Découverte d'une mystérieuse pellicule violette sur les roches martiennes

La couleur apparaît presque partout où se pose le regard du rover Perseverance et pourrait offrir des indices quant à une potentielle forme de vie passée sur Mars.

De Maya Wei-Haas
Publication 17 janv. 2022, 09:45 CET
Selfie de Perseverance et Rochette

Le rover Perseverance de la NASA a pris ce selfie avec la pierre surnommée Rochette, le 10 septembre 2021, soit 198 jours martiens, ou sol, après le début de sa mission. On distingue deux orifices sur la roche à l'endroit où le bras robotique du rover a prélevé ses échantillons.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, JPL Cal-tech, Msss

De la surface au ciel, la poussière rouge de Mars lui offre une teinte vermeille, mais le rover Perseverance de la NASA vient de détecter une autre couleur dans ce camaïeu de rouge. Sur presque chaque site visité par ce robot-géologue, la palette martienne présentait également du violet.

La couleur forme une fine pellicule sur certains rochers et laisse des traces semblables à des taches de peinture sur d'autres. Certains rochers donnent l'impression d'avoir été plongés dans un glaçage magenta, déclare Ann Ollila, géochimiste au Laboratoire national de Los Alamos et auteure d'une première analyse des pellicules présentée à l'occasion d'un récent congrès de l'Union américaine de géophysique (AGU).

Cette couleur semble se déposer sur des roches de toutes formes et tailles, même les plus petits galets n'y ont pas échappé. Mais alors, comment ces pellicules ont-elles bien pu se former ? « Je n'ai pas vraiment de réponse à vous donner, » indique Ollila.

Le rover Perseverance de la NASA a capturé cette image du rocher Nataani en mai 2021, sur laquelle on distingue une tache violette dans le coin supérieur droit. On remarque également les cinq orifices laissés par les lasers utilisés pour étudier la composition de la roche.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, JPL Cal-tech

Les scientifiques ont hâte d'en savoir plus. « Nous attendons beaucoup des analyses actuellement menées, » déclare Nina Lanza, responsable du service Space and Planetary Exploration du Laboratoire national de Los Alamos, qui étudie les pellicules violettes avec Ollila.

L'origine de ces mystérieuses taches pourrait apporter des détails sur le passé de Mars, notamment sur l'éventuelle présence d'une forme de vie. Au cours de leur formation, ces pellicules ont pu enregistrer des informations sur les conditions environnementales à travers leur composition chimique et minérale, ce qui pourrait aider les scientifiques à reconstituer ces environnements disparus depuis fort longtemps. Elles pourraient également contenir des preuves en lien direct avec la présence de vie : sur Terre, les microbes contribuent à créer des vernis rocheux similaires.

L'étude de ces revêtements peut également amener les scientifiques à mieux comprendre le fonctionnement des autres planètes. « À quel point les processus géologiques sont-ils universels ? Et quelle est leur influence sur la planète ? » s'interroge Cassandra Marnocha, microbiologiste rattachée à l'université de Niagara dans l'État de New York.

 

COUP DE PINCEAU

Les pellicules violettes de la planète rouge ont été détectées dans le cratère de Jezero, un ancien lac de 45 km de diamètre, creusé par l'impact d'une météorite il y a plusieurs milliards d'années. Perseverance s'est posé dans ce cratère en février 2021 et le parcourt de long en large depuis. À presque chaque arrêt du rover, des éclats de violet sont apparus dans ses images.

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    Même si les pellicules de ce genre ne sont pas une découverte sur Mars, l'apparition fréquente de violet dans le cratère de Jezero a interpellé les scientifiques.

    « Les précédentes missions rover n'avaient jamais aperçu ce type spécifique de tache violette, » explique Bradley Garczynski de l'université Purdue, qui a également présenté une analyse des pellicules au congrès de l'AGU. Garczynski étudie le phénomène grâce à des images issues de la caméra Mastcam-Z, les « yeux scientifiques du rover ». En étudiant ces images capturées avec divers filtres bloquant différentes longueurs d'onde, les scientifiques peuvent se faire une idée approximative de la composition rocheuse.

    Ollila et ses collègues examinent d'encore plus près les pellicules grâce à la SuperCam du rover, capable de vaporiser la roche avec son laser pour en extraire la composition élémentaire. Chaque tir de laser crée un petit orifice à la surface de la roche et un léger bruit de claquement. Le microphone du rover enregistre ce bruit et permet aux scientifiques d'écouter le laser traversant la pellicule puis la roche sous-jacente. Ces sons fournissent également des informations sur les propriétés de la roche, comme sa dureté.

    Les premiers résultats de ces analyses montrent que le violet semble être une couche plus malléable aux propriétés chimiques distinctes de la roche inférieure. Les images de la Mastcam-Z suggèrent la présence d'oxyde de fer dans les pellicules, indique Garczynski. D'après la SuperCam, ces couches superficielles seraient enrichies en hydrogène et parfois en magnésium, indique Ollila.

    La présence d'hydrogène suggère que l'eau a joué un rôle majeur dans la formation des taches violettes. L'oxyde de fer pointe également dans ce sens, tout comme la rouille qui se forme sur un vélo abandonné sous la pluie. Une étude approfondie pourrait révéler un trésor d'informations sur la place de l'eau dans le passé de la planète rouge, notamment sur la durée de vie du lac dans le cratère de Jezero et, peut-être, sur ses propriétés chimiques. « La présence de pellicules pourrait jouer un rôle central dans cette histoire, » assure Garczynski.

    Quoi qu'il en soit, il reste un autre mystère à élucider : l'emplacement des pellicules violettes. La trajectoire actuelle de Perseverance ne traverse pas les sédiments du lac, mais plutôt des roches formées par le refroidissement de magma. Il s'agit donc désormais de déterminer comment les roches sont arrivées à leur emplacement actuel sur le plancher du cratère, comment elles sont entrées en contact avec l'eau et à quelle période. « Si j'avais dû deviner où se trouveraient les pellicules à travers le cratère, je n'aurais probablement pas choisi cet endroit-là, » indique Lanza.

    Pour le moment, les chercheurs n'ont analysé qu'une poignée d'échantillons et ils ont déjà rencontré plusieurs problèmes. Les données chimiques de la SuperCam ne semblent pas toujours correspondre aux différents sons produits par le laser, indique Ollila. Distinguer la signature chimique des pellicules de la roche sous-jacente et de la poussière martienne omniprésente constitue une autre difficulté. Par ailleurs, les vents puissants de la planète rouge limitent les occasions des scientifiques d'entendre le bruit du laser.

    « Mars ne nous simplifie pas la tâche, » déclare Lanza.

     

    CRÈME SOLAIRE POUR MICROBES

    Sur Terre, ce type de revêtement est souvent associé à la vie, c'est pourquoi les astrobiologistes nourrissent un tel espoir face à ces pellicules martiennes.

    Comme nous l'explique Marnocha, les aspérités d'une roche peuvent offrir un petit havre de paix aux microbes dans les environnements difficiles, en leur procurant nutriments, protection contre le Soleil, ou humidité en milieu sec. Certains de ces microbes contribuent à la création de pellicules en métabolisant les métaux présents à la surface de la roche ou dissous dans l'eau. Sur Mars, ces pellicules ont pu aider à la conservation d'anciens microbes bien après leur mort en empêchant l'intense rayonnement solaire de dégrader les structures organiques délicates.

    Les premières pellicules martiennes ont été détectées par les missions Viking qui ont visité la planète rouge au milieu des années 1970. Mais il a fallu attendre que d'autres roues foulent le sol martien pour identifier ces zones d'ombre comme étant des pellicules plutôt que de simples taches sur la surface, explique Marnocha.

    Parmi les découvertes les plus remarquées figure notamment celle de pellicules riches en manganèse dans le cratère de Gale, où le rover Curiosity analyse actuellement la surface de Mars. La découverte rappelle fortement un type de revêtement rocheux connu sur Terre sous le nom de vernis, ou patine, généralement truffé de minuscules formes de vie. Dans une récente étude des patines à travers les États-Unis, une équipe de chercheurs a établi « le trombinoscope des bactéries résistantes aux radiations, » indique Chris Yeager, microbiologiste au Laboratoire national de Los Alamos.

    D'après leurs résultats, un type particulier de cyanobactérie serait à l'origine du manganèse contenu dans la patine en concentrant le métal pour se protéger contre le rayonnement solaire, comme de la crème solaire.

    Les pellicules du cratère de Jezero ne possèdent pas le manganèse nécessaire pour être considérées comme une patine, mais cela ne signifie pas pour autant qu'elles ne peuvent pas être liées à une forme de vie ancienne, explique Lanza. « Qui sait comment se comportent les microbes martiens ? »

    L'équipe espère démêler la composition chimique des pellicules et chercher des traces de matière organique associées aux croûtes martiennes qui pourraient indiquer la présence de microbes. Rapatrier les roches sur Terre pour une analyse en laboratoire est l'une des seules façons d'étudier en profondeur la formation des pellicules violettes.

    Au fil de sa progression à travers le cratère, Perseverance extrait des carottes des roches martiennes et les conditionne dans des tubes en attendant leur retour sur Terre à l'occasion d'une future mission. Malgré la fragilité de ces pellicules, Ollila espère que certaines supporteront le processus de prélèvement afin que les scientifiques puissent les analyser de plus près à l'avenir.

    En attendant, l'équipe est enthousiaste à l'idée de poursuivre son travail alors que Perseverance se dirige vers le delta de Jezero, une immense étendue de sédiments déposés par les anciennes rivières qui se déversaient dans le cratère. « Ce n'est que le début, » déclare Lanza. « Ce n'est qu'un élément parmi tant d'autres que nous allons rencontrer et je pense qu'il y a encore beaucoup de découvertes à faire. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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