Une planète à trois soleils en pleine formation dans la constellation du Taureau

Le phénomène rare et complexe, qui est en train de se produire dans le système GG Tauri A, à 450 années-lumière de nous, pourrait nous aider à mieux comprendre la formation des planètes issues de systèmes binaires dans notre galaxie.

De Nadia Drake
Publication 23 août 2023, 09:24 CEST
Artist’s impression of the double-star system GG Tauri-A

Le système stellaire triple GG Tau A, représenté ici, est entouré d’un grand anneau qui alimente un disque interne tournant autour de l’étoile. Cet anneau externe pourrait bien abriter une planète.

Illustration de ESO/L. Calçada

À près de 450 années-lumière de notre planète bleue, dans la constellation du Taureau, se trouve un trio stellaire complexe connu sous le nom de GG Tauri A, abrégé GG Tau A.

À la manière d’un système binaire classique, deux des trois étoiles de ce sous-système tournent étroitement l’une autour de l’autre. Ce qui est toutefois plus inhabituel, c’est que ce duo d’astres tourne ensemble autour du troisième membre du groupe, créant un environnement turbulent dans lequel il est très peu probable de voir des planètes se former.

C’est pourtant exactement ce que les astronomes ont constaté.

Un monde avec trois soleils paraît inimaginable : les ombres seraient naturellement triplées, les soleils s’éclipseraient continuellement entre eux, les levers et couchers de soleil seraient spectaculairement variables. Bien que nous ne connaissions pas encore de telles planètes « circumtriples », depuis quelques années, certaines observations suggèrent qu’une planète pourrait bien être en train de se former autour des trois étoiles de GG Tau A.

Ces mêmes observations indiquent qu’à un point situé au plus profond du système, une sorte de tapis roulant gazeux fournirait les ingrédients essentiels à la formation planétaire.

« Si tout se passe bien, dans quelques millions d’années, nous pourrions avoir une planète circumtriple et une planète circumstellaire dans le même système », révélait en 2014 l’astronome William Welsh, de l’Université d’État de San Diego, qui n’était pas impliqué dans les observations mentionnées ci-dessus. « Ce système serait hors norme. »

Les astronomes observent le sous-système GG Tau A depuis des décennies. En 1993, un grand anneau poussiéreux a été détecté autour du trio (même si les scientifiques ne savaient pas encore qu’il s’agissait d’un trio). Constitué de gaz et de poussières diffuses, l’anneau lui-même est environ 90 fois plus large qu’une unité astronomique, c’est-à-dire que la distance qui sépare la Terre et le Soleil ; et son bord intérieur commence à environ 190 unités astronomiques des étoiles centrales du système.

La présence de cet anneau n’est pas surprenante, mais des observations du Grand réseau d’antennes millimétrique/submillimétrique de l’Atacama de l’Observatoire européen austral ont révélé une condensation « déroutante » près du bord extérieur de ce dernier, que les scientifiques ont tout de suite soupçonné d’être une jeune planète.

« Le point que nous observons pourrait indiquer la présence d’une planète enfouie », expliquait en 2014 l’astronome Anne Dutrey, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui a publié ses observations avec ses collègues dans la revue Nature en octobre de cette même année.

COMPRENDRE : La formation de l'univers

La découverte de planètes autour de GG Tau A n’était pas l’objectif principal du travail d’analyse de Dutrey et ses collègues. L’équipe espérait initialement comprendre la longévité d’un tel disque situé au plus profond du système et composé des matériaux nécessaires à la construction de planètes. Ce disque, qui tourbillonne autour de l’étoile la plus solitaire du trio, baptisée GG Tau Aa, mesure environ 15 unités astronomiques de large. De manière générale, comme dans notre système solaire, les planètes se condensent à l’intérieur de ces disques et se forment sur une échelle de plusieurs millions d’années.

Dans un système binaire proche, la longévité de ces disques n’est toutefois pas assez importante pour permettre la formation de planètes, car ces derniers sont inévitablement aspirés par leur étoile mère en seulement quelques milliers d’années.

Or, selon Dutrey, GG Tau A est âgée d’environ un million d’années, et le disque est toujours là. Comment parvient-il à survivre dans un environnement aussi peu propice à son existence ?

Avec ses collègues, la chercheuse a découvert qu’un courant de gaz reliait l’anneau extérieur du système à son disque intérieur. Les matériaux semblent affluer depuis le réservoir extérieur et réapprovisionner le disque autour de la solitaire GG Tau Aa, un processus qui pourrait le maintenir en vie suffisamment longtemps pour (peut-être) permettre la formation de nouvelles planètes.

Les observations de l’équipe sont importantes pour comprendre comment les planètes se forment dans des systèmes complexes, mais aussi pour comprendre le recensement actuel des planètes dans la galaxie, reprend Welsh. Plusieurs planètes à deux soleils ont depuis été découvertes, notamment grâce au travail de l’astronome avec le télescope spatial Kepler de la NASA.

« Une très grande partie des étoiles naissent dans des systèmes binaires », détaille Welsh. « Ainsi, en comprenant mieux la formation des planètes dans ces systèmes binaires, nous pourrons définir avec davantage de précision le véritable nombre de planètes qui peuplent la galaxie. »

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    Cet article a initialement paru en 2014 sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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