Qu’est-ce que le trou blanc, l’opposé du trou noir ?

Si l’existence des trous noirs a été étudiée et validée par la communauté scientifique, celle de leur exact opposé, les trous blancs, reste encore très hypothétique.

De Morgane Joulin
Publication 6 mars 2024, 14:52 CET
Représentation artistique d’un trou noir et d’un trou blanc.

Représentation artistique d’un trou noir et d’un trou blanc. 

PHOTOGRAPHIE DE Elen / Alamy Banque D'Images

Les trous noirs ont longtemps été considérés comme des objets mathématiques, dont l’existence n’était que pure abstraction. La théorie de la relativité générale élaborée par Einstein suggérait déjà en 1915 qu’un objet de ce type puisse exister, mais il aura fallu plusieurs dizaines d’années pour réunir les preuves de leur présence effective dans l’univers. En avril 2019, la première photo d’un trou noir supermassif et de son ombre était diffusée en conclusion du projet Even Horizon Telescope, posant un terme définitif aux débats sur leur existence. 

Les trous blancs eux, en sont toujours au stade des suppositions. « Comme le trou noir, c'est un objet décrit et prévu par la théorie de la relativité générale d'Einstein » indique Carlo Rovelli, astrophysicien, membre du Centre de Physique Théorique de Luminy et co-fondateur de la théorie de la gravité quantique à boucles. Scientifique de renom, il a étudié ces mystérieux objets et a publié récemment un livre sur le sujet

Théoriquement, les trous blancs sont l’exact opposé des trous noirs, c’est-à-dire qu’ils ne font qu’expulser l’information et la matière, quand les trous noirs ne font que l’absorber. C’est pour cela qu’on les surnomme parfois « fontaines blanches ». « On peut rentrer dans un trou noir, mais pas en sortir tout de suite. On peut sortir d’un trou blanc, mais pas y rentrer », résume Carlo Rovelli. 

Le lien entre les trous noirs et les trous blancs, est, selon l’expert, « le même lien qu'il y a entre la trajectoire d'un ballon qui tombe vers le bas et la trajectoire d'un ballon qui rebondit vers le haut. La deuxième est comme la première reversée dans le temps, c'est-à- dire comme si elle était filmée et projetée à l'arrière. »

La formation des trous noirs est aujourd’hui connue et décrite dans la théorie de la relativité générale. Elle explique que pour qu’un trou noir se forme, il faut qu’une étoile d’au moins trois fois la taille du Soleil arrive en fin de vie et s’effondre sur elle-même. Son implosion génère ce que l’on appelle une supernova, où les couches externes de l’astre sont projetées dans l’espace, tandis que son cœur se comprime et devient si dense qu’il forme un trou noir. Les trous noirs sont délimités par l’« horizon des événements », c’est-à-dire une frontière au-delà de laquelle plus rien ne peut ressortir. Le temps et les lois de la physique ne s’appliquent plus, et la gravité est si forte que même la lumière, l’entité connue la plus rapide de notre univers, ne peut s’en échapper. 

Illustration d’une supernova, genèse de la formation des trous noirs. 

PHOTOGRAPHIE DE Frank Nowikowski / Alamy Banque D'Images

En ce qui concerne la genèse des trous blancs, il n’y a aucune certitude. Le premier à introduire ce concept est le cosmologiste soviétique Igor D. Novikov en 1964. À ce jour, la théorie la plus aboutie est celle de la gravitation quantique à boucle, développée à la fin des années 1980 par le théoricien de la physique Lee Smolin et par Carlo Rovelli. Elle tente de concilier la théorie de la relativité générale avec la physique quantique. Comme l’illustre cet article du CRNS, la première décrit la déformation de l’espace et du temps sous l’action de la matière à l’échelle cosmique. Dans ce cadre, la géométrie variable de l’espace-temps détermine le mouvement de la matière, que nous interprétons comme dû à la gravité. La seconde explique comment les particules élémentaires interagissent à des échelles infinitésimales. Les deux théories sont nécessaires pour comprendre les trous noirs, car ils ont à la fois un champ gravitationnel très fort et la matière y est condensée à l’extrême.  

Cette théorie stipule également que l’espace est soumis aux phénomènes quantiques. Il serait composé de minuscules grains individuels de taille finis, à l’image des atomes dans la matière. Avec cette supposition, l’espace ne peut être divisé à l’infini. Il y a donc une limite à la concentration de la matière dans un trou noir, qui est de 10-35 mètres. À partir de cette limite, la géométrie de l’espace-temps s’inverse, permettant à la matière, qui avant se contractait, d’être expulsée. Dès lors, un trou blanc « se forme à la fin de la vie [du] trou noir. À la fin de son évaporation », révèle Carlo Rovelli. 

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    Tout comme pour le trou noir, le temps passerait plus lentement aux alentours d’un trou blanc. « Ce n'est pas une "supposition de la théorie" : c'est un effet physique que l'on mesure dans les laboratoires : le temps passe plus lentement près d'une masse. N'importe quelle masse. Y compris les trous noirs. » En effet, le trou noir est tellement massif qu’il tord l’espace-temps autour de lui et le ralentit. Cela pourrait expliquer pourquoi nous ne voyons pas les trous blancs exploser dans l’espace. Un temps très court près de l’horizon des événements correspond à un temps très long loin de cet horizon. Ainsi, un temps de rebond de quelques fractions de seconde pour le trou noir correspondrait à des milliards d’années pour l’observateur lointain. Si on ne voit pas de trous blancs jaillir dans l’Univers, c’est peut-être parce que cela n’est pas encore arrivé jusqu’à notre espace-temps. 

     

    LA MATIÈRE NOIRE

    Une autre théorie avancée par Carlo Rovelli révèle que les trous blancs pourraient former une partie de la matière noire, une matière hypothétique qui ne réfléchit ni n’émet la lumière, qui ressentirait la gravitation, mais qui n’interagirait quasiment pas avec la matière ordinaire. Cette matière invisible constituerait environ un tiers de la matière de notre Univers, selon une estimation de 2022 intitulée « Panthéon + » de The Astrophysical Journal.

    « Les trous blancs ont exactement les mêmes propriétés que la matière noire : ils peuvent former une sorte de poudre qui est invisible, mais qui a quand même une masse et un effet gravitationnel, comme on l'observe pour la matière noire », explique Carlo Rovelli. 

    Car tous les trous noirs n’exploseraient pas violemment en fontaines blanches, certains pourraient, après s’être quasi totalement évaporés, devenir de minuscules trous blancs, difficiles à détecter parce qu'ils n’émettent presque aucun rayonnement et ont une longue espérance de vie. « Les calculs récents suggèrent qu'il pourrait y avoir un grand nombre de trous blancs petits, avec une masse d'une fraction de microgrammes. Grosso modo la masse d’un cheveu », ajoute le théoricien. 

    L’existence des trous blancs reste donc incertaine. « Nous ne savons pas s'ils existent dans notre univers », conclut Carlo Rovelli. Mais la théorie de la gravitation à boucle pourrait apporter des réponses quant à leurs propriétés, et il n’est pas dit qu’ils ne connaitront pas le même destin que les trous noirs. 

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