Ces explosions pourraient être les dernières avant que l'univers ne sombre dans l'obscurité

Si les nouveaux calculs sont fiables, l’explosion des naines blanches dans des (centaines) de trillions d'années sera un ultime feu d'artifice cosmique, avant que l’univers ne sombre dans une obscurité dépourvue de vie.

De Dan Falk
Publication 18 août 2020, 17:18 CEST
D’anciennes naines blanches capturées dans la Voie lactée par le télescope spatial Hubble de la NASA ...

D’anciennes naines blanches capturées dans la Voie lactée par le télescope spatial Hubble de la NASA en 2012. Ces étoiles, âgées de 12 à 13 milliards d’années, sont parmi les plus vieilles de l’univers. Selon une nouvelle étude, les naines blanches seraient les toutes dernières étoiles à exploser dans un avenir très lointain.

PHOTOGRAPHIE DE NASA et H. Richer Université de la Colombie-Britannique

Morose. Ainsi s’annonce la fin de l’univers. Dans des milliards et des milliards d’années – un avenir si lointain qu’il est presque inimaginable –, après l’extinction de toutes les étoiles, les physiciens pensent que l’univers sera une étendue froide, sombre, complètement dépourvue de vie. Avec l’expansion rapide de l’espace et le rétrécissement de la matière, de moins en moins d’énergie sera disponible. Au fil du temps, on assistera à la mort thermique de l’univers.

Un dernier feu d’artifice pourrait avoir lieu avant que le monde ne plonge dans l’obscurité totale. Selon les astronomes, les naines blanches seront les derniers éléments de l’univers. Une étude qui devrait être publiée dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society montre que ces étoiles continueront de subir des réactions nucléaires internes à un rythme extrêmement lent avant d’exploser en supernova.

L’idée que les naines blanches puissent exploser est surprenante puisque les chercheurs pensent généralement que ces étoiles brûlées « se refroidissent pour toujours », affirme Abigail Polin, astrophysicienne au California Institute of Technology qui n’a pas pris part à l’étude.

Selon le nouveau modèle, les premières explosions de naines blanches ne devraient pas avoir lieu avant 101100 ans, un nombre si remarquablement grand qu’il n’a même pas de nom. « Si on devait l’écrire, on aurait une page entière de zéros », précise Matt Caplan, auteur de l’étude et astrophysicien à l’université d’État de l’Illinois. (L’âge actuel de l’univers est de 13,7 milliards d’années environ.)

« Cela dépasse largement toute échelle de temps que nous connaissons déjà », dit Polin. Si Caplan a raison, ces explosions seraient les derniers grands événements astrophysiques avant l’obscurité éternelle.

 

RÉACTIONS DE FUSION

Les étoiles brûlent en fusionnant des noyaux d’hydrogène en noyaux d’hélium. Lorsqu’une étoile moyenne, de la taille du Soleil environ, épuise tout son hydrogène, elle n’a plus suffisamment d’énergie pour contrer sa propre pesanteur. Le noyau commence alors à se contracter tandis que les couches externes se dilatent considérablement. À mesure que le noyau rétrécit, les pressions et les températures augmentent, ce qui permet aux éléments plus lourds de fusionner. L’étoile finit par se débarrasser de ses couches externes et le reste forme un objet extrêmement dense de quelques milliers de kilomètres de diamètre : une naine blanche.

Des naines blanches lors d’un recensement astronomique réalisé par le télescope spatial Hubble de la NASA en 2006.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, Esa, A. Calamida et K. Sahu STScI, the SWEEPS Science Team

Des trillions – voire des centaines de trillions – d’années plus tard, lorsque les naines blanches ont rayonné toute la chaleur restante, on obtient des restes gelés, parfois appelés naines noires. Même si celles-ci sont petites et froides – ce qui leur permet de rester stables pendant de très longues périodes –, les calculs de Caplan montrent que la fusion nucléaire pourrait toujours avoir lieu grâce à un phénomène qu’on appelle effet tunnel.

Les noyaux des atomes individuels ont tous une charge positive à l’intérieur des naines noires. Ils se repoussent donc, à l’image des pôles d’un aimant. Cependant, selon la théorie quantique, chaque proton agit à la fois comme une onde et une particule. Il pourra donc de temps en temps franchir la barrière de répulsion électromagnétique grâce à l’effet tunnel.

« On a tendance à considérer les naines blanches comme des objets totalement inertes », indique Marten van Kerkwijk, astrophysicien à l’université de Toronto qui n’a pas pris part à l’étude. « C’est vraiment chouette de savoir que ces étoiles calmes, presque mortes, peuvent continuer de fusionner. »

Selon Caplan, ces réactions de fusion très lentes produiront du fer au bout de plusieurs trillions d’années. Des positrons seront également libérés. Il s’agit de particules semblables aux électrons mais à charge positive. Lorsque les positrons rencontrent les électrons dans le noyau de l’étoile, ils se détruisent. En l’absence de ces électrons et de la pression qu’ils exercent, la naine blanche ne pourra pas s’affranchir de la pesanteur. Elle continuera de rétrécir, se terminant par une explosion semblable à celle d’une supernova.

Caplan mentionne que seules les naines blanches les plus lourdes – à savoir celles dont la masse est au moins 1,2 fois supérieure à celle du Soleil – pourront exploser de la sorte. D’ailleurs, 1 % seulement des 1023 étoiles qui existent aujourd’hui subiront le même sort, ajoute-t-il.

Avant l’explosion, la réaction de fusion au sein de la naine noire n’émettra pas de lumière visible. « Vous ne la verrez même pas avant qu’elle explose », souligne Caplan.

Si la matière est elle-même instable, les restes stellaires comme les naines blanches disparaîtront avant que ce processus de fusion lente ne se produise. Les physiciens ont émis l’hypothèse selon laquelle les protons se désintégreraient pendant des périodes extrêmement longues – entre 1031 et 1036 ans. Si tel est le cas, les naines blanches s’évaporeraient avant même d’exploser.

Cependant, tant que les protons sont là, « la physique derrière l’étude de Caplan ainsi que ses conclusions semblent légitimes », affirme Fred Adams, astrophysicien à l’université du Michigan et co-auteur du livre The Five Ages of the Universe: Inside the Physics of Eternity qui étudie l’avenir de l’univers sur le long terme.

La mort thermique est actuellement la théorie la plus répandue sur la fin de l’univers mais les astrophysiciens évoquent également d’autres scénarios. L’univers pourrait s’effondrer sur lui-même, avec toute la matière comprimée en un même endroit, ce qui pourrait se traduire par un autre big bang. Peut-être même que l’expansion rapide de l’univers détruirait l’espace et, éventuellement, les atomes individuels.

 

LES ÉTINCELLES AVANT L’OBSCURITÉ 

Au moment où les naines blanches commenceront à éclater, l’univers sera déjà méconnaissable. Les galaxies auront été déstructurées et les restes des étoiles individuelles libérés dans l’espace. Les trous noirs se seront évaporés, un phénomène qu’on appelle rayonnement de Hawking. Bien que ce laps de temps soit incroyablement long, c’est une très courte période par rapport à celle de l’explosion des naines blanches.

L’énergie sombre – qui se comporte comme une force gravitationnelle répulsive – aura séparé tous les éléments restants, y compris les naines blanches, les éloignant autant que possible.

En l’absence d’étoiles qui brûlent pour produire de la chaleur, il est peu probable qu’il y reste une quelconque forme de vie à ce stade, mais si c’est le cas, une telle créature ne pourra voir que l’explosion d’une seule naine blanche. En effet, les autres auront lieu en dehors de l’horizon cosmologique qui est la limite de l’univers observable depuis un point donné.

Bien qu’une durée de 101100 ans dépasse déjà tout entendement, l’explosion des naines blanches les plus lourdes ne sera que le début de la fin. Il faudra plus de temps aux plus légères – jusqu’à 1032000 ans selon Caplan. Cependant, la mort thermique de l’univers ne saurait être arrêtée et l’explosion des naines blanches serait le générique de fin cosmique.

« Après cela, l’univers sera froid, sombre et morose à tout jamais », conclut Caplan. « À moins qu’il y ait une nouvelle physique que nous n’ayons toujours pas découverte ? »

 

Dan Falk (@danfalk) est un journaliste scientifique basé à Toronto. Il a écrit The Science of Shakespeare et In Search of Time.

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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