La naissance d'un trou noir massif intermédiaire aurait été observée pour la première fois

Il y a sept milliards d'années, deux immenses trous noirs se sont tournés autour jusqu'à fusionner en un trou noir 142 fois plus massif que notre soleil. Une fusion si violente qu'elle a engendré des oscillations dans la courbure de l'espace-temps.

De National Geographic
Publication 2 sept. 2020, 15:50 CEST
Vue d'artiste de deux trous noirs sur le point d'entrer en collision. On ne sait pas encore ...

Vue d'artiste de deux trous noirs sur le point d'entrer en collision. On ne sait pas encore s'il y a eu des émissions électromagnétiques associées à GW190521.

PHOTOGRAPHIE DE Illustration de Mark Myers, ARC Centre of Excellence for Gravitational Wave Discovery (OzGrav).

Il y a plus de sept milliards d'années, deux immenses trous noirs se sont tournés autour jusqu'à ce qu'ils se heurtent et fusionnent. Un cataclysme si intense qu'il a engendré des oscillations dans la courbure de l'espace-temps. Aux premières heures du matin du 21 mai 2019, la Terre a tremblé à cause de vibrations, reminiscences de ce lointain événement, indiquant aux astronomes qu'ils pouvaient observer là le plus violent phénomène cosmique jamais détecté - contre toute attente théorique.

Le signal capté par deux observatoires - LIGO aux États-Unis et Virgo en Italie - se présente sous la forme d'ondes gravitationnelles : des perturbations dans l'espace-temps que seuls des événements cosmiques massifs peuvent déclencher. Ce signal, baptisé GW190521, a été engendré par une énorme collision. Les chercheurs émettent l'hypothèse que deux trous noirs 66 et 85 fois plus massifs que notre soleil se sont enroulés l'un dans l'autre, s'unissant pour former un trou noir 142 fois plus massif que notre soleil.

Cette hypothèse, annoncée cette semaine dans Physical Review Letters, est de loin le plus important jamais détecté via l'étude des ondes gravitationnelles. En une fraction de seconde, la fusion des trous noirs a libéré environ huit fois plus d'énergie que celle contenue dans les atomes de notre soleil, le tout sous forme d'ondes gravitationnelles. Cette quantité d'énergie équivaut à déclencher plus d'un million de milliards de bombes atomiques par seconde pendant 13,8 milliards d'années, l'âge de l'univers observable. (À lire : Qu'est-ce qu'une onde gravitationnelle ?)

Matthew Graham, astronome travaillant à Caltech, qui ne fait pas partie des équipes LIGO ou Virgo, dit de cet événement qu'il est « probablement la plus grande explosion que nous ayons jamais connue dans l'univers ».

La fusion des trous noirs suscite un grand enthousiasme dans la communauté scientifique, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, le trou noir qu'il a produit comble une lacune présente depuis longtemps dans nos observations. Jusqu'à présent, les chercheurs avaient trouvé des trous noirs des dizaines de fois plus massifs que notre soleil et des trous noirs supermassifs des millions à des milliards de fois plus massifs que notre soleil, mais ils n'avaient jamais confirmé la présence d'un trou noir dont la masse était comprise entre 100 et 100 000 masses solaires. Avec environ 142 masses solaires, le trou noir GW190521 est le premier jamais détecté dans cette plage intermédiaire.

« Maintenant, nous pouvons affirmer qu'il existe des trous noirs de masse intermédiaire », déclare Christopher Berry, membre de l'équipe du LIGO, physicien à l'Université de Northwestern.

Mais pour Berry et d'autres, le trou noir résultant de la fusion n'est pas le plus extraordinaire. La vraie surprise, c'est le plus massif des deux trous noirs de départ, celui avec une masse environ 85 fois plus grande que celle de notre soleil, car les trous noirs de cette masse ne devraient théoriquement pas exister.

« C'est choquant, car nous n'imaginions pas que des trous noirs de cette masse existaient », dit-il.

Comprendre : les trous noirs

UN TROU NOIR INATTENDU

Le trou noir dont la masse équivalait à 85 masses solaires est un vrai mystère car il interroge la façon dont les scientifiques théorisent la mort des étoiles massives.

Malgré toute la fureur nucléaire dont elles peuvent faire preuve, les étoiles sont des objets célestes en équilibre : la gravité, agissant sur leur masse, les compresse, réduisant leur volume et augmentant leur densité et leur chaleur. Lorsque la lumière quitte le noyau, elle repousse l'étoile vers l'extérieur.

Ceci étant, les étoiles massives peuvent parfois tant brûler au niveau de leur noyau que ce numéro d'équilibriste peut être mis à mal. Les particules individuelles de lumière appelées photons captent suffisamment d'énergie pour se transformer en paires d'électrons et de positrons. Ce changement fait temporairement baisser la pression dans le noyau du soleil, ce qui provoque alors la compression et le réchauffement de l'étoile.

La théorie actuelle prédit que lorsqu'une étoile donnée est environ 60 à 130 fois plus massive que notre soleil, la compression et le réchauffement conduisent à une explosion de type thermonucléaire appelée supernova d'instabilité de paire qui disloque toute l’étoile et ne laisse pas de « vestige » derrière elle. L'étoile est à ce point détruite que les débris éjectés ne peuvent pas s'effondrer en un trou noir.

Bizarrement, le plus grand des deux trous noirs qui ont formé GW190521 est « dans la fourchette estimée d'une instabilité de paire », dit Berry. En substance, il n'est pas censé être possible pour une étoile de créer un tel trou noir.

« Si vous avez trouvé un trou noir compris entre 52 et 133 masses solaires, il n’aurait pas pu être synthétisé comme le cadavre d’une seule étoile », explique Priyamavda Natarajan, astrophysicienne théorique de l’Université de Yale, experte en trous noirs qui n’a pas prit part à la présente étude. « La nature nous dit qu'il existe de nombreuses façons pour des trous noirs de cette masse de se former. »

 

DES FUSIONS HOSTILES ?

Dans un article complémentaire publié dans The Astrophysical Journal Letters, l'équipe de LIGO-Virgo passe en revue plusieurs scénarios sur la manière dont ces étranges trous noirs auraient pu se former. L'hypothèse la plus prometteuse est qu'au moins un des trous noirs, sinon les deux, s'est formé à partir de la fusion de deux trous noirs plus petits.

« C'est l'hypothèse que je privilégie », déclare Steinn Sigurdsson, astrophysicien de la Pennsylvania State University, qui n'a pas pris part à la récente découverte.

Des environnements cosmiques donnés pourraient rendre ces fusions en deux étapes plus probables. L'un d'entre eux serait le disque de gaz en orbite autour du trou noir supermassif situé au cœur d'une galaxie.

Il existe des preuves fascinantes selon lesquelles GW190521 aurait pu être formé dans un tel contexte. En juin, Graham a co-signé une étude dans Physical Review Letters décrivant un flash de lumière dans la même zone du ciel que GW190521, environ 34 jours après que les ondes gravitationnelles ont secoué la Terre. L'équipe de Graham a fait valoir que cette lumière aurait pu se former lorsque le trou noir issu de la fusion des deux trous noirs traversait le disque de gaz entourant un trou noir supermassif.

Cela dit, l'étude de Graham met en évidence un éclat lumineux issu d'une galaxie à environ 8 milliards d'années-lumière de nous, tandis que les résultats de LIGO-Virgo placent la fusion des trous noirs à plus de 17 milliards d'années-lumière. Pour Graham, il est possible que ce soit juste une coïncidence que les emplacements correspondent. « Si vous observez un grand nombre de phénomènes, vous constaterez que certains d'entre eux s'alignent », dit-il.

Natarajan a une autre théorie. Dans une étude scientifique qu'elle a co-écrite en 2014, elle a calculé que dans l'univers primitif, les petits trous noirs pouvaient gonfler à une vitesse extraordinaire en rebondissant au hasard autour d'amas d'étoiles riches en gaz. Dans une étude à paraître qui résume cette idée, elle constate que le bon type d'amas d'étoiles pourrait donner naissance à une paire de trous noirs, chacun d'environ 50 à 75 fois la masse de notre soleil, qui pourraient alors fusionner.

« C'est pour ça que je suis surexcitée ! » s'exclame-t-elle.

En dépit de tout le travail théorique que GW190521 va sans aucun doute engendrer, les scientifiques indiquent qu'ils ne pourront percer ses mystères qu'après que LIGO et Virgo auront détecté plus de collisions comme celle-ci. « Avec un seul événement, vous pouvez toujours fournir des explications à ce que vous considérez comme des circonstances exceptionnelles », déclare Sigurdsson. « Dès que vous pouvez observer plusieurs événements, vous pouvez éliminer un certain nombre de modèles. »

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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