Détection de mystérieuses ondes radio dans la Voie lactée

Émises par une étrange étoile magnétique, ces impulsions détectées pour la première fois devraient permettre aux chercheurs de résoudre l'une des grandes énigmes de l'astronomie.

De Michael Greshko
Publication 6 nov. 2020, 10:27 CET

En avril, le Radiotélescope sphérique de cinq cents mètres d'ouverture (FAST) construit en Chine permettait d'étudier les propriétés du magnétar SGR 1935+2154, à l'origine du tout premier sursaut radio détecté au sein de la Voie lactée.

PHOTOGRAPHIE DE Bojun Wang, Jinchen Jiang, post-traitement réalisé par Qisheng Cui.

En un millième de seconde, une puissante impulsion d'ondes radio a balayé la Terre le 28 avril sans manquer d'alerter les radiotélescopes nord-américains. Après plusieurs mois de traque, les astronomes ont réussi à remonter jusqu'à la source de cet étrange signal et leurs résultats pourraient révéler l'origine longtemps recherchée des signaux cosmiques les plus mystérieux jamais enregistrés.

Les trois études publiées dans la revue Nature par un groupe international de scientifiques présentent ces impulsions comme étant un sursaut radio rapide, un flash extrêmement intense d'ondes radio qui ne dure pas plus de quelques millisecondes. Ce n'est pas la première fois que les télescopes détectent de tels signaux, mais jusque-là ils provenaient tous de l'extérieur de notre galaxie. Les chercheurs se demandent depuis des années quelle pourrait bien être la cause de ces puissantes déflagrations, avec des théories allant de la simple explosion d'étoiles aux technologies extraterrestres.

Désormais, nous savons qu'au moins l'une des sources est un objet stellaire exotique appelé magnétar : une jeune étoile à neutrons résultant de l'explosion d'une étoile massive et entourée d'un champ magnétique extrêmement puissant.

« En découvrant les données, je suis resté bouche bée, j'étais comme paralysé d'enthousiasme, » a déclaré lors d'une conférence de presse Christopher Bochenek, étudiant au California Institute of Technology (Caltech) et auteur principal de l'une des études.

Au Canada, le télescope CHIME était le premier à détecter le sursaut radio le 28 avril 2020.

PHOTOGRAPHIE DE Andre Renard, Chime Collaboration

C'est la première fois qu'un tel signal est associé à une source spécifique, ce qui offre une occasion inédite d'enfin étudier l'un de ces sursauts cosmiques en détail. « Cela ouvre une toute nouvelle voie aux théories sur les émetteurs de sursauts radio rapides, » indique par e-mail Amanda Weltman, astrophysicienne rattachée à l'université du Cap, qui n'a pas pris part aux récentes études.

 

LES YEUX DANS LES ONDES

Découverts en 2007, les sursauts radio rapides sont particulièrement difficiles à étudier en raison de leur nature éphémère. Au départ, certains scientifiques se demandaient même s'ils provenaient réellement de l'espace et n'étaient pas tout simplement un signal mal identifié en provenance d'une source terrestre, comme les micro-ondes.

En 2013, la découverte de quatre nouveaux sursauts venait confirmer leur origine cosmique et épaissir le mystère. Trois ans plus tard, les astronomes annonçaient l'identification d'une source récurrente dans une galaxie située à 2,6 milliards d'années-lumière de la Terre. Depuis, plus d'une centaine de sursauts radio rapides ont été détectés, dont une vingtaine sont récurrents.

Du fait de leur rapidité et de l'éloignement de leurs sources, les astrophysiciens ont eu beaucoup de mal à étudier la cause de ces impulsions radio. Mais le 27 avril, deux télescopes de la NASA ont détecté une impulsion de rayons X et de rayons gamma émise par un magnétar de la Voie lactée baptisé SGR 1935+2154. Le lendemain, un nouveau signal émanant du même objet était détecté par des télescopes de l'hémisphère Ouest.

Le sursaut radio en provenance de la même région céleste que le magnétar a été détecté en premier par le télescope CHIME au Canada, une installation qui rassemble plus de mille antennes radio disposées en demi-cylindre à plat. Les équipes de CHIME ont immédiatement signalé leur découverte aux astronomes du monde entier en les incitant à orienter leurs télescopes vers l'objet en question.

Le signal a également balayé STARE2, un réseau de radiotélescopes low-tech répartis à travers la Californie et l'Utah dont chaque station se compose d'un tuyau en métal relié à deux… moules à gâteaux. D'après Bochenek, à qui l'on doit la conception ingénieuse de STARE2 et l'analyse de ses données, le signal radio était si intense qu'il aurait théoriquement pu être détecté par l'antenne 4G d'un téléphone.

L'observation des rayons X et des ondes radio dans le même petit coin de ciel a permis d'établir un lien solide entre le sursaut radio rapide et le magnétar, le tout premier lien entre ces mystérieux signaux et un objet céleste spécifique.

 

UN SURSAUT PAS COMME LES AUTRES

Le signal émanant du magnétar est l'impulsion radio la plus énergique jamais enregistrée dans notre galaxie. En revanche, comparé aux autres sursauts radio rapides, celui-ci était plutôt faible, à environ un millième de l'énergie généralement dégagée par ce genre de signal en dehors de la Voie lactée.

D'après les chercheurs, ces sursauts affaiblis seraient plus fréquents que leurs homologues plus puissants ; il nous est simplement possible de les détecter lorsqu'ils sont trop éloignés. Dans l'ensemble, les nouvelles études suggèrent fortement qu'au moins une partie des sursauts radio lointains proviennent de magnétars.

« Je ne pense pas qu'on puisse conclure que la totalité des sursauts radio proviennent de magnétars, mais une chose est sûre, nos modèles qui prennent comme origine de ces sursauts les magnétars sont tout à fait cohérents, » précisait lors de la conférence de presse Daniele Michilli, chercheur postdoctoral à l'université McGill et membre de l'équipe du télescope CHIME. Les sursauts radio les plus puissants pourraient par exemple être produits par des objets autres que les magnétars.

Les données devraient également permettre d'affiner les théories décrivant la production de sursauts radio par les magnétars. Dans une annexe également publiée par Nature, l'astrophysicien Bing Zhang de l'université du Nevada à Las Vegas décrit les deux scénarios les plus convaincants. Dans le premier, la collision à très haute vitesse entre les particules jaillissant de la surface du magnétar et les débris voisins génèrerait un maelström chaud et hautement magnétique capable de produire à la fois des rayons X et des ondes radio. Dans le second scénario, les sursauts radio rapides seraient le fruit des lignes du champ magnétique extrêmement intense du magnétar qui s'entremêleraient et se déconnecteraient en libérant une formidable quantité d'énergie.

Quoi qu'il en soit, Zhang et ses collègues ont également constaté que les conditions à l'origine des sursauts radio rapides n'étaient que rarement réunies. Quelques heures avant le sursaut du 28 avril, l'équipe surveillait le magnétar à travers le plus grand radiotélescope à réflecteur unique au monde, le FAST, observatoire de la Préfecture autonome buyei et miao de Qiannan, en Chine. Cependant, FAST n'a détecté aucun sursaut radio rapide en provenance du magnétar alors que l'objet a émis 29 flashs de rayons X pendant leurs observations.

Lors de la conférence de presse, Zhang a indiqué qu'il était logique que les magnétars n'émettent que rarement des sursauts radio rapides. Si toutes les éruptions de magnétars émettant des rayons X produisaient également des sursauts radio, le nombre de sursauts détectés par les astronomes serait cent à mille fois supérieur au bilan actuel.

Pour Weltman, la discipline est promise à un avenir aussi radieux que les sursauts qu'elle étudie. Grâce aux réseaux internationaux de télescopes, ces puissantes impulsions seront toujours plus nombreuses à être détectées, à l'intérieur de la Voie lactée comme à l'extérieur. À mesure que les ondes radio inonderont la Terre, les chercheurs les utiliseront pour éliminer les théories sur la provenance de ces forces cosmiques ; un processus qui incarne aux yeux de Weltman « toute la beauté et l'honnêteté de la science ! »

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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