Débris spatiaux : une menace toujours plus grande

La nuit dernière, un satellite désaffecté et un fragment de fusée sont passés à deux doigts de la collision, un phénomène de plus en plus fréquent avec l'augmentation du nombre de satellites.

De Dan Falk
Environ 29 000 objets fabriqués par l'Homme dont la taille dépasse 10 centimètres orbiteraient autour de notre planète.
PHOTOGRAPHIE DE NASA

Dans la nuit de jeudi à vendredi, deux débris stellaires pesant chacun le poids d'une citadine ont failli se percuter à 991 km au-dessus de nos têtes. S'ils étaient entrés en collision, un risque estimé à plus de 10 % par les experts, le choc aurait produit un nuage de débris qui aurait pu compromettre les autres satellites et engins spatiaux pour les décennies à venir.

Les deux objets en question sont un satellite russe de navigation désaffecté lancé en 1989 et un fragment de fusée chinoise dont le lancement remonte à 2009. D'après les calculs effectués par LeoLabs, une entreprise basée en Californie qui traque les objets en orbite terrestre basse, le rapprochement maximal entre les deux objets devait survenir à 02h56 le 16 octobre, heure de Paris, à la verticale de l'océan Atlantique Sud, au large des côtes antarctiques. La masse combinée des deux objets a été estimée à 2 800 kg et leur vitesse relative était de 14,7 km/s (53 000 km/h), toujours d'après LeoLabs.

Selon les dernières informations communiquées par l'entreprise californienne, les deux objets auraient évité l'accident de justesse en se croisant à une distance de 25 m environ, c'est donc une quasi-collision comme il s'en produit chaque année. Ces deux débris spatiaux se sont toutefois démarqués par leur taille. Le troisième étage de la fusée, la partie qui se détache des étages inférieurs pour se placer en orbite, mesure environ 8 m de long. Quant au satellite, il mesure 5 m de long mais possède une flèche stabilisatrice de plus de 17 m.

Leur collision aurait généré deux grands nuages « qui se seraient étalés comme une coquille de débris autour de la Terre, » explique le PDG de LeoLabs, Daniel Ceperley. De plus, étant donné l'altitude des objets, les débris auraient « stagné là-haut pendant des siècles » avant de brûler dans l'atmosphère.

La longue flèche du satellite russe aurait également pu donner lieu à un ricochet plutôt qu'à une collision de pleine face. Les résultats d'un impact du genre auraient été plus difficiles à prédire, indique Jonathan McDowell, astronome au sein du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics de Cambridge, dans le Massachusetts.

Toutefois, « il n'y a aucun risque pour la Terre, » précisait hier McDowell. « Ce seront de petits débris qui brûleront complètement dans l'atmosphère. La plupart ne descendront pas avant plusieurs décennies de toute façon, et le moment venu, ils se consumeront totalement. »

Il n'y avait par ailleurs aucun danger immédiat pour la Station spatiale internationale. La SSI orbite à une altitude de 400 km environ, « bien en dessous » de l'altitude où les débris seraient potentiellement apparus. Il n'y a « probablement aucun risque pour la SSI à court terme, » estimait hier McDowell. Cependant, au fil du temps, des morceaux de débris auraient fini par dériver jusqu'à l'orbite de la station spatiale. « Cela aurait augmenté la "pluie" qui tombe sur la station, » a-t-il expliqué.

Cette année, la SSI a dû manœuvrer pour se placer en dehors de la trajectoire de débris spatiaux afin d'éviter les dégâts à trois reprises, notamment lors d'une quasi-collision survenue il y a moins d'un mois.

Le potentiel champ de débris créé par une telle collision représenterait un danger pour tout engin le traversant, y compris les satellites en chemin vers une orbite géosynchrone à plus haute altitude, à 42 200 km au-dessus de la Terre, ou tout autre satellite désorbité vers l'atmosphère pour se consumer.

 

DÉCHARGE COSMIQUE

L'espace qui entoure la Terre est de plus en plus encombré. Au total, ce sont près de 29 000 objets d'origine humaine de plus de 10 cm qui orbiteraient actuellement autour de notre planète et les risques de collision spatiale sont donc plus importants que jamais. La demande pour un meilleur et plus grand accès à internet augmente en permanence la population de satellites. Ainsi, la société privée SpaceX a lancé par centaines ses satellites de communication Starlink en basse orbite terrestre et compte bien en lancer encore plusieurs milliers.

L'une des plus graves collisions d'équipement spatial est survenue en février 2009, lorsque le satellite de télécommunications en service Iridium 33 a heurté un satellite militaire russe désaffecté, Kosmos 2251, dans le ciel de la Sibérie. La collision a projeté environ 1 800 fragments de débris spatiaux toujours suivis à l'heure actuelle et a augmenté à elle seule de 10 % le nombre total de débris en basse orbite terrestre, indique McDowell.

« Nous n'avons aucune règle sur le trafic spatial qui nous permettrait d'apaiser les craintes en matière de sécurité, » déclare Moriba Jah, chercheur en mécanique orbitale au sein de l'université du Texas à Austin et créateur d'ASTRIAGraph, un système collaboratif de surveillance du trafic spatial. Si nous ne développons pas un meilleur système pour éviter les collisions, les retombées des débris spatiaux pourraient limiter notre accès à l'orbite. « Si l'on ne fait rien, on se dirige sur cette voie. »

À ce jour, la plupart des données sur les trajectoires de ces objets proviennent de l'armée américaine. Supervisé par l'United States Space Force, le réseau de surveillance spatiale des États-Unis utilise un réseau mondial de télescopes pour suivre à la trace tout objet plus grand qu'un pamplemousse. Cependant, avec l'utilisation croissante de la basse orbite terrestre à des fins commerciales, le Bureau du commerce spatial rattaché au département du Commerce des États-Unis se prépare à jouer un plus grand rôle dans le suivi des objets en activité au-dessus de nos têtes, tout comme des entreprises privées telles que LeoLabs.

Ceperley rappelle que la plupart des radars militaires américains ont été installés pendant la Guerre froide afin de « surveiller les missiles en provenance du pôle Nord. » Avant que LeoLabs n'ouvre sa station de surveillance en Nouvelle-Zélande, ajoute-t-il, le ciel de l'hémisphère Sud n'était que très peu surveillé. L'entreprise a également ouvert des stations en Alaska et au Texas.

De son côté, la NASA a créé l'Orbital Debris Program en 1979 mais il ne vise qu'à suivre les propres engins spatiaux de l'agence et non pas les milliers d'autres objets qui orbitent notre planète. Le département de la Défense des États-Unis avertit la NASA, ainsi que les entreprises et les pays du monde entier, s'il détecte une menace de collision avec un engin spatial.

La recrudescence des lancements de satellite dans l'espace s'accompagnera d'un plus grand nombre de quasi-collisions et, inévitablement, d'un risque accru de collisions effectives, déclare Ceperley. « Ces événements se produisent, et ce, de plus en plus fréquemment. Nous devons absolument établir une stratégie pour y faire face. »

 

Dan Falk (@danfalk) est un journaliste scientifique basé à Toronto, au Canada, également auteur de plusieurs ouvrages dont The Science of Shakespeare et In Search of Time.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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