observation lorsque l'on tient compte des distances en jeu : l'amas de galaxies massif le plus proche de notre propre Groupe local de galaxies et de son voisin l'amas de la Vierge se trouve à 65 millions d'années-lumière.

Tous ces obstacles n'ont pas suffi à empêcher Govoni et ses collègues de s'intéresser il y a peu à l'intervalle qui sépare Abell 0399 et Abell 0401. Plus tôt, l'observatoire spatial Planck avait détecté ce qui semblait être un filament ténu de matière reliant les deux systèmes, une observation qui a immédiatement éveillé la curiosité de l'équipe et l'a poussée à se demander si les champs magnétiques s'étendaient par-delà les amas.

 

OUVERTURE DES PORTES

À l'heure actuelle, ces deux amas n'en sont qu'aux prémices de leur fusion. Bien qu'ils soient voués à s'entrechoquer, 9,8 millions d'années-lumière les séparent encore de cet instant fatidique où leur union donnera naissance à un superamas, encore plus massif. Mais pour l'instant, les deux tourtereaux ont mieux à faire comme bouleverser l'espace intergalactique à grands coups d'ondes de choc, de lignes de champ magnétique et de particules envoyées parcourir le vide qui les sépare.

Ce sont les effets de ces perturbations qui ont été observés par Govoni et son équipe à l'aide du plus grand radiotélescope au monde, le LOw-Frequency ARray, ou LOFAR pour les intimes, composé de 50 000 interféromètres répartis sur cinq pays européens.

Cette vue aérienne montre l'une des nombreuses stations à antenne du radiotélescope Low-Frequency Array, ou LOFAR.
PHOTOGRAPHIE DE Astron

Le LOFAR a en fait détecté les ondes radio émises par des électrons voyageant à une vitesse proche de celle de la lumière. Appelées rayonnement synchrotron, ces ondes sont produites lorsque des électrons hautement énergétiques se déplacent dans un champ magnétique. Ces émissions radio sont probablement courantes à travers le réseau cosmique mais elles dépassent de loin les limites de détection des télescopes actuels, explique Govoni.

« Le signal détecté dans cette étude est jusqu'à cent fois plus intense que certaines prévisions théoriques des émissions synchrotron, » nous informe l'astronome Tracy Clarke de l'United States Naval Research Laboratory. « Cela s'explique probablement par son accentuation dans cette région située entre deux amas sur le point de fusionner. »

Le filament, qui s'étend sur une incroyable distance, soulève maintenant des questions sur la façon dont le rayonnement synchrotron a bien pu se produire sur une zone aussi vaste, étant donné que les scientifiques ne sont pas en mesure d'expliquer comment les électrons ont pu être accélérés en permanence jusqu'à atteindre une vitesse proche de celle de la lumière sur une aussi longue distance.

« De nouvelles portes s'ouvrent donc sur l'exploration de phénomènes comme la distribution des particules dans les filaments, la force du champ magnétique et potentiellement son origine ainsi que les processus d'accélération ou de ré-accélération qui entrent en jeu au sein des filaments, » conclut Clarke.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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