La sonde qui s'est approchée au plus près du Soleil nous livre son premier récit

Les premiers résultats de la sonde solaire Parker apportent de nouveaux indices sur les plus grands mystères de notre étoile… et certaines observations inattendues.

De Nadia Drake
Publication 18 déc. 2019, 14:38 CET
Cette illustration représente la sonde solaire Parker à l'approche du Soleil. Lancée en 2018, cette sonde ...
Cette illustration représente la sonde solaire Parker à l'approche du Soleil. Lancée en 2018, cette sonde est aujourd'hui plus proche de notre étoile qu'aucun objet conçu par l'Homme ne l'a jamais été.
PHOTOGRAPHIE DE Illustration de NASA/Johns Hopkins APL/Steve Gribben

Depuis des milliards d'années, le Soleil dissimule ses secrets dans un maelstrom d'énergie portant le nom de couronne solaire. Incroyablement chaud et ultra-virulent à l'occasion, cette enveloppe tumultueuse de plasma magnétisé dépassant le demi-million de degrés est un terrain sur lequel aucun engin spatial n'a jamais osé s'aventurer… jusqu'à présent.

Mercredi dernier, quatre études parues dans la revue Nature présentaient les premières données transmises par la sonde solaire Parker envoyée par la NASA. Dans le cadre de cette mission sans précédent, la sonde s'est approchée du Soleil à une distance jamais atteinte auparavant, battant par trois fois le précédent record à ce jour, et a ainsi pu goûter au souffle coronal de cet astre flamboyant. Ces rencontres intimes permettent d'ores et déjà de résoudre certains mystères solaires tout en charriant leur lot de découvertes inattendues.

« Parker est en train de faire ce qu'aucune sonde n'avait réalisé jusque-là, » déclare Sarah Gibson du National Center for Atmospheric Research. « Je suis impatiente de voir ce qui arrivera par la suite, les premiers résultats sont très prometteurs. »

Comprendre : le Soleil

Grâce à ces observations fusionnelles, il sera possible de démêler les énigmes fondamentales posées par la physique solaire et prédire avec plus de précision les éruptions solaires dirigées vers la Terre. Baptisés éjections de masse coronale, ces dangereux nuages de particules hautement énergétiques donnent naissance à des aurores qui ensorcellent notre ciel jusqu'aux latitudes moyennes, mais pourraient tout autant heurter les satellites de communication, plonger les réseaux électriques dans le chaos et asséner un coup fatal aux astronautes.

« Lorsqu'on évoque les menaces provenant de l'espace, le public pense généralement au météore qui a tué les dinosaures, » déclare David McComas, auteur de l'étude rattaché à l'université de Princeton. « Mais si un événement météorologique spatial de grande envergure anéantit une bonne partie de nos technologies, le risque est encore plus grand pour nous aujourd'hui. »

 

EN ROUTE POUR LE SOLEIL

Le lancement de la sonde solaire Parker a eu lieu en août 2018 et son premier survol du Soleil au mois de novembre 2019. Au cours des sept années que durera sa mission, la sonde flirtera avec le Soleil à 24 reprises en réduisant la distance à chaque passage jusqu'à s'approcher à moins de 6,5 millions de kilomètres de la surface de notre étoile.

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    DAISY CHUNG, NGM STAFF SOURCE: JOHNS HOPKINS UNIVERSITY APPLIED PHYSICS LABORATORY
    PHOTOGRAPHIE DE Ngm Staff

    Avec quatre instruments à son bord, la sonde traversera la couronne solaire et prendra des mesures de l'atmosphère solaire tout en essayant de flairer les origines du vent solaire, ces nuages de particules énergétiques fusant à toute vitesse que le Soleil expire inlassablement. Il est primordial de s'approcher si près du Soleil puisqu'à cette distance, la sonde pourra goûter au vent solaire dans son état le plus brut, chose qu'il nous est difficile de faire sur Terre.

    « Le temps qu'il nous arrive, il a évolué. Il a changé, il a été digéré, une grande partie des structures et des éléments qui pourront nous en apprendre plus sur ses origines ont été souillées ou atténuées, » explique Gibson à propos du vent solaire. « Parker va plonger là où ce vent est le plus jeune et effectuer des relevés où il est le plus pur. »

    Les scientifiques savent déjà que les vents supersoniques les plus violents proviennent de trous magnétiques dans la couronne solaire où les températures sont plus faibles. En revanche, l'origine des vents solaires moins rapides et plus denses reste un mystère. Là où la surface du soleil se consume à une température relativement froide de 5 500 °C, la couronne supérieure dépasse quant à elle les 500 000 °C.

    « Le Soleil doit forcément libérer un excédent d'énergie que nous ne voyons pas, » indique Justin Kasper de l'université du Michigan, également auteur de l'étude. « En fait, il doit même larguer cette énergie. Nous devons donc trouver un mécanisme qui propulse de l'énergie dans l'espace avant de la déposer. »

     

    GROS TEMPS EN MER SOLAIRE

    Parmi ces premières observations, la plus étonnante est peut-être la présence de vagues magnétiques sensationnelles qui balaient l'atmosphère solaire et augmentent soudainement la vitesse de ses vents, parfois de plus de 480 000 km/h, en causant dans certains cas une inversion totale du champ magnétique local.

    « Le vent se déplace si rapidement, et cette chose qui passe devant nous est si violente, qu'elle renverse le champ magnétique à 180 degrés en moins d'une seconde, » rapporte Kasper. « Nous avons tout de suite pensé : "Qu'est ce que c'est que ça ?" »

    Lors de ses deux premiers passages, la sonde solaire Parker a croisé environ un millier de ces vagues qui localement sont des titans, mais restent trop petites pour être détectées depuis la Terre. Elles durent de quelques secondes à plusieurs minutes, bouleverseraient totalement une boussole ordinaire et n'ont pas de source évidente.

    L'équipe a donné le nom de « switchbacks » (revirements) à ce phénomène et pour certains scientifiques, s'il s'avérait que ces vagues déposent de l'énergie, elles pourraient jouer un rôle dans la surchauffe de la couronne solaire. Cependant, l'origine de ces soubresauts reste encore incertaine et les chercheurs ne savent pas s'ils s'intensifieront ou se multiplieront à mesure que la sonde se rapprochera du Soleil.

    Un autre élément intrigant est la vitesse latérale du vent solaire. Le Soleil fait un tour sur son axe tous les 24,5 jours terrestres, une rotation dans laquelle il entraîne le nuage de particules qui l'entoure. Au moment où le vent solaire atteint la Terre, il se déplace radialement, en s'écoulant vers l'extérieur comme l'eau qui jaillit d'un arroseur rotatif.

    Un comportement tout à fait logique, mais lorsque la sonde solaire Parker a survolé l'hémisphère sud du Soleil, elle a relevé la vitesse de rotation du vent solaire et constaté qu'il se déplaçait autour du Soleil bien plus rapidement que quiconque ne l'imaginait possible à une telle distance.

    « C'est presque 20 fois plus que les prévisions du modèle standard du Soleil et de sa rotation, » déclare Kasper. « Nous avons raté quelque chose de fondamental à propos de la couronne et des vents solaires. »

    Une vitesse excessive des vents solaires peut affecter le rythme auquel une étoile évolue ; les étoiles jeunes tournent rapidement et ralentissent au fil du temps en perdant l'énergie à travers ces vents. Même s'il ne semble pas que notre Soleil se consumera plus rapidement que prévu, ces vents étrangement rapides indiquent qu'il pourrait réduire sa vitesse de rotation plus promptement à mesure qu'il prend de l'âge.

    De façon plus immédiate, cette vitesse de rotation surprenante pourrait également affecter les prévisions des trajectoires et des horaires d'arrivée des éjections de masse coronale (EMC), ces spasmes solaires capables de nuire aux réseaux électriques sur Terre.

    « Souvent, les EMC progressent dans une direction que nous n'avons pas prévue [...] s'il y a d'importants mouvements latéraux, ce qui pourrait expliquer en grande partie pourquoi nos prévisions des éjections de masse coronale sont biaisées, » explique Kasper. « Je ne dirais pas que nous sommes nuls dans ce domaine, mais nous ne sommes pas très bons. »

     

    POUSSIÈRE NON GRATA

    À mesure que sa mission se poursuit, la sonde solaire Parker apportera sans aucun doute d'autres surprises. Tout d'abord, elle est sur le point de détecter une zone autour du Soleil dont l'existence est suspectée depuis fort longtemps sans n'avoir jamais été démontrée, une zone où il fait si chaud « qu'aucune poussière ne peut survivre », déclare Russel Howard du Naval Research Laboratory des États-Unis, également auteur de l'étude. Cette zone dénuée de poussières échappe à la détection depuis la prédiction de son existence en 1928, et ce, même pendant les éclipses solaires, lorsque l'environnement voisin du Soleil est nettement plus facile à observer depuis la Terre.

    Et à l'heure où l'activité du Soleil commence à s'intensifier après avoir atteint le minimum de son cycle de 11 ans, les scientifiques s'attendent à ce que la mission devienne de plus en plus intéressante. Par-dessus tout, l'équipe espère que la sonde solaire Parker aura l'occasion d'observer la boucle d'une éjection de masse coronale monstrueuse, un événement d'autant plus probable que le Soleil sort peu à peu de sa léthargie.

    « Nous espérons assister à l'éjection de masse coronale la plus puissante et la plus rapide que le Soleil puisse produire, » témoigne Nour Raouafi, scientifique de projet au Johns Hopkins Applied Physics Laboratory. « S'il te plaît, donne tout ce que tu as. »

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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