Découverte : une planète naine située entre Mars et Jupiter serait géologiquement active

Cérès, un monde glacial minuscule, abriterait des volcans de glace et des poches de saumure, vestiges d’un ancien océan.

De Michael Greshko
Publication 13 août 2020, 10:12 CEST
Dans sa phase finale, la sonde spatiale Dawn de la NASA a capturé cette image spectaculaire ...

Dans sa phase finale, la sonde spatiale Dawn de la NASA a capturé cette image spectaculaire du limbe de Cérès.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, JPL Cal-tech, Ucla, Mps, Dlr, Ida

Située au cœur de la ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter, Cérès, la planète naine, est un tout petit monde qui réserve bien des surprises. Une série de nouvelles recherches menées par la sonde spatiale Dawn de la NASA suppose que Cérès est un corps géologiquement actif qui abrite des volcans de glace et des poches de saumure, vestiges d’un ancien océan.

Selon les données recueillies par la sonde Dawn – placée en orbite lors de la phase finale avant la pénurie de carburant – entre fin 2017 et fin 2018, des remontées d’eau saumâtre auraient été détectées à la surface de la planète naine, ainsi que des monticules provenant de la glace souterraine, qui aurait fondu lors de l’impact Occator il y a vingt millions d’années, avant de se recongeler plus tard.

L’idée que l’eau puisse perdurer sur Cérès, dont le diamètre est inférieur au tiers de celui de la Lune, aurait autrefois semblé surprenant. Maintenant que l’être humain a réussi à l’observer de près, on sait que cette minuscule planète est géologiquement active.

Les résultats permettent de lever le voile sur un très grand mystère. Occator, un cratère d’impact de 91 kilomètres de diamètre, est couvert de points lumineux : du carbonate de sodium. La nouvelle étude suggère qu’une couche de saumure profonde aurait fait son chemin jusqu’à la surface, il y a 1,2 million d’années à peine, formant ainsi des dépôts de sel.

Les monticules retrouvés soutiennent l’idée d’un cryovolcanisme sur Cérès avec de la boue saumâtre qui agit comme de la lave en fusion sur Terre. Dans une zone au fond du cratère Occator, la sonde Dawn a repéré des indices qui montrent que la saumure a coulé des volcans de glace il y a quelques décennies si ce n’est moins.

Cette image en fausses couleurs de Cérès met en évidence les différences au niveau des minéraux de surface, comme les dépôts de sel dans le cratère Occator.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, JPL Cal-tech, Ucla, Mps, Dlr, Ida

« Nous avons fourni des preuves solides qui montrent que Cérès est actuellement – ou du moins dans un passé très récent – active sur le plan géologique », explique la chercheuse principale de Dawn, Carol Raymond, directrice du programme « Small Bodies » du Jet Propulsion Laboratory de la NASA à Pasadena en Californie. « De plus en plus d’éléments donnent à penser que ce monde restera géologiquement actif. »

Au-delà des volcans exotiques, les nouvelles données permettent d’ajouter Cérès à la liste des mondes qui disposent de tous les ingrédients nécessaires à la vie : de l’eau, une source d’énergie et des molécules organiques contenant du carbone. Grâce à la chaleur découlant des impacts d’astéroïdes, les chercheurs affirment que Cérès aurait pu être habitable – mais pas forcément habitée – pendant de courtes périodes.

« Ce système géologique récent, chaud et humide est doté de toutes les caractéristiques indispensables à la vie », précise Kirby Runyon, géologue planétaire à l’Applied Physics Laboratory de l’université Johns-Hopkins à Laurel dans le Maryland, qui n’a pas pris part à l’étude.

 

GROS PLAN SUR LA PLANÈTE NAINE

Sept études, publiées le 10 août 2020 dans trois revues scientifiques – Nature Astronomy, Nature Communications et Nature Geoscience – font la lumière sur les données de la dernière étape de la mission Dawn qui est restée trois ans en orbite autour de Cérès, de 2015 à 2018. Dans sa phase finale, la sonde Dawn s’est retrouvée à 35 kilomètres de la surface de Cérès. Cela a permis d’obtenir des images d’une résolution exceptionnelle.

Lorsque Dawn a mis en évidence la présence de mystérieux points lumineux en 2015, les chercheurs ont voulu savoir comment ils se sont formés. Ils ont rapidement compris qu’il s’agissait de cristaux de sel, déposés après l’infiltration de saumure vers la surface de la planète naine. La question était de savoir d’où provenait cette saumure.

La sonde Dawn de la NASA a capturé un réseau de fractures au fond du cratère Occator le 26 juillet 2018 à une altitude de 152 kilomètres.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, JPL Cal-tech, Ucla, Mps, Dlr, Ida

Des fractures profondes dans le cratère Occator, capturées par la sonde Dawn de la NASA le 31 juillet 2018 à une altitude de 50 kilomètres.

 

PHOTOGRAPHIE DE NASA, JPL Cal-tech, Ucla, Mps, Dlr, Ida

Selon les chercheurs, le cratère Occator serait âgé de vingt millions d’années. Les chaleurs générées par l’impact auraient transformé le paysage glacial en eau salée bouillonnante. Cependant, grâce aux simulations par ordinateur, l’équipe de Dawn a découvert que la chaleur émanant de la collision s’était dissipée en cinq millions d’années environ.

Certains cristaux de sel auraient été déposés au cours des quatre derniers millions d’années et n’auraient donc pas pu découler de l’impact. Une preuve, pour les chercheurs, de la présence d’une source profonde de saumure.

Les sources probables de sel ont pu être mises en évidence grâce à l’attraction gravitationnelle de la planète qui varie d’une zone à une autre en fonction du paysage et de la densité de la croûte. Les chercheurs ont pu surveiller ces variations en détectant les changements à petite échelle de la vitesse de la sonde Dawn pendant qu’elle était en orbite autour de la planète naine.

Lorsque les chercheurs ont combiné ces éléments avec les données topographiques de Cérès, ils ont trouvé que la surface sous Occator était moins dense que la croûte environnante. Deux réservoirs de saumure se cacheraient sous le cratère. Le plus grand, d’un diamètre de plus de 400 kilomètres, se trouve à moins de 50 kilomètres du cratère au pied de la croûte de Cérès. Un réservoir de saumure plus petit, d’un diamètre de 200 kilomètres environ se trouve au sud-est du cratère, à 20 kilomètres de la surface.

« Si on devait creuser, on tomberait peut-être sur un aquifère avec de la saumure très froide », indique Bill McKinnon, planétologue à l’université Washington de Saint-Louis qui n’a pas pris part à la nouvelle étude.

 

LES RESTES D’UN OCÉAN

Cette image d’un mur du cratère Occator a été prise par la sonde Dawn de la NASA le 5 juillet 2018, à une altitude de 43 kilomètres.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, JPL Cal-tech, Ucla, Mps, Dlr, Ida

Selon les chercheurs, ces poches de saumure sont les vestiges d’un océan plus vaste, peut-être même mondial, qui a jadis existé sur Cérès. Les sels dissous peuvent maintenir l’eau à l’état liquide, à des températures plus froides que son point de congélation habituel. Dans le cas de Cérès, les saumures sont à -30 degrés Celsius environ, nécessitant donc beaucoup de sel et sans doute un mélange de minéraux à grains fins pour rester à l’état liquide.

Ces poches de saumure « forment une sorte de grand marécage », souligne Julie Castillo-Rogez, co-auteure de l’étude, planétologue au Jet Propulsion Laboratory de la NASA et membre de l’équipe de Dawn.

Le corps qui a percuté Cérès, laissant place au cratère Occator, est sans doute à l’origine des cracheurs de glace qui ont contribué à l’accumulation de saumure à la surface. Contrairement aux volcans terrestres, les cryovolcans sur Cérès prennent vie à mesure que la croûte de glace gèle et se dilate, exerçant une pression sur les réservoirs de saumure sous la surface.

L’impact a fendu la croûte de Cérès, laissant derrière lui des fissures au moyen desquelles la saumure s’infiltre jusqu’à la surface. Une fois que l’eau s’est évaporée, les dépôts de sel que nous voyons aujourd’hui se sont formés.

Certaines observations permettent d’affirmer que l’activité volcanique se poursuit actuellement sur Cérès. Dans l’une des sept études, une équipe dirigée par Maria Cristina De Sanctis, planétologue à l’Institut national d’astrophysique en Italie, a mis en évidence la présence d’hydrohalite, une forme hydratée de chlorure de sodium, au niveau des points lumineux. Selon les chercheurs, ce minéral se déshydrate en cent ans environ. Cette nouvelle découverte suppose que les volcans de glace sur Cérès ne sont pas éteints.

« Il est fort probable que le volcan soit toujours actif, dans le sens où l’eau, même si elle est moins abondante, continue de remonter à la surface », explique Andreas Nathues, membre de l’équipe de Dawn, planétologue à l’Institut allemand Max-Planck dédié à la recherche sur le système solaire et co-auteur de plusieurs des sept nouvelles études.

 

LES MONDES GLACÉS DU SYSTÈME SOLAIRE

Les sondes Dawn et New Horizons (qui a exploré Pluton en 2015) de la NASA, ont montré que les petits corps glacés sont beaucoup plus actifs qu’on le pensait, modifiant ainsi la vision des chercheurs de la géologie de dizaines de mondes extraterrestres.

Tout comme Cérès et ses points lumineux, « chaque planète a une caractéristique qui la distingue des autres », dit McKinnon,  co-chercheur au sein de l’équipe de New Horizons. « Les spécificités géologiques ne se dupliquent pas. »

Le 10 août dernier, une équipe dirigée par Castillo-Rogez a présenté une proposition à la NASA pour une mission de retour d’échantillons de Cérès qui ne serait pas lancée avant 2031, sachant que l’approbation, la conception et la construction d’une sonde spatiale peuvent prendre des années. La mission permettra de prélever une centaine de grammes des substances recouvrant le sol du cratère Occator et de les rapporter sur Terre à des fins d’analyse.

Cela peut sembler comme une petite quantité mais ces échantillons seraient des éléments beaucoup plus parlants que tout ce qu’il nous a été donné d’analyser jusque-là, explique Raymond. « En analysant le contenu de ces corps, on apprend énormément. »

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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